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    Au service secret de Sa Majesté : pourquoi est-ce l'un des meilleurs James Bond ?
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Diffusé ce lundi soir sur France Ô, "Au service secret de Sa Majesté" n'a pas forcément bonne réputation dans la saga James Bond, mais il faut aujourd'hui réévaluer ce qui est sans doute l'un des meilleurs 007.

    MGM/United Artists

    L'objectif n'est pas de commenter la genèse du film et la façon dont George Lazenby aurait obtenu le rôle ou se serait comporté sur le tournage (plus d'informations sur ce sujet ici). Mais Au service secret de Sa Majesté est encore aujourd'hui largement vu comme l'un des pires films James Bond. Or, il fait pourtant partie des meilleurs.

    L'histoire

    L'agent secret James Bond cherche toujours à arrêter le criminel Blofeld et attend de savoir ce que seront ses prochaines malversations. Pendant ce temps, Blofeld prévoit de détruire l’économie de la planète. Il promet une guerre bactériologique qu'il mettra en application grâce au virus Omega, créant une infertilité totale des plantes et des animaux ; à terme, il compte s'en prendre aux céréales et au bétail si on ne lui donne pas gain de cause. Installé dans un institut isolé, Blofeld met au point une "cure" qui fait en réalité partie de son plan. En parallèle, 007 vit une histoire d'amour avec la comtesse Tracy Di Vicenzo.

    Du rythme !

    Avec ses 2h16 au compteur, Au service secret de Sa Majesté est le troisième James Bond le plus long après Spectre (2015) et Skyfall (2012). Cependant, il ne manque pas de rythme, en grande partie grâce à son montage. Lors de la scène de repas où Bond est déguisé en généalogiste et dîne avec les jeunes femmes traitées dans l'institut du comte, la scène pourrait traîner mais il n'en est rien. Le montage nerveux sur les plats, le visage des intervenants, la table dans son ensemble rend le tout très digeste et d'une efficacité redoutable.

    D.R.

    Peter Hunt, réalisateur d'Au service secret de Sa Majesté est l'ancien monteur des 5 James Bond précédents. Maître de la représentation des scènes d'action, il va opter pour un découpage intensif d'une lisibilité et d'une fluidité absolues. Grâce à cette méthode, le long métrage garde un tempo qui tient en haleine même dans les moments les plus dénués d'action. Et puisqu'on en parle :

    Des séquences d'action époustouflantes

    C'est avant tout cela un James Bond et ici, comment être déçu par la succession de scènes d'action aussi variées : Bond piégé dans le mécanisme d’un téléphérique, une bagarre dans une réserve de cloches, un rallye sur glace, une course-poursuite contre une avalanche… Le spectateur en prend plein les yeux à intervalles réguliers, avec des cascades exécutées au millimètre.

    Mais la marque de fabrique du film ce sont aussi ces séquences aériennes à hélicoptères, filmées sur fond de lever de soleil, en vue d'attaquer par voie de ciel la base de Blofeld située en haut d’un pic alpin. L'occasion de rendre hommage au caméraman de ces séquences, Johnny Jordan, qui s'accrocha à un hélicoptère avec un parachute pour les tourner ! Il décéda quelques mois plus tard lors du tournage d'une cascade de Catch 22.

    Un méchant froid comme la mort

    Il s'agit de Blofeld, personnage déjà mentionné dans Bons baisers de RussieOpération Tonnerre (voix), On ne vit que deux fois (joué par Donald Pleasence) et dans cet opus Telly Savalas. Il est le créateur du S.P.E.C.T.R.E. (Service Pour l'Espionnage, le Contre-espionnage, le Terrorisme, la Rétorsion et l'Extorsion) que l'on retrouvera dans tant de films de la saga. S'il y a un bémol au film, c'est bien dans l'équipe du méchant, qui est simplement accompagné par sa sbire Irma Bunt (Ilse Steppat). Dommage, car le projet d'une guerre bactériologique et l'interprétation sobre de Savalas apportent une certaine force au personnage de Blofeld, qui contrastent avec le jeu théâtral de Pleasence dans On ne vit que deux fois (1967).

    Du charisme... autrement

    Il est souvent reproché au film le manque de charisme de George Lazenby, mais il a eu la tâche difficile de remplacer Sean Connery, alors seule incarnation existante de James Bond à l'écran. Pire encore, Lazenby devait en plus montrer une autre facette de 007 : plus humaine, plus vulnérable, tout en gardant un aspect viril et surtout séducteur (poussé à l'extrême dans le film).

    D.R.

    Pourtant, le comédien australien ne démérite pas. Il parvient à insuffler une sophistication et une sobriété qui aurait pu lui manquer (rappelons que Lazenby n'avait aucune expérience de jeu avant ce rôle). Surtout, il remplace le héros increvable alors incarné par Connery par un homme à failles. Ce changement de direction du personnage a pu dérouter, d'autant que le film va encore plus loin :

    Un drame humain

    Il ne faut pas oublier que les films dans lesquels 007 nourrit de réels sentiments envers la gent féminine sont rares. On peut citer son attachement à Vesper Lynd (Eva Green) dans Casino Royale, mais seul Au service secret de Sa Majesté (le livre comme le film) osent le représenter marié. Cela montre un Bond plus romantique que la virilité exacerbée de Sean Connery dans les 5 films précédant celui de Peter Hunt.

    spoiler: Hélas dans "Au service secret de Sa Majesté", l'amour de Bond pour la comtesse (jouée par Diana Rigg, échappée du rôle d'Emma Peele de Chapeau melon et bottes de cuir) est brisé lors de la dernière scène du film. Désespéré, ce moment broie l'amour de James Bond en faisant assassiner la comtesse par Blofeld, qui a survécu au choc de l'arbre lors de la séquence de luge. Bond termine le film penché sur le cadavre de sa femme et déclare : "Ce n'est rien. Tout va bien, elle se repose. Rien ne presse, nous avons l'éternité devant nous". Puis le générique apparaît. La saga a rarement été aussi loin dans le tragique.

    D.R.

    Il faut rappeler que le refus de Lazenby de rejouer le personnage obligera les producteurs à aller repêcher Sean Connery (qui avait jeté l'éponge), puis à engager Roger Moore (enfin libéré de son contrat pour la série Le Saint qui l'empêchait d'être Bond plus tôt). Ceci encouragea un retour à la version précédente de 007, viriliste et macho. Il faudra attendre les films portés par Daniel Craig pour retrouver des développements sur la personnalité du personnage (malgré une tentative avec Permis de tuer).

    Un mot (final) sur la musique

    Pas de James Bond sans parler de son thème musical ! Comme Bons baisers de Russie avant lui (1963), Au Service secret de Sa Majesté fait le choix d'un thème instrumental évidemment signé John Barry, compositeur de la saga. Une ligne de basse, quelques trombones et une ligne rythmique permettent déjà  d'annoncer le choix de la sobriété et d'un aspect plus sombre que les précédents. Rappelons que les spectateurs sortaient à l'époque de la chanson douce You Only Live Twice par Nancy Sinatra. Changement de ton !

    Pour toutes ces raisons, redécouvrez Au service secret de Sa Majesté, ce lundi soir à 20h55 sur France Ô. Vous n'êtes pas disponible ce soir ? Le film sera rediffusé sur la même chaine le lundi 26 février à 23h05.

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