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    De Making A Murderer à Les Fils de Sam, comment Netflix a relancé la folie des true crimes
    Thomas Desroches
    Thomas Desroches
    -Journaliste
    Les yeux rivés sur l’écran et la tête dans les magazines, Thomas Desroches se nourrit de films en tout genre dès son plus jeune âge. Il aime le cinéma engagé, extrême, horrifique, les documentaires et partage sa passion sur le podcast d'AlloCiné.

    Depuis plusieurs années, le géant du streaming produit et diffuse un grand nombre de documentaires criminels. Si le genre du true crime n'est pas nouveau, il n'a jamais été aussi populaire.

    Netflix

    Elles sont omniprésentes. Sur des chaînes YouTube comme sur des podcasts, où elles sont écoutées par des millions de curieux. Plus que jamais, les histoires criminelles réelles passionnent. Elles pullulent également sur les plateformes de streaming avec les séries documentaires, appelées true crimes en anglais. Netflix en a fait sa spécialité, au point d'en sortir tous les mois. La dernière en date, Les Fils de Sam : L'horreur sans fin, revient sur les méfaits du tueur en série David Berkovitz.

    Autrefois proposés sur le câble, notamment sur la chaîne HBO, ces programmes sont devenus l'une des signatures phares du géant du streaming et ce, depuis Making A Murderer. Dès sa sortie, en 2015, ce docu-série de 10 épisodes, réalisé par Laura Ricciardi et Moira Demos, connaît un succès mondial. Encensé par la presse, il remporte 4 Emmy Awards - les Oscars du petit écran - l'année suivante.

    Un impact considérable

    Le carton devient un phénomène de société lorsqu'une pétition, rassemblant plus de 500 000 signatures, demande au président de l'époque, Barack Obama, de pardonner Steven Avery. Accusé du meurtre de la photographe Teresa Halback, l'homme, qui clame son innocence, a fait l'objet d'une peine d'emprisonnement à perpétuité. Quelques jours plus tard, la Maison-Blanche réagit en rappelant que la situation n'est pas de leur ressort. Cet engouement pousse Netflix à capitaliser massivement sur le genre.

    L'interface propose même de répertorier tous les titres avec l'aide d'un code secret : 9875. Avec ces quatre chiffres, la page affiche pas moins d'une cinquantaine de programmes, qui couvrent des crimes devenus célèbres aux disparitions encore non résolues. Pour enrichir son catalogue, la plateforme scrute les festivals, de Toronto à Sundance, et fait l'acquisition des pépites susceptibles de créer un nouvel événement.

    Netflix

    Si le genre est particulièrement populaire aux États-Unis - la plupart des programmes s'intéressent à des affaires américaines -, il passionne aussi les Français. En 2019, Netflix dévoile Grégory, une série-documentaire de 5 épisodes réalisée par Gilles Marchand sur le meurtre de Grégory Villemin, tué en 1984. Le succès est au rendez-vous et incite la plateforme à poursuivre sur sa lancée. Elle penche actuellement sur l'affaire d’Outreau avec un nouveau docu-série, porté par Imagissime, la même société de production que Grégory.

    Dans les pas des séries hollywoodiennes

    La forte demande s'explique en partie par l'efficacité du format. Avec le temps, les true crimes ont évolué. D'abord montés comme des reportages classiques, alternant témoignages, reconstitutions et images d'archives, certains prennent des allures de séries hollywoodiennes. La mise en scène y est soignée, se focalisant au maximum sur le suspense à grands coups de musiques angoissantes et de fins ouvertes, autrement appelées cliffhangers.

    Ce renouveau "met la barre très haut pour les réalisateurs, fait savoir Alexandre Aja, invité du podcast d'AlloCiné pour la sortie de son film Oxygène. Le format sériel pour le documentaire a amené une autre perspective, une autre dimension." Le réalisateur, qui cite The Staircase et Wild Wild Country, admet être séduit par la dramaturgie proposée par ces productions. "On se retient de ne pas aller sur internet pour ne pas savoir pas comment cela va se finir", poursuit-il.

    Netflix

    La frontière entre les séries traditionnelles et les séries documentaires se fait de plus en plus mince. En parallèle, Netflix continue de proposer de nombreuses fictions sur des criminels comme Mindhunter de David Fincher ou encore Le Serpent avec Tahar Rahim. Bientôt, c'est le tueur en série Jeffrey Dahmer qui aura droit à son propre programme sous la houlette de Ryan Murphy.

    Devant ce flux d'histoires plus macabres les unes que les autres, une question s'impose : qu'est-ce que cette fascination dit des téléspectateurs ? Il y a, évidemment, une volonté de se frotter au danger, d'explorer les pires recoins de l'esprit humain, mais aussi un soupçon de voyeurisme un peu pervers. Interrogé par AlloCiné, Joe Berlinger, cinéaste de renom dans le genre du true crime, insiste sur une distinction importante : "Il y a les documentaires sensationnalistes, graveleux et ceux réalisés pour les bonnes raisons.

    Le metteur en scène, qui a notamment signé la trilogie Paradise Lost et La Disparue du Cecil Hotel, veut rendre hommage aux victimes et à leurs familles. "Dans mon travail, il a toujours été question de justice sociale. Je veux permettre à ces personnes de reprendre le contrôle de leur récit", souligne-t-il. Un principe fort qui rappelle que derrière ces divertissements se cachent avant tout des tragédies humaines.

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