Je crois en la loi des séries. En effet, il y avait quand même assez peu de chances que je vois deux films de suite consacrés à la maladie d'Alzheimer au cinéma, moi qui ai dû en voir à peu près autant dans toute ma vie. Par contre, il est peu dire que l'approche envisagée par Florian Zeller est diamétralement opposée à celle de Viggo Mortensen (toutes deux des premières réalisations, en passant). D'ailleurs, j'avoue que je suis resté plusieurs jours assez dubitatif concernant la réussite présumée de « The Father ». Cette musique d'opéra omniprésente est plus pesante qu'autre chose, Zeller a beau s'en défendre mais les origines théâtrales se ressentent fortement, celui-ci jouant un peu trop des ruptures et du « puzzle mental » dans lequel il nous plonge, l'interprétation, principalement d'Anthony Hopkins, étant presque « trop » bonne, trop « Oscarisable » au point d'en manquer de naturel.
Pourtant, plus j'y pense et plus je trouve le résultat fort, troublant. Je pense que c'est la première fois qu'une œuvre ose se plonger aussi radicalement dans l'esprit d'un homme atteint de cette maladie, presque toujours en focalisation interne. Toute notre perception est ainsi modifiée : l'appartement devient une sorte de labyrinthe, le rapport au temps est bouleversé, les visages ne sont pas forcément ceux qu'on croit, toute phrase peut prêter à confusion, dispute, incompréhension... Tout cet aspect, le réalisateur le rend remarquablement, lui donnant, pour le coup, une vraie dimension cinématographique, notamment à travers un montage assez savant, offrant plusieurs scènes très fortes, à l'image d'un dénouement auquel il est difficile de rester insensible... Il y a de l'intelligence, du talent, inégalement exploités, mais il y en a. Un film qui, sans échapper à quelques pesanteurs et maladresses en surjouant la gravité, se place clairement comme l'un des titres importants de cette année 2021, aussi singulière soit-elle.