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    The Plot Against America (OCS) : l'Amérique plongée dans le fascisme par le créateur de The Wire [INTERVIEW]
    Emmanuel Itier
    Emmanuel Itier
    -Correspondant
    Basé à Los Angeles, Emmanuel Itier accompagne AlloCiné sur les sorties américaines, en assurant interviews/junkets et couverture d’événements US.

    Ce soir, OCS diffuse l'épisode 5 de la mini-série en six parties "The Plot Against America". Son créateur, David Simon, ainsi que ses deux actrices Zoe Kazan et Winona Ryder, nous parlent de cette adaptation du roman de Philip Roth.

    HBO

    AlloCiné : Est-ce que l’idée qu’une "célébrité", Charles Lindbergh dans cette série, devienne un président d’extrême droite et lance une politique antisémite et nationaliste est de plus en plus d’actualité ?

    David Simon : Tristement, on ne peut que contaster les parallèles entre le livre de Philip Roth qui a inspiré cette série et ce qui se passe en ce moment aux USA et dans nombre d’autres régions du monde. Il y a une montée du nationalisme, du populisme et de la xénophobie. C’est tout simplement la peur de l’autre, quel qu’il soit. Je pense que c’est en raison de ce climat que ce show a pu être mis en place. C’est intéressant parce qu’il y a 5 ans, quand Obama venait d’être ré-élu, on m’avait proposé d’adapter The Plot Against America en série mais j’ai refusé car je ne voyais pas du tout comment cela pouvait intéresser qui que ce soit, nous vivions dans une "autre" Amérique. Mais plus aujourd’hui. Oui, plus que jamais il nous faut parler des risques des dérives politiques qui se multiplient un peu partout dans le monde.

    Winona et Zoé, parlez-nous de la relation entre vos deux personnages ?

    Zoe Kazan : Au début de la série, mon personnage, Bess Levin, ne se sent pas du tout concernée par ce qui est en train de se passer. Je pense que la seule chose qui est importante pour elle c’est sa famille. Elle se focalise uniquement sur la cellule familiale. Mais, petit à petit, la tension monte en raison des divergences de pensée avec sa soeur, Evelyn Finkel. Le fragile équilibre de paix de sa famille se trouve remis en question.

    Winona Ryder : Exactement ! Mon personnage, Evelyn, désire tellement ce que sa soeur Bess possède. C’est une jalousie presque maladive, accentuée par la tension politique du moment. Cela me rappelle un peu les conflits qui animaient ma jeunesse dans ma famille. En moins dramatique, tout de même.

    HBO

    Est-ce que cette série essaie de clarifier la zone d’ombre qui entoure, encore, le personnage de Lindbergh?

    D.S. : Non, pas vraiment. Je crois que tout le monde sait aujourd’hui qui était Lindbergh et sa sensibilité pro Allemagne nazie avant que les USA ne rentrent en guerre officiellement contre Hitler en 1942, à la suite de l’attaque sur Pearl Harbor. Quand j’ai rencontré Philip Roth, avant sa mort, nous avons parlé de Lindbergh et comment, en effet, il aurait pu battre Roosevelt grâce à sa notoriété. C’est ce parallèle avec d’autres célébrités d’aujourd’hui qui m’intéresse. C’est de montrer les risques qu’il y a à croire en ces célébrités et à les élire à la tête de tel ou tel pays. Imaginez combien c’était difficile à l’époque de voir Lindbergh comme un danger quand il avait accompli de tels exploits avec son petit avion et au péril de sa vie. C’est un véritable danger de croire en ce genre de “héros” ayant des visions aussi extrèmes. Je me souviens que mon père, jeune garçon, avait été forcé d’aller admirer Lindbergh avec son grand père dans une parade à New York, alors qu’il est juif et que clairement, Lindbergh était antisémite. 

    Est-ce que vous avez eu des problèmes légaux avec les descendants de Lindbergh ? De le présenter comme un président faciste a dû les énerver, non ?

    D.S. : Et bien, sans doute que Philip Roth a rencontré ce genre de pression ou demande des descendants de Lindbergh mais pour nous cela n’a posé aucun problème. C’est un fait reconnu les positions politiques de Lindbergh et dur de venir se plaindre sur la notoriété de votre ancêtre. De plus il a disparu depuis fort longtemps donc cela rentre dans le domaine public : sa vie et son image… Et puis, c’était même écrit dans son journal intime son antisémitisme… 

    HBO

    Zoe, vous êtes la petite-fille du légendaire réalisateur Elia Kazan, est-ce que cela rajoute une certaine dimension émotionnelle de faire partie d’une série aussi politique ?

    Z.K. : Je sais que mon grand-père, qui a notamment réalisé A l'est d'Eden adapté du roman de Steinbeck, était un activiste politique forcené. Il croyait aussi aux Etats Unis comme modèle de la démocratie et cela lui a porté préjudice lorsqu’il a témoigné contre certains de ses collègues "black listés". Pour ma part je ne renie pas cet "héritage" mais je ne cherche pas à capitaliser avec, non plus. Mais c’est vrai que de participer à une série qui parle de l’Amérique, de ce qu’est un "bon Américain", de la notion de démocratie, forcément cela me fait penser à ma famille d’immigrants et ce qu’ils ont dû vivre en tentant l’aventure dans ce pays. Moi, je choisis de vivre ma vie comme je l’entends, en respectant le passé mais aussi en m’en libérant. Je tente toujours de choisir mon futur sans le poids de l’histoire de ma famille. Je suis tellement reconnaissante de faire partie d’une série qui souligne mes choix et mes espoirs sur ce que je suis devenue en tant qu’actrice, en tant que femme libre de sa destinée.

    Philip Roth est constamment adapté au cinéma, en séries, comment expliquez-vous ceci ?

    D.S. : C’est un défenseur de la vérité et je pense qu’en ces temps fragiles, la vérité, comme nous le voyons, est de plus en plus "contestée" et devient "fake news" au moindre rugissement de tel ou tel politicien. La vérité n’est jamais facile à avaler mais la nier, la déformer conduit toujours à un chaos sans mesure. Même si j’adore Roth il n’est pas façile à adapter car il est tellement intellectuel, intime, qu'il n'est pas simple de le mettre en images, en mouvements. Il y a eu plusieurs vaines tentatives pour adapter The Plot Against America. J’espère que mon travail, un véritable défi d’écriture, rencontrera le succès mérité. Dans tous les cas, heureusement que nous avons pu l’adapter en série télévisée et non pour le cinéma. Car en plusieurs épisodes nous avons une chance de donner vie à chaque personnage, de présenter chaque angle de leur point de vue sur cette histoire politique et semi historique. Au cinéma cela aurait été une boucherie !

    Winona, espérez-vous que les fans de “Stranger Things” qui sont tellement jeunes vont venir vous voir dans cette série ?

    W.R. : C’est vrai que l’audience de Stranger Things est super jeune mais cela ne veut pas dire qu’ils/elles ne sont pas mûres pour comprendre cet auteur tellement important. De plus je suis certaine que le sujet les touchera. Que vous soyez sjeune ou adulte, cela ne peut que vous fasciner de voir ce qui pourrait se passer si nous perdions nos libertés : liberté politique, intellectuelle, religieuse… Vraiment, il faut que les jeunes voient cette série ; cela leur ouvrira encore plus les yeux sur la situation actuelle, ici aux USA et un peu partout dans le monde.

    La bande-annonce de The Plot Against America, disponible sur OCS : 

     

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