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    Rencontre avec Jean-Pierre Améris

    "C'est la vie" sort ce mercredi dans les salles. Retrouvez notre interview vidéo du réalisateur, Jean-Pierre Améris.

    Allociné : Quel a été le point de départ de C'est la vie ?

    Jean-Pierre Améris : Le livre de Marie de Hennezel, La mort intime, a été le déclencheur. J'ai trouvé ce témoignage d'une psychologue auprès de personnes en fin de vie vraiment formidable, car c'était un vivier d'histoires. J'ai trouvé la relation entre la personne qui accompagne et la personne en fin de vie très intéressante. C'est bien que l'on puisse enfin parler de la mort sans faire une oeuvre déprimante.

    Le centre que vous montrez dans le film est animé, plein de vie. Vous êtes-vous rendu dans l'un de ces établissements ?

    Le film n'est en rien un documentaire -ma manière dem'exprimer est la fiction- mais il est nourri par la réalité. Je n'aurais pas pu faire le film sans aller voir. Marie de Hennezel m'a fait découvrir un centre de fin de vie à Gardanne près d'Aix en Provence. J'y ai presque passé une année pour écrire le scénario. J'ai vu tellement de vie, de moments de bonheur que j'ai eu envie de témoigner. Si je n'avais découvert que de la souffrance, de la tristesse, je n'aurais pas fait ce film. J'ai fait C'est la vie pour montrer précisément cela : dans certains lieux, grâce à certaines équipes qui ont de l'audace et de la fantaisie, on peut vivre sa fin de vie dignement, en ayant encore du plaisir.

    L'idée du film c'est ça : certes la médecine ne peutplus rien mais le temps qui reste peut être rempli de plaisirs. Il peut s'agir de petites choses comme boireun verre à une terrasse au soleil, mais aussi la réalisation d'un rêve. On voit dans le film Dimitri, le personnage incarné par Jacques Dutronc, ancien pilote, voler encore une fois. C'est une chose à laquelle j'ai assisté. Dans le film, il y a également un couple qui se marie : cela ne me serait jamais venu à l'idée si je n'avais pas vu cela à Gardanne.

    Le premier malade que j'ai rencontré m'a dit que c'est dans ce lieu qu'il a été le plus heureux. J'ai eu envie d'écrire sur ça : qu'est ce que ce bonheur ? Tous les malades me disaient : "Essaie de faire passer dans ton film que c'est le sentiment d'exclusion qui nous fait le plus de mal. On sent bien qu'on est mis de côté". Etre à leur côté m'a donné le sentiment qu'il faut vivre l'instant pendant que nous sommes bien portants. Le film parle de cela davantage que de la maladie.

    Dans le film, on sent l'importance pour les malades d'avoir un projet...

    Il y a dans le film des acteurs de tous horizons : des vedettes mais aussi des malades. Pour l'un, Bernard, qui a de jolies scènes avec Sandrine Bonnaire, il était essentiel d'être dans le film. Alors qu'il ne pensait n'avoir plus rien à faire, tout à coup, c'est le cinéma qui arrivait. Il allait faire partie d'un projet collectif, découvrir quelque chose. De plus, il voulait laisser une trace. Il me disait : "Filme-moi !

    Tout le film est basé sur l'échange ; c'est ce que le personnage incarné par Jacques Dutronc découvre. Au début c'est un solitaire, il n'a pas envie d'être avec les autres, il est replié sur lui même. Mais peu à peu, il s'ouvre. C'est en cela que C'est la vie n'est pas un film sur la mort mais sur une naissance, la naissance auxautres. Jacques Dutronc découvre le plaisir d'être lié auxautres, de leur venir en aide et surtout d'arriver àaimer et à être aimé par cette bénévole que joue Sandrine Bonnaire. Ils sont courageux car ils prennent le risqued'aimer.

    Pourquoi avez-vous inclu une scène où Sandrine Bonnaire et Jacques Dutronc participent à un karaoké ?

    Le film s'est écrit sur un contraste entre des scènesde souffrance et de joie. C'est cela que j'ai vu à Gardanne : un contraste entre la mort et la vie. J'ai voulu qu'il y ait beaucoup de chansons. Cela a été un vrai bonheur de voir Jacques Dutronc chanter à la manière deDimitri. Quant à Sandrine Bonnaire, elle était tellement naturelle, tellement pleine de vie. J'ai particulièrement choisi les moments où elle était prise de fous rires. Sandrine Bonnaire m'a expliqué qu'elle était souvent au-delà de l'actrice. Elle a eu des moments où elle avait l'impression de ne plus jouer. La scène de karaoké est un pur moment de bonheur.

    Comment avez-vous choisi Jacques Dutronc pour le rôle de Dimitri ?

    Au bout de la troisième ou quatrième version du scénario, Jacques Dutronc s'est imposé. Nous avons d'ailleurs un peu adapté le scénario en pensant à lui. Heureusement, il a accepté immédiatement le rôle. Il a vu là l'occasion de donner quelque chose de lui-même. Il a aimé l'idée d'avoir à incarner un personnage moins tourmenté que dans beaucoup de ses films, d'avoir des scènes souriantes, où il fait rireles autres. Il me disait "Filme-moi !". C'était très beau pour moi qui suis très pudique de filmer un acteur pudique, lui aussi, mais qui arrive à faire tomber les masques et à se montrer dans une situation de faiblesse.

    Quelles ont été les réactions des malades qui ont vu le film ?

    Dès que le film a été fini, nous avons fait une projection pour toute l'équipe de Gardanne. Une mère d'un jeune homme qui avait le sida m'a remercié d'avoir filmé son fils. Elle m'a expliqué qu'il avait vécu l'exclusion et le rejet. Elle m'a confié que le voir sur grand écran, leur avait redonné une dignité.

    Propos recueillis par Marie-Claude Harrer

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