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    Deauville 2020 par Yann Gonzalez : "La beauté du cinéma est capable de résister à tout"
    Mégane Choquet
    Mégane Choquet
    -Journaliste
    Journaliste spécialisée dans l'offre ciné et séries sur les plateformes quel que soit le genre. Ce qui ne l'empêche pas de rester fidèle à la petite lucarne et au grand écran.

    Membre du Jury de cette 46ème édition du Festival de Deauville, le réalisateur Yann Gonzalez est revenu pour AlloCiné sur sa passion du cinéma et des salles qu'il défend corps et âme malgré une période de crise difficile.

    Mégane Choquet

    Deux ans après Un couteau dans le coeurYann Gonzalez retrouve Vanessa Paradis au festival de Deauville. Le réalisateur, membre du jury de cette 46ème édition présidé par l'actrice, est ravi de célébrer le cinéma et de voir le public revenir dans les salles obscures. A notre micro, Yann Gonzalez s'est confié sur son rôle de juré, son amour du cinéma américain, sa crainte des plateformes et son processus d'écriture.

    LE CINÉMA AU TEMPS DU COVID

    AlloCiné : Comment ressentez-vous cette édition assez particulière du festival de Deauville surtout en tant que membre du jury ?

    Yann Gonzalez : C'est très joyeux. Je me trouve très chanceux d'être ici entouré de personnes géniales que je ne connaissais pas personnellement à part Vanessa Paradis. On a appris à se connaître dès les premiers jours et maintenant la dynamique est bonne, on parle de cinéma sans tabou, sans gêne. C'est à la fois très joyeux, très riche, c'est une très belle aventure.

    Vous retrouvez Vanessa Paradis, que vous avez dirigé dans Un Couteau dans le coeur, en tant que Présidente du Jury. En véritable icône internationale, trouvez-vous qu'elle incarne un beau lien entre la France et les Etats-Unis pour cette édition de Deauville qui accueille, contexte oblige, de nombreux films français ?

    C'est vrai que Vanessa Paradis est une icône internationale mais c'est avant tout une icône française. Elle est souvent aux Etats-Unis donc elle a cette culture américaine qui peut faire le pont entre les Etats-Unis et la France mais elle reste très française de coeur. Et c'est un plaisir de la retrouver.

    J'avais l'impression que les plateformes prenaient une telle importance pendant le confinement qu'elles allaient détruire le cinéma et le cinéma français en particulier.

    Vous avez l'air très enthousiaste de vivre ce festival dont la tenue aurait pu être incertaine à cause du Covid-19. Comment avez-vous vécu cette pandémie ?

    C'était très difficile. Je sais que des personnes ont profité de la quarantaine pour écrire, pour créer. Personnellement, j'ai été bloqué pendant quelques semaines. On se dit "A quoi bon créer ? Que va devenir le cinéma ?". J'avais l'impression que les plateformes prenaient une telle importance pendant le confinement qu'elles allaient détruire le cinéma et le cinéma français en particulier. Mais de voir des salles de cinéma remplies - dans la mesure du possible évidemment -, à Deauville, ça fait vraiment du bien. C'est rassurant d'entendre les gens rire, de sentir leurs émotions alors que pendant des mois on a été condamné à vivre ces émotions seul ou avec quelques amis. Et là, partager les séances de cinéma avec des inconnus, ça m'avait manqué. Je suis ravi de vivre ça à Deauville.

    La reprise progressive des sorties au cinéma semble vous rassurer mais de manière générale, êtes-vous confiant sur l'avenir de l'industrie ?

    Je pense qu'il y a toujours eu des cycles de toute façon, qu'ils soient terribles ou lumineux. On traverse un cycle difficile, les jeunes gens s'intéressent avant tout aux séries qui ont une narration totalement différente de celle du cinéma. Mais ça reste passionnant surtout en termes de récit. Moi ce qui me fait vibrer, c'est la mise en scène et elle n'est pas toujours au rendez-vous dans les séries, à quelques exceptions près comme la dernière saison de Twin Peaks qui est un sommet d'expérimentation et de plasticité. Mais le cinéma reste le terrain de la mise en scène et je préfère la durée d'un film à celle d'une série. J'aime bien regarder des séries mais je reviens toujours au cinéma. Je pense que le cinéma ne mourra jamais parce que c'est une grammaire précise et particulière. La beauté du cinéma est capable de résister à tout.

    En plus d'être réalisateur, vous avez également été journaliste. Est-ce que votre esprit critique va jouer un rôle important dans votre statut de membre du Jury ? Avez-vous des critères particuliers ou est-ce que vous voterez selon vos ressentis ?

    J'aime qu'on me perde en fait. Je préfère quand un film n'annonce pas tout de suite sa couleur. Je veux être troublé. J'aime les films un peu labyrinthiques qui m'emmènent sur des chemins qui me sont inconnus.

    Même si la période de confinement a été compliquée pour vous, est-ce que vous avez des projets en cours ?

    Oui, je suis en fin d'écriture. J'avais bien avancé avant le confinement et puis la quarantaine m'a mis en pause. Je m'y suis remis après parce que j'ai besoin de vivre des choses pour écrire et le confinement n'a pas aidé. Quand il n'y a pas de vie, il n'y a pas de création, il n'y a pas d'écriture. Mais j'ai repris l'écriture d'un nouveau long-métrage avec Cristiano Mangione, qui était co-scénariste sur Un couteau dans le coeur. A priori, on a fini une première version donc j'espère que ça aboutira.

    Ella Hermë

    LE CINÉMA AMÉRICAIN

    Quelles sont les oeuvres américaines qui vous ont le plus marqué et qui vous ont inspiré dans votre carrière ?

    Quand on est enfant, on grandit avec le cinéma américain. Il y a plein de films américains qui m'ont marqué. ScorseseDe Palma et Coppola sont des grands cinéastes avec lesquels j'ai grandi en regardant leurs films en VHS ou à la télévision. J'ai aussi grandi avec le cinéma américain indépendant, très riche et très novateur, quand j'avais 18 ou 20 ans. Je me souviens de la projection de Clerks, le premier film de Kevin Smith, à Cannes. J'avais l'impression d'assister à quelque chose de nouveau. J'avais été bluffé aussi par Ruby in Paradise de Victor Nuñez. Evidemment, les premiers films de Gregg Araki m'ont beaucoup influencé mais aussi Todd Haynes. Il y a eu énormément de chocs singuliers, des films expérimentaux ou des films trash et sexuels qui ont marqué ma culture cinématographique. Surtout, le cinéma m'a ouvert à d'autres arts comme la musique.

    C'est vrai que la musique joue un rôle important dans vos films.

    Oui ! Et puis dans mon regard de spectateur aussi. J'aime quand il y a une recherche musicale singulière sur un film et ce n'est pas toujours le cas. Mais récemment, j'ai été impressionné par le travail de Oneohtrix Point Never sur les deux derniers films des frères Safdie, Good Time et Uncut Gems. Ce sont des partitions musicales électriques, effrenées, pleines de passion et de folie. J'ai l'impression que dans la plupart des films que je vois, et notamment américains, la musique ne va pas assez loin. Et dans les oeuvres des frères Safdie, ça m'a fait du bien d'entendre une proposition musicale surprenante et immersive.

    A part les films des frères Safdie, dont un qui est sorti sur une plateforme (!), est-ce qu'il y a un autre film américain qui vous a marqué récemment ?

    Oui c'est vrai que Uncut Gems, que j'ai adoré, est sorti sur une plateforme malheureusement (rires). C'est l'exception qui confirme la règle ! Sinon, ma dernière claque c'est le dernier film de Tarantino que j'ai découvert en 35mm au cinéma Max Linder. C'est une véritable ode au cinéma que je trouve bouleversante. Once Upon a Time in Hollywood m'a lavé les yeux de beaucoup de films assez terrifiants que j'ai pu voir récemment (rires).

    Propos recueillis par Mégane Choquet le 9 septembre 2020 à Deauville.

    Un Couteau Dans le Coeur
    Un Couteau Dans le Coeur
    Sortie : 27 juin 2018 | 1h 46min
    De Yann Gonzalez
    Avec Vanessa Paradis, Kate Moran, Nicolas Maury
    Presse
    3,0
    Spectateurs
    2,3
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    (Re)découvrez Un couteau dans le coeur de Yann Gonzalez avec Vanessa Paradis :

     

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