Ceux de Cordura est un film pas déplaisant, à condition d’aimer le western psychologique. Ici, rien à voir avec les grands classiques, à la limite on aurait presque pu se passer totalement des chapeaux, des colts et des chevaux, tant ce film se penche presque uniquement sur ses personnages et leurs relations. Ceux de Cordura est bien interprété, c’est un fait. Cooper a l’air un peu fatigué (c’est un de ses derniers rôles), mais cela colle bien à son personnage. Dans la troupe des soldats, il n’y a rien de mauvais non plus, avec une mention spéciale pour Van Heflin. Rita Hayworth est correcte, mais loin de ses meilleures prestations, malgré un rôle avec du relief. L’interprétation est essentielle pour ce film, puisqu’il travaille quasi uniquement avec les caractères de ses personnages. Le scénario, s’il part en effet sur des bases assez classiques (avec une scène d’attaque plutôt bien rendue notamment), va ensuite se consacrer à l’épopée de son peloton à travers maintes épreuves. Celle-ci étant toujours un prétexte de fond pour révéler les faces obscures de ses protagonistes, les tensions, les plaies. Là-dessus Rossen se montre efficace, c’est un fait, mais malheureusement il y a des lacunes. La première est celle du rythme. Ceux de Cordura est un western franchement long (plus de 2 heures), et il y a très peu d’action. Très bavard, c’est parfois justifié et intéressant, mais pas toujours, et on sent que le film aurait pu se débarrasser d’une bonne vingtaine de minutes en trop, pour être plus nerveux. Il y a des redondances, et la fin est décevante. Abrupte (euphémisme), elle n’est pas à la hauteur du travail patient du scénario. En gros il y a une gradation pas mauvaise tout du long, mais une fin qui tombe comme un cheveu sur la soupe et fait pschitt !
Visuellement le film reste très classique. Les décors ne sont ni moins bons ni meilleurs que la plupart des westerns de l’époque, la photographie manque peut-être un peu de charme, avec des couleurs un peu ternes. La mise en scène est efficace, mais pas époustouflante non plus. Rossen est un vieux routier au moment où il réalise ce film, et si on sent l’expérience il n’y a pas de recherche et encore moins de génie. Coté musique, c’est là aussi très classique des années 50, pas mauvais mais basique.
Au final, Ceux de Cordura est un western intelligent, mais trop académique sur la forme, et trop approximatif sur le fond pour convaincre pleinement. C’est dommage car vraiment il y a un développement efficace autour de la question de la nature humaine, de la définition du héros, qui est plaisant. Je le conseille malgré tout, mais à un public qui ne craint pas les longueurs.