Sorti en septembre 2018, Les Frères Sisters est le premier film américain de Jacques Audiard. Ce western crépusculaire est l'adaptation du roman homonyme de Patrick DeWitt paru en 2011. C'est John C. Reilly, détenteur des droits du livre avec son épouse productrice Alison Dickey, qui le fait découvrir au réalisateur français en 2012, lors du 37ème Festival International du Film de Toronto où De rouille et d'os est alors présenté.
Jacques Audiard manifeste rapidement son intérêt à la lecture de cette histoire centrée sur deux frères hors-la-loi, Charlie et Elie Sisters, qui évoluent dans un monde sauvage. Ces derniers n'éprouvent aucun état d'âme à tuer. Charlie, le cadet, est né pour ça, tandis qu'Elie, lui, aspire à une vie normale. Ce pitch offre au cinéaste l'occasion de mettre une nouvelle fois en valeur ses comédiens comme il l'a si bien fait par le passé avec Vincent Cassel dans Sur mes lèvres (2001), Romain Duris dans De battre mon coeur s'est arrêté (2005), Tahar Rahim dans Un prophète (2009) ou encore Matthias Schoenaerts dans De rouille et d'os.
Avec Les Frères Sisters, Joaquin Phoenix, John C. Reilly, Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed vont donc pouvoir déployer toute l'étendue de leur talent. C'est d'ailleurs l'opportunité de travailler avec de tels acteurs, capables d'offrir "une sorte d’incarnation immédiate", qui va définitivement pousser Jacques Audiard à tenter cette aventure américaine. Et ce malgré ses réticences initiales à s'exporter dans un pays où "l’organisation du métier" et les "conditions de tournage" sont bien plus contraignantes qu'en France.
Se remémorant la performance de ces acteurs, il confie : "On ne se pose pas de question, ils se dressent physiquement et occupent l’image d’une façon différente. Ça, c’est le constat du spectateur : les visages n’apparaissent pas de la même façon, les corps n’ont pas la même taille, les voix la même profondeur etc. Ensuite, quand tu travailles avec eux, eh bien, tu comprends pourquoi : c’est un travail. Du travail. Ils ne s’arrêtent jamais."
UN SCRIPT EN PHONETIQUE
Véritable exemple de ce professionnalisme à l'américaine : la préparation de Jake Gyllenhaal en amont du tournage. On se souvient de ses pertes de poids pour jouer dans Jarhead et Night Call ainsi que de l'entraînement intensif auquel il s'est astreint pour les besoins du film de boxe La Rage au ventre. Et bien le metteur en scène français va également faire l'expérience de ce perfectionnisme façon Actors Studio.
Dans le film, Jake Gyllenhaal est censé incarner un détective chevronné formé dans les premières universités de la Côte Est au 19ème siècle. Pour ce faire, il n'a pas manqué de se renseigner au préalable sur la période dépeinte par ce western. Soucieux de s’exprimer comme son personnage, il ira jusqu'à travailler un mois avec un linguiste et se baser sur un script en phonétique.
WildBunch
"Il ne lui manquait plus que le costume", se souvient Jacques Audiard très impressionné par ce sens du détail. "C’était la première fois que je vivais ça. Ils viennent avec la démarche du personnage, ils ont déterminé comment il s’assied, comment il se comporte en société, s’il regarde ou non ceux à qui il s’adresse. Depuis des décennies, ils ont développé ce métier d’acteur 'de cinéma'. Ils savent où est la caméra, quel est l’objectif, comment on va les voir, s’ils sont dans le cadre ou non, quel détail de leur expression va être capté."
Les Frères Sisters verra finalement son tournage se dérouler en Espagne et en Roumanie et non en Amérique du Nord. Et comme tout bon film de Jacques Audiard qui se respecte, il sera couronné de quatre César en 2019 : Meilleur réalisateur, Meilleur son, Meilleure photographie et Meilleurs décors.
