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    Hirokazu Koreeda : "Je me demande souvent ce que signifie "être père""
    Laëtitia Forhan
    Laëtitia Forhan
    -Chef de rubrique cinéma
    Fan de cinéma fantastique, de thrillers, et d’animation, elle rejoint la rédaction d’AlloCiné en 2007. Elle navigue depuis entre écriture d'articles, rencontres passionnantes et couvertures de festivals.

    Sélectionné en compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, le film de Hirokazu Koreeda, "Tel père, tel fils" s'est vu décerner le Prix du Jury. Le film sort ce 25 décembre en salles. Rencontre....

    AlloCiné : ""Tel père, tel fils", raconte l’histoire de deux couples dont la vie est bouleversée quand ils apprennent que leurs enfants ont été échangés à la naissance. Mais contrairement aux autres films sur le sujet, vous avez choisi d’aborder l’histoire du point de vue du père. Pourquoi ? Comment l’idée du scénario vous est-elle venue ?"

    Hirokazu Koreeda : En général, mes films parlent de sujets qui concernent mon quotidien. Des sujets qui me parlent, des choses dont je doute ou qui me troublent. Dans le cas de Tel père, tel fils, l’idée du scénario m’est venue assez simplement. J’ai un enfant de 5 ans, et comme le personnage principal du film je suis très occupé – parce que réaliser un film prend beaucoup de temps – et je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à mon enfant. Et je me demande souvent ce que signifie "être père". Est-ce que c’est le lien du sang ? Est-ce que c’est le temps passé ensemble ? Qu’est-ce qui fait que je suis père ? Je n’arrive pas très bien à savoir...  C’est ce questionnement qui était la graine d’origine du film. Pour bien expliquer ce doute qui taraude les pères sur le lien qui les unit à leurs enfants, j’ai donc mis mon héros dans une situation où il était obligé de trancher entre le lien du sang et le temps passé avec l’enfant. Et c’est comme ça que j’ai imaginé cette histoire de substitution de nourrissons à la clinique.

    J’ai volontairement choisi d’aborder ce sujet en me concentrant sur la paternité et non sur la maternité parce que ça aurait été beaucoup plus émotionnel et plus tire-larmes. Je voulais faire un film de réflexions, parce que ce sont des questions que je me pose, et que beaucoup de gens se posent : "Qu’est-ce que ça veut dire d’être parents ?" Et je trouve que du point de vue du père il y a plus de distance et c’est plus clair. Je ne refuse pas l’émotion, mais je ne voulais pas que l’émotion cache la réalité de cette question.

    © Le Pacte

    AlloCiné : ""Nobody knows", "Still Walking", "Tel père, tel fils",… Vos films parlent très souvent de la famille. Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans ce sujet ?"

    Hirokazu Koreeda : C’est vrai que c’est un de mes sujets de prédilection, mais ça ne concerne pas tous mes films. Alors bien sûr le sujet est le même, mais le point de vue diffère. Ma position sociale et familiale est différente. A époque de Nobody knows, j’avais encore mes 2 parents et j’étais encore un enfant, je l’ai d’ailleurs tourné avec les yeux d’un enfant. Pour Still Walking, ma mère venait de mourir, j’étais donc déjà orphelin de mère. J’ai de ce fait montré la famille différemment, en insistant sur le rôle de la mère. Pour Tel père, tel fils, je n’ai plus mes parents et je suis devenu père, c’est donc encore un autre point de vue.

    Les films que je réalise sur la famille sont donc beaucoup le reflet de ma vie personnelle et ça évolue. Ma place dans la famille changeant, j’ai un point de vue différent, j’ai autre chose à dire et d’autres perceptions. Ma sensibilité évolue et je crois que dans cette perspective je pourrais continuer à traiter ce sujet dans mes films même à 60 ans, en ayant toujours un point de vue différent, celui d’un père d’adolescent et puis d’un grand-père…. Qui sait… On verra.

    AlloCiné: "Le style visuel de "Tel père, tel fils" diffère de vos précédents films, il est plus froid. Etait-ce volontaire ?"

    Hirokazu Koreeda: En écrivant le scénario j’ai senti qu’il fallait que je fasse un film un peu plus froid que mes précédents, comme "Still Walking", qui était plus chaleureux. Pour "Tel père, tel fils", c’était une histoire d’homme, je voulais donc quelque chose de plus froid. Mais je ne suis pas un réalisateur qui impose mon style à toutes les histoires que je raconte, c’est le contraire, c’est l’histoire qui me guide, et c’est l’histoire qui suscite le désir de faire un film de telle ou telle tonalité ou de tel ou tel style. D'ailleurs je choisis mon équipe technique en conséquence, ce n’est pas la même équipe que pour mes précédents films.

    © Le Pacte

    AlloCiné: "Masaharu Fukuyama, qui tient le rôle principal est une grande star de la chanson au Japon. Comment l’avez-vous choisi ?"

    Hirokazu Koreeda: C’est assez simple puisque c’est lui qui a demandé à travailler avec moi. Il m’a contacté, nous nous sommes rencontrés et j’ai compris qu’il avait vraiment envie de jouer et de devenir acteur. J’ai été touché et j’ai eu envie de le satisfaire. Je ne l’ai donc pas choisi parce qu’il est connu, mais parce que j’ai senti en le rencontrant que je pouvais établir une bonne communication avec lui. Nous avons beaucoup échangé. Je lui ai envoyé plusieurs propositions de scénarios parmi lesquelles un film historique et un film qui se déroule dans le milieu médical. Et puis finalement il m’a dit qu’il n’avait jamais joué le rôle d’un père et comme je souhaitais faire un film sur ce lien père/enfant, on s’est mis d’accord très vite sur ce film.

    Propos recueillis par Laëtitia Forhan le 19 mai 2013 à Cannes

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