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    Mission : Impossible - De Brian De Palma à Christopher McQuarrie, comment la saga a-t-elle évolué ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Alors que la saga fête ses 22 ans d'existence sur grand écran, retour sur chacun de ses six épisodes et la façon dont les différents réalisateurs se sont appropriés la marque "Mission : Impossible" pour la faire évoluer en même temps que Tom Cruise.

    MISSION : IMPOSSIBLE II

    Paramount Pictures

    Si vous demandez à un connaisseur de la saga de citer l'épisode qu'il aime le moins, il y a de fortes chances pour que le second soit mentionné. À juste titre car c'est celui qui a le moins bien vieilli, pur produit du début des années 2000 jusque dans son générique aux accents nu metal signé Limp Bizkit, seul groupe à avoir eu l'honneur de revisiter le célèbre thème et de prendre la place du compositeur du long métrage, ici Hans Zimmer, dans cet exercice. Sorti le 24 mai 2000 aux États-Unis et le 26 juillet en France, il débarque un an après la folie Matrix, qui a achevé de faire du modèle asiatique l'approche à suivre en matière d'action avec ses câbles et saltos, alors que Matt Damon n'a pas encore commencé à prendre les cours de krav maga qui l'aideront à renouveler le genre grâce à La Mémoire dans la peau.

    Après s'être offert ce qui se fait de mieux en matière de thriller, Tom Cruise se tourne vers LE gros nom de l'action du moment, celui à qui Hollywood déroule le tapis rouge depuis le succès de Volte/Face : John Woo. Lequel ne se fait pas prier pour imposer son style généreux, peu avare d'un vol de colombes, d'un ralenti qui appuie un coup, une chute ou un impact de balle, ou encore d'un recours parfois excessif aux symboles, tel ce plan qui présente Ethan Hunt comme un ange de la mort lorsque celui marche au milieu de flammes dans le bunker où se cache son ennemi Sean Ambrose (Dougray Scott). Un méchant qui veut littéralement être le héros, permettant ainsi au cinéaste de renouer avec le thème central de son précédent long métrage grâce à l'un des codes de la saga : les masques.

    Dans Volte/Face, Nicolas Cage devenait John Travolta (et inversement) par nécessité. Ici, c'est autant pour assouvir son plan diabolique que parce qu'il rêve d'être lui qu'Ambrose, ancien agent Mission : Impossible passé du côté obscur, prend l'apparence de Hunt à deux reprises, dans la scène d'ouverture où il dérobe le virus Chimère auprès du Docteur Nekhorvich (Rade Serbedzija), puis pour confrondre Nyah Hall (Thandie Newton). Une voleuse qui n'est autre que son ex, renvoyée dans ses bras par Ethan à qui elle croit parler lors de cette entrevue nocturne. Il s'agit en réalité du méchant qui, quelques instants après, enlève son masque, les yeux rougis par les larmes, autant parce qu'il se sait trahi que parce qu'il découvre que la jeune femme préfère son ennemi, le renvoyant un peu plus à ses névroses.

    Ambrose sera même pris à son propre jeu lors du dernier tiers lorsque, croyant avoir affaire à Hunt dont il compte se débarrasser une bonne fois pour toutes, il abat son homme de main Hugh Stamp (Richard Roxburgh), berné par un échange de masques et de visages. Alors que le héros s'enfuit, au ralenti, le cri de rage de son ennemi peut alors se lire de deux façons et provient aussi bien du fait d'avoir été dupé de la sorte, que de constater qu'Ethan a préféré devenir quelqu'un d'autre que lui au moment de se déguiser, signe que la fascination n'opère que dans un sens. Une manière, pour John Woo, d'intégrer un peu de psychanalyse à un récit imprégné de mythologie dès les premières secondes.

    Paramount Pictures

    Dans la scène d'introduction, le Docteur Nekhorvich annonce que "toute recherche d'un héros doit commencer par ce qui est indispensable à tout héros : un méchant", pour expliquer en quoi le virus Chimère a précédé la création de son antidote, appelé Bellérophon comme dans la mythologie grecque. Un monologue qui préfigure la structure du long métrage puisque ça n'est pas Ethan Hunt, comme on pourrait le croire, mais bien le maléfique Sean Ambrose grimé qui nous apparaît le premier, nécessitant que l'on fasse ensuite appel au gentil qui pensait pouvoir profiter de ses vacances et à qui l'on demande de jouer les sauveurs. De Sydney dans un premier temps et du reste du Monde par extension.

    Contrairement à Brian De Palma, plus terre-à-terre et focalisé sur un monde encore marqué par la chute du bloc soviétique, John Woo vise le lyrisme et son premier plan, sur l'Opéra de Sydney, annonce la couleur d'un opus qui se veut opératique. Quitte à sombrer dans le kitsch et le mauvais goût, comme lorsque les regards d'Ethan et Nyah se croisent, cheveux au vent, alors que leurs voitures dérapent collées l'une à l'autre, métaphore gentiment appuyée de l'attirance entre les deux personnages ; ou quand des fondus enchaînés les superposant viennent rappeler, si besoin était, que le héros et le méchant représentent les deux faces d'une même pièce.

    "Ce n'est pas Mission : Difficile mais Mission : Impossible, M. Hunt. Difficile serait un jeu d'enfant pour vous" (Commandant Swanbeck)

    Non content de jouer une histoire de triangle amoureux sur fond d'espionnage, comme Alfred Hitchcock avec Les Enchaînés, le cinéaste chinois fait également parler sa passion pour les comédies musicales de Jacques Demy, à qui il avoue rendre hommage pendant la rencontre entre Ethan et Nyah, qui prend des allures de pas de deux alors que du flamenco se danse entre eux. Une tentative louable de faire du héros de la saga un personnage romantique, ce qui n'est pas totalement convaincant car il manque cette dimension tragique et cette ombre de la mort qu'il transporte avec lui, et que les cinéastes suivants exploiteront mieux. Il faut dire que Mission : Impossible II, en abandonnant le côté équipe pour un quasi-solo de sa star, laisse trop souvent la part humaine de Hunt de côté.

    Il y a bien sûr son histoire d'amour avec Nyah, mais celle-ci n'est pas assez forte pour contrebalancer l'image de surhomme qui devient la sienne dès cet épisode et sa première apparition, en pleine escalade d'une falaise à mains nues, sans autre justification scénaristique que la beauté du geste et le morceau de bravoure. Des images certes impressionnantes, où la performance semble prendre le pas sur la mise en scène, ce que John Woo rattrapera dès qu'il sera de nouveau question d'action, et notamment lors de la formidable course-poursuite à motos. L'un des gros morceaux de cinéma de ces vingt dernières années, une véritable poussée d'adrénaline qui confirme tout le talent du réalisateur dans l'exercice et aboutit à la fusion quasi-littérale entre le héros et son adversaire, pour le plus grand plaisir d'un Sean Ambrose qui n'aura pas le temps d'en profiter.

    Une séquence parmi les plus spectaculaires de la saga, qui a permis à Ethan Hunt d'asseoir son statut de James Bond américain, et même de surpasser son modèle alors incarné par Pierce Brosnan. Et c'est justement le piège dans lequel la franchise est momentanément tombée avec ce Mission : Impossible II. Plutôt que de creuser sa propre voie, la film cherche trop à faire de son héros le pendant US de 007, avec un second degré qui ne lui correspond que peu et une sexualisation maladroite qui flirte souvent avec la misogynie. Des aspects qui seront heureusement laissés de côté dans le long métrage suivant. Un peu trop ancré dans son époque sur le plan cinématographique, pour le meilleur comme pour le pire, celui-ci fait aujourd'hui figure de parenthèse et de pas de côté de son personnage à l'échelle de la franchise, puisqu'il ne sera pas plus fait mention de ses événements que ses protagonistes, Ving Rhames excepté, seront de retour.

    Si le revoir aujourd'hui peut faire grincer des dents, Mission : Impossible II a le mérite de ne pas être calculateur ni de jouer la carte de la retenue, y compris lorsqu'il nous offre des reflets hasardeux incrustés dans des lunettes de soleil. Malgré ses défauts évidents, il ressemble à son réalisateur au style généreux, respectant ainsi le principe mis en place par Tom Cruise au moment de lancer la saga sur grand écran. Et même si le cinéaste est avant tout au service de sa superstar, plus que jamais consciente de son statut et bien décidée à s'offrir un cadeau à sa (dé)mesure, le résultat s'avère bien plus riche qu'on ne pourrait le croire sur le plan thématique et dans son exploration de la luttre entre le Bien et le Mal.

    Avez-vous remarqué tous les détails cachés du film ?

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