Corto Maltese, la cour secrète des arcanes : les secrets du tournage

Le passage de la bande dessinée au grand écran ne s'est pas fait sans travail. Il a fallu ajouter de la couleur et du mouvement aux dessins de Hugo Pratt et ajouter de nouveaux décors. L'important était de rester fidèle à l'esprit de la bande dessinée plus qu'à la lettre. L'animation sur grand écran a ses exigences propres que les réalisateurs ont dû prendre en compte.

En travaillant sur le scénario et les dialogues, Thierry Thomas a cherché à rester fidèle à l'esprit de la bande dessinée :Cette histoire, comme toutes celles de Corto Maltese, repose sur des enjeux déplacés. L'aventure est rarement où on l'attend et le plaisir en est d'autant plus grand. Contrairement à un grand nombre de héros classiques, Corto décroche régulièrement de la trace du récit, dont il affirme ainsi la vanité. Corto ne croît pas (ou pas tout à fait) aux enjeux qui lui sont proposés. En revanche, il croît à une certaine idée de la liberté au-dessus des lois et des valeurs toujours relatives."

Pascal Morelli parle de Corto Maltese : "Comme beaucoup de garçons de ma génération, j'ai découvert Corto Maltese vers 12 ans dans Pif Gadget. Au départ, je n'aimais pas mais je n'avais bien entendu jamais essayé de le lire.(...) Pratt m'avait entrouvert la porte sur un monde confus, parfois illogique et contradictoire mais fascinant : les monde des adultes."

C'est à l'Italien Franco Piersanti que la composition de la musique a été confiée. Ses principales inspirations ont été Stravinsky et Bartok. Il explique : "Chez Corto, il y a un peu d'Arthur Rimbaud, cette envie "d'être toujours ailleurs". Le thème musical de Corto cultive une petite musique, comme des mémoires de voyage. J'ai composé une ballade nostalgique avec la petite musique d'un carillon. Un peu comme lorsque vous ouvrez une boite à musique."

Pour Corto, Richard Berry : "il fallait quelqu'un de charmant, de charmeur, avec une nonchalance et toujours une pincée d'humour et d'ironie."

Pour Raspoutine, Patrick Bouchitey : "il est parfait parce que Raspoutine est quelqu'un d'insaisissable. On ne sait jamais ce qu'il va dire, ce qu'il va penser, il surprend tout le temps. Bouchitey est un roi de l'improvisation; il est capable d'être effrayant, drôle, caustique, il a tous les registres."

Marie Trintignant est la duchesse.

C'est en 1997 que Pascal Morelli commence l'adaptation de Corto Maltese. Il travaille d'abord sur un projet de série pour la télévision et en parallèle de téléfilm pour la RAI. En 1998, il s'installe au Studio Corto à Paris où on lui donne plus de moyens. En 5 ans de travail, 400 personnes ont travaillé sur le projet pour un résultat final d'environ 500 000 dessins et 1000 plans.

Corto Maltese n'est pas la première adaptation de Pratt au cinéma. D'autres y ont pensé avant Pascal Morelli comme Olivier Austen qui en 1990 adapta une autre bande dessinée du dessinateur, Jesuit Joe dans un film éponyme.

Hugo Pratt a également plusieurs fois joué l'acteur. Il a tourné dans La nuit de la haute marée de Luigi Scattini et dans Caro lei quando c'era lui de Giancarlo Santi et Santini Ferrucio. Leos Carax lui offrit le rôle d'un tueur mafioso dans Mauvais sang.

L'adaptation de la bande dessinée d'Hugo Pratt par Pascal Morelli n'est que le premier essai d'une contre-offensive de l'animation française. En janvier 2003, on retrouvera sur les écrans Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet. Deux autres long métrages d'animation devraient sortir dans les mois qui suivent La Prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd et Les Enfants de la pluie de Philippe Leclerc. Le centre national de la cinématographie a accordé l'aide au développement à trois projets alors que deux autres viennent d'obtenir des avances sur recette.

Hugo Pratt était un grand admirateur du travail du cinéaste Josef von Sternberg. On peut ainsi retrouver en filigrane plusieurs références à Shanghai Express. Le personnage de la duchesse aurait notamment été inspiré par celui de Marlene Dietrich. Des références à sa propre vie ou à d'autres films sont également décelables dans le film.

Le producteur s'explique : "Le choix du livre à adapter fut l'objet d'un débat : il y avait bien sûr La Ballade de la mer salée, livre fondateur de la saga Corto Maltese, qui nous posait des problèmes d'adaptation graphique ; mers et palmiers dessinés sur grand écran sont peu crédibles. Corto Maltese en Sibérie s'imposa assez vite : une structure linéaire mais pleine de rebondissements, de faux-semblants. C'est une histoire qui commence dans une cour cachée de Venise balayée par le vent d'automne pour se finir dans un envol de papillons quelque part au sud de la Chine ; entre-temps, c'est une poursuite pleine de bruit et de fureur à l'echelle d'un continent où se croisent soldats perdus, patriotes chinois, seigneurs de la guerre et un aventurier Corto Maltese plus à la recherche de son âme que de l'or impérial."