2019 était une année décisive pour HBO alors que s’annonçait la fin d’une ère avec la diffusion de l’ultime épisode de Game of Thrones, la série qui a fait sa gloire depuis près d’une décennie. Un sentiment d'ailleurs renforcé par l’arrêt de plusieurs autres programmes phares de la chaîne câblée américaine, les comédies Ballers, Silicon Valley et Veep, le show politique irrévérencieux porté par Julia Louis-Dreyfus.
Quand bien même ces trois séries auront chacune – à des degrés divers – marqué notre époque, il ne fait en tout cas aucun doute que la fin de Game of Thrones aura été le moment le plus attendu dans l’Histoire de la télévision, avec des records d’audience historiques battus et des millions de tweet postés en réaction à chacun des épisodes diffusés. D’un point de vue objectif, la piètre réception de ce final est anecdotique : bien qu’elle laisse aux fans un sentiment de déception, cette conclusion aura marqué un événement à la hauteur des attentes, et ouvert pour de bon une nouvelle ère des séries, celle des plate-formes de streaming SVOD.
Pour autant, la télévision traditionnelle n’est pas morte, loin de là, et HBO l’a bien prouvé en anticipant avec brio l’arrêt de ces quatre séries emblématiques. Preuve que la chaîne câblée américaine demeure un pilier essentiel dans l’univers des séries de qualité, mais aussi que le succès populaire de Game of Thrones n’a en rien changé l’ADN irrévérencieux et qualitatif du network.
L’euphorie du successeur
HBO
L’après Game of Thrones a débuté dès l'été 2018 avec le lancement de Succession, un drama familial se déroulant dans le milieu des affaires new-yorkais, avec Brian Cox en patriarche d’un clan multi-milliardaire dont les héritiers s’entredéchirent la future succession. Par son sujet, son absence de star grand public, Succession n’était à priori pas le candidat rêvé pour succéder à une série aussi populaire que Game of Thrones. Et en effet, cela n’a pas été lé cas. Car Succession n’a pas été conçue pour remplacer GOT, mais bien pour faire suite aux premiers succès de HBO, ces séries à la fois sombres et pleine de dérisions, portées par des anti-héros abîmés par la vie : The Wire, Les Soprano, Six Feet Under…
Succès d’estime pour sa première saison, Succession a connu un engouement plus conséquent cette année, grâce à une seconde saison plus maîtrisée, une écriture des personnages bluffante et des dialogues devenus instantanément culte : on pourrait dès lors presque dire que 2019 a tout autant été l’année de Game of Thrones que celle de Succession.
Un autre drama aura également marqué la mue 2019 de HBO. Portée par Zendaya, grand espoir actuel du cinéma et ex-égérie Disney, Euphoria marque la première incursion de la chaîne dans l’univers des ados, une thématique récurrente des séries télévisées mais qui n’a jamais été abordée d’une manière aussi frontale et crue que dans la série de Sam Levinson, libre adaptation de la mini-série israélienne du même nom.
Devenue le porte-étendard du mouvement woke, Euphoria est une série sans concession, à l’esthétique léchée, une importance accordée à l'image qui tranche avec l’ambiance sombre et désabusée du programme : c’est ici le portrait d’une jeunesse américaine paumée, qui se réfugie dans le sexe et les excès en tous genres qui nous est montrée, tandis que d’autres thématiques comme le cyber-harcèlement, les relations parents / enfants ou encore celui de l’addiction sont également abordés dans chacun des épisodes consacré à l’un des personnages tandis que Rue (Zendaya) fait office de narratrice de la série.
Dès son lancement en août dernier, Euphoria a rencontré un succès quasi-unanime après des critiques et du public, et bien que boudée par les principales cérémonies de prix, la série semble tenir toutes les promesses d’un show générationnel incontournable comme l’avait été en son temps – bien que dans un registre plus comique – Girls.
Plus c’est court, plus c’est bon
HBO
Les mini-séries ont depuis toujours constitué l’une des spécialités de HBO, avec la diffusion au fil des années de chefs d’oeuvre télévisuels tels que Angel in America, Frères d’armes et plus récemment Show me a hero et The Night Of. 2019 n’a pas fait exception avec un cru particulièrement exceptionnel de "limited series" à commencer par Chernobyl, coproduite avec la chaîne britannique Sky, qui retrace en cinq épisodes la tragique explosion de la centrale nucléaire soviétique, et ses conséquences désastreuses alors que le gouvernement russe a tout fait pour minimiser les faits.
Tournée en Lituanie avec un casting essentiellement britannique (la série a été critiquée pour avoir été produite en anglais sans acteurs russes), Chernobyl a connu un succès inattendu, qui aura très vite permis à la série de se classer parmi les mieux notés sur le web, avec notamment une note spectateurs de 4,7/5 sur AlloCiné au moment de sa diffusion. Un engouement inouï qui a convaincu la production du show de se consacrer à d’autres tragédies, comme l’incendie de la cathédrale Notre-Dame le 15 avril dernier qui fera très prochainement l’objet d’une adaptation en mini-série.
L’autre électro-choc télévisuel de l’année a bien sûr été le lancement de la mini-série Watchmen. Inspirée du comic book culte de Dave Gibbons et Alan Moore, l’écriture de ce show – première série super-héroïque de HBO – a été confiée à Damon Lindelof, le scénariste prodige déjà auteur de la très estimée The Leftovers. Bien qu’elle ne reprenne pas l’intrigue du comics (son action se déroule environ 30 ans après celle de la bande-dessinée), Watchmen aura su déjouer tous les pronostics en livrant une histoire passionnante, à la fois indépendante et respectueuse du matériau d’origine.
Par le biais de cette histoire de super-(anti)héros, la mini-série s’est surtout intéressée à l’Histoire américaine, avec notamment la reconstitution d’un fait méconnu, l’émeute raciale de Tulsa perpétrée en 1921 par des membres du Ku Klux Klan qui avait coûté la vie à 45 afro-américains. Un massacre à l’origine de la naissance du Juge Masqué (héros membre des Minute Men, le groupe fictif qui a préfiguré celui des Watchmen), puisque la série s’est construite autour de la thématique de l’héritage, à la fois familial alors qu’Angela Abar (Regina King) découvre le passé de son grand-père, mais aussi politique, comme si l’Amérique de 2019 ne différait pas celle ségrégationniste de 1921.
Déjà tournée vers 2020
HBO
Après Game of Thrones, HBO en a-t-elle terminé avec les franchises ? Tout d’abord, il paraît nécessaire de rappeler que l’arrêt de la série ne marque pas pour autant la fin de l’univers imaginé par George R.R. Martin puisque plusieurs projets de spin-off ont été mis en développement par la chaîne. Et alors qu’un projet semblait tenir la corde avec le tournage d’un pilote, c’est finalement contre toute attente une autre série spin-off qui verra le jour : House of the Dragon, sur les origines du clan Targaryen. Qu’on se le dise donc, HBO n’en a pas vraiment terminé avec Game of Thrones, d'autant que d’autres séries spin-off pourraient également voir le jour au cours des prochaines années.
Une autre franchise a également fait ses débuts cette année, marquant elle aussi le début d’une toute nouvelle ère pour HBO ; coproduite avec la BBC, la série A la croisée des mondes est l’adaptation de la série de romans pour jeunes adultes écrite par Philip Pullman, portée par un casting composé notamment de James McAvoy et de Dafne Keen, la révélation du film Logan. Véritable blockbuster télévisuel, il était peu dire que ce programme était attendu de pied ferme par les fans déçus par l'adaptation cinématographique du roman, mais le résultat a semble-t-il été la hauteur des espérances avec une réception enthousiaste à travers le monde et la commande anticipée d’une seconde saison déjà tournée et attendue pour le courant de l’année prochaine.
Avec ce nouveau catalogue, HBO peut donc se projeter avec confiance vers 2020, d’autant que la chaîne pourra également compter sur le grand retour de sa série Westworld pour une troisième saison, mais aussi sur le lancement de trois nouveautés déjà très attendues : Avenue 5, une comédie spatiale avec Hugh Laurie, Perry Mason, le reboot du feuilleton culte par le créateur de True Detective, ou encore Le Complot contre l’Amérique, adaptation du roman signé Philip Roth par le scénariste David Simon (The Wire).
C’est donc une évidence : à une époque largement dominée par les plate-formes de streaming SVOD et leurs superproductions, la télévision traditionnelle n’a pas encore dit son dernier mot...
