Ni Matthew McConaughey ni Jared Leto n’auront volés leurs Oscars respectifs, soit meilleur acteur et meilleur acteur dans un second rôle. Le dernier film du cinéaste Jean-Marc Vallée, pas foncièrement captivant, dans la forme, offre tout de même des interprétations parmi les plus belles depuis bien des années, confirmation, si besoin, de l’immense talent de son acteur principal. A lui seul, le comédien porte le film sur ses frêles épaules, pour l’occasion, faisant suite à une perte de poids dantesque. Mais la prestation n’est pas uniquement physique. Matthew McConaughey est littéralement passionnant à observer, à écouter. Fidèle baroudeur texan, employé de station pétrolière dans les années 80, voilà que notre cowboy délavé apprend qu’il est atteint du VIH, le sida, une maladie considérée alors comme fruit d’un vice, celui de l’homosexualité, celui de la débauche. Incapable d’accepter ce fait et vite rejeter par sa communauté, Ron Woodroof, soulignons que les faits sont véridiques, survivra bien d’avantage longtemps que prévu en contournant les prescriptions en termes de soins.
Jean-Marc Vallée dresse le portrait d’une époque ou le sida explose dans le monde entier. La maladie est cruelle, meurtrière, les médecins sont incapables d’y faire quoique ce soit si ce n’est tenter de réserver une fin digne aux malades. Mais par-dessus tout, le lobbysme américain du médicament, organisation tentaculaire insinuée dans les institutions gouvernementales, ne voit pas d’un très bon œil les malades qui ne se contentent pas, ou même qui refusent, le traitement prévu. Ayant trouvé plus efficace les frontières américaines passées, Ron Woodroof en tête, un petit groupe de mourant se lance dans la contrebande de protéines et autres médicaments. Voici en somme l’histoire de capitalisme face à la maladie, d’un système qui pense argent face à des mourants que l’on considère de toute part comme des désaxés sexuels. Le thème n’est certes pas très enjôleur, voir tristounet, mais jamais le film de Jean-Marc Vallée ne bascule vers le larmoyant, le mélodrame gratuit.
Le combat mené par des malades en pleine rébellion contre l’industrie pharmaceutique américaine est d’autant plus captivant qu’à la tête de cette vendetta se trouve Ron Woodfoof, illustre hétérosexuel adepte de toutes les substances possibles et imaginables. Si le combat d’éthique pour la livraison de médicaments constitue ici le nerf de la guerre, n’oublions pas de saluer cette vision qu’offre le cinéaste sur l’approche, disons publique, de cette terrible maladie. Avoir le sida, au Texas dans les années 80, semblait vouloir dire homosexuel ou drogué. Ron Woodroof, avant de devenir le distributeur numéro un de médicaments illégaux à Dallas, va énormément souffrir de cette discrimination. Au fil de son évolution, au fil de ses rencontres, cet être dur et renfrogné aura après la tolérance, notamment aux travers de son amitié avec un travesti toxicomane, l’excellent et méconnaissable Jared Leto.
En somme, s’il est un film engagé, Dallas Buyers Club ne s’apparente jamais à une simple biographique académique. Toujours neutre lorsqu’il traite son sujet, l’excellent ton adopté par le cinéaste permet au talent des acteurs d’exploser, sans jamais laisser la moindre place à la gratuité des émotions. Les personnages sont si développés psychologiquement que rien n’est offert sur un plateau. C’est sans doute un peu le handicap du film, trop distant d’une certaine facilité à laquelle Hollywood nous aura habitués. Parfois un peu lancinant, le film de Jean-Marc Vallée est une véritable réussite, une très belle réalisation, sans doute parmi les meilleurs de l’année écoulée. 16/20