Pour l'écrasante majorité du (grand) public, Richard Harris, c'était avant tout l'inoubliable incarnation du professeur Albus Dumbledore dans les deux premiers volets de la saga Harry Potter. En élargissant à peine, beaucoup se souviennent aussi de sa prestation dans Gladiator, sous les traits de l'empereur philosophe Marc-Aurèle. On ne saurait évidemment réduire cet immense acteur, un des plus talentueux de sa génération, à ces seules incarnations.
Fabuleux dans Le Prix d'un homme de Lindsay Anderson, qui lui avait valu le prix d'interprétation au Festival de Cannes 1963 ainsi qu'une double citation à l'Oscar et au British Academy Award, Harris était à l'aise dans tous les genres, et notamment dans les westerns. Chez Eastwood, il incarnait un extraordinaire English Bob dans Impitoyable; ce tueur aux prétentions royalistes, qui se faisait sauvagement tabasser par Gene Hackman.
En 1966, Richard Harris travailla avec une Julie Andrews auréolée des immenses succès de Mary Poppins et de la Mélodie du bonheur,sur un film signé par le vétéran George Roy Hill : Hawaï. Curieux film d'ailleurs, très long (3h10 au compteur) et pas le meilleur de celui qui signa des oeuvres autrement plus cotés comme Abattoir 5, Le Monde selon Garp, L'Arnaque ou, bien entendu, Butch Cassidy et le kid.
"Elle était condescendante et méchante"
Dans Hawaï, Julie Andrews incarne l'épouse d'un missionnaire de Nouvelle Angleterre pour le moins rigide (joué par Max von Sydow) débarquant à Hawaï pour convertir les autochtones. Harris incarne quant à lui Rafer Hoxworth, un bouillonnant capitaine de navire.
La comédienne n'a pas laissé un souvenir impérissable à Harris, c'est le moins que l'on puisse dire. "Elle était condescendante et méchante" lâchera-t-il à son biographe Michael Feeney Callan. Enfoncant même le clou : "j'ai rarement, pour ne pas dire jamais, éprouvé une telle haine pour quelqu'un. Je suis sûr qu'elle a vu à quel point je m'amusais et j'ai pensé que cela l'ennuyait. Elle disait des choses à voix basse au réalisateur, et je criais : "tu as dit quelque chose Julie ?"

Julie Andrews a eu l'élégance d'attendre des décennies pour répondre aux propos de Richard Harris. Lors d'une interview en 2015 avec le Sydney Morning Herald, Andrews a été interrogée sur l'acteur, en particulier sur le fait qu'il aurait déclaré que "l'ambition d'acier" de l'actrice était "moche à voir".
Le journaliste lui lance que cela ressemble à quelque chose qu'un homme pourrait dire à propos d'une femme qui réussit, mais pas d'un homme qui réussit. Andrews se met à rire et répond : "Je suppose que vous avez raison. En effet, vous avez raison".
"Les propos de Harris vous concernant ont-ils pu être motivés par la jalousie ?" demande le journaliste. Ce à quoi Andrews répond : "Je pense qu'à ce moment-là, il buvait probablement beaucoup de bière. Cela aurait pu venir de ça".