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    La Septième compagnie, De Funès, Lautner... Henri Guybet revient sur sa carrière
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Rencontré lors du 1er Festival CineComedie de Lille, le comédien français Henri Guybet est revenu pour AlloCiné sur sa filmographie qui l'a fait côtoyer Belmondo, Delon, De Funès, Pierre Richard ou Georges Lautner.

    D.R.

    Vous commencez votre carrière sur les planches mais pour les gens elle débute surtout au moment où vous rejoignez le Café de la Gare. Comment vous y êtes-vous fait engager ?

    J'ai débuté au Théâtre national populaire chez Jean Vilar. J'y jouais Antigone, Sophocle, après j'ai fait du cabaret avec un copain pour épaissir un peu nos cachets. Ça m'a fait découvrir le monde des variétés et pendant mai 68 je passais dans un cabaret qui s'appelait La Méthode. Je jouais des sketchs avec Romain Bouteille, des choses que j'avais écrite. Et Coluche était là, c'était le présentateur du spectacle et il préparait des salades, des trucs comme ça pour les gens qui voulaient grignoter. Et puis tous les soirs après le spectacle on attendait des nouvelles du front, puisque sur le boulevard St Michel ils jouaient à cache-pavés. Et un soir, Coluche et Bouteille me disent : "est-ce que tu serais d'accord pour qu'on se crée un théâtre à nous ?" Bon, c'était une époque où on refaisait le monde tous les soirs et j'ai dit "oui, pourquoi pas" en me disant qu'ils n'auraient jamais le fric pour faire ça.

    Et 2-3 semaines après, ils m'ont dit qu'ils avaient trouvé une salle pour faire ce théâtre. Ils m'ont emmené voir une espèce de local qui sentait l'huile de vidange et avec des briquets ils me montraient "là y aura la scène"... Et je me suis dit "ils sont fous mais pourquoi pas !" Et on a commencé à construire le Café de la gare comme ça. (...) Sotha, qui était une copine à nous, est venue avec son copain qui était Patrick Dewaere et on s'y est mis. Après on a écrit des choses pour faire un spectacle (...). Pour des jeunes comédiens comme nous, c'était l'occasion de jouer, car ailleurs on nous donnait que des petits rôles.

    D'ailleurs le cinéma ne tarde pas à piocher dans ce vivier de jeunes acteurs dont vous faites partie. Vous êtes choisi pour tourner "Quelques Messieurs trop tranquilles" (1973) et alors que Miou-Miou joue du côté hippie, celui des "jeunes", on vous donne le rôle de l'adjoint au maire, dans le camp des "vieux". Comment vous expliquez ça ?

    Je recherchais par instinct des rôles qui me demandaient un certain travail. Pour jouer les hippies il suffisait d'avoir les cheveux longs. A part Miou-Miou, il y en a peu du camp des hippies qui ont fait une carrière de comédiens. Donc je m'y suis retrouvé comme ça chez les paysans parce que j'avais peut-être un vécu. Je n'ai jamais cherché où on me mettait, je pars du principe qu'un comédien ne doit pas rentrer dans un personnage mais prendre un personnage et le mettre dans sa peau. Dans mon personnage, je me demandais comment je réagirais à des choses personnellement.

    Je ne disais pas "je tourne un Lautner", je disais "je monte à bord d'un Lautner"

    Et on retrouve souvent de vous dans vos personnages, donc ça a marché. Lautner à cette époque vous donne beaucoup de rôles : "Le Guignolo", "Il était une fois un flic", "Pas de problème"... Pour celles et ceux qui n'ont pas connu cette période, comment se passait un tournage sur un plateau de Lautner ?

    A l'époque je ne disais pas "je tourne un Lautner", je disais "je monte à bord d'un Lautner", parce que c'était un voyage à chaque fois. J'avais pour lui une grande amitié, on s'entendait très bien. Il faisait un cinéma que j'adorais parce qu'il y avait de l'aventure, de l'humour de la distance, (...) de la moquerie, j'aimais bien ce regard.

    Je me rappelle que lorsque j'avais vu Les Tontons flingueurs, je me disais "putain que j'aimerais faire ce genre de cinéma". (...) J'ai eu la chance de rencontrer Georges et de tourner avec lui et j'étais chez moi. Il y avait un côté très français dans ce cinéma, franchouillard, ce qui n'est pas péjoratif chez moi, c'est dans notre tempérament. (...) Et cet humour, c'était mon univers (...). Dans le cinéma j'ai souvent recherché cela.

    Capture d'écran

    A la même époque, vous êtes évidemment engagé pour jouer dans "Rabbi Jacob", mais qu'est-ce que le film et sa réception ont changé pour vous ?

    Ben à la sortie du film, j'étais Juif ! Tout le monde s'imaginait ça, alors que je connais beaucoup de comédiens juifs ayant joué des évêques et on ne leur a jamais demandé s'ils étaient chrétiens ! rires)

    Comment s'est déroulé le casting ?

    J'ai été convoqué et un directeur de casting qui s'appelait Cappelier m'a dit "Guybet, Gérard Oury cherche quelqu'un". Je sais que Gérard Oury m'avait vu dans un film de Lautner un peu avant. Je devais attendre, on m'a rappelé et je suis allé chercher le scénario.

    Mais vous avez pu jouer avec Louis De Funès. Que vous a-t-il apporté ?

    De Funès m'a apporté la conscience de certaines choses : tout ce qu'il faisait, il y avait un gros boulot derrière. Et une réflexion sur ce qu'il faisait. On peut aborder un rôle superficiellement et ça fonctionne. Mais on peut aussi aller chercher en profondeur et faire appel à des choses à soi. C'est ce qu'il m'a montré. (...) La façon dont il travaillait était soignée.

    [Apparaître dans "Rabbi Jacqueline"] serait idiot

    Et sur votre carrière, vous avez senti un avant-après le film de Gérard Oury ?

    On ne me proposait que des rôles de chauffeur ! Donc je me disais que je n'allais jouer par la suite que des pilotes d'avion ! J'ai refusé des tas de trucs.

    Est-ce que vous accepteriez d'apparaître dans "Rabbi Jacqueline", la suite qui se prépare ?

    (...) Ça serait idiot. Morphologiquement, j'ai changé ou alors avec un Salomon vieux mais ça ne pourrait être qu'une petite entrevue dans le film et ça n'a pas beaucoup d'intérêt.

    Après Salomon de "Rabbi Jacob", vous allez interpréter un autre personnage culte de la comédie, Tassin, dans les deux derniers volets de la trilogie "La Septième Compagnie". Comment s'est passé votre remplacement d'Aldo Maccione ?

    Aldo Maccione ne voulait pas faire le deuxième film car il trouvait que la solde n'était pas assez élevée pour se réengager dans l'armée si vous voyez ce que je veux dire... Et comme je tournais beaucoup à la Gaumont à l'époque, ils m'ont dit que j'allais remplacer Aldo Maccione. Je leur ai répondu que je n'avais ni la carrure ni l'accent italien d'Aldo mais ils m'ont dit "c'est pas grave, tu le fais comme tu le ferais". Et c'est vrai que je me suis rendu compte que nul n'était irremplaçable...

    Ce qui est amusant c'est que vous avez retrouvé Maccione dans plusieurs films après, vous n'en avez jamais parlé ?

    Non, non. Vous savez Aldo Maccione ne s'entendait pas bien avec Robert Lamoureux [réalisateur des Septième Compagnie, NdlR] donc il y a eu des choses comme ça. On n'a jamais eu de problème tous les deux, mais je sais qu'on a joué ensemble dans un film de Georges [Lautner]...

    C'était "Le Cow-boy". Mais vous vous étiez aussi retrouvés sur "Le Corbillard de Jules" et "Pourquoi pas nous ?"

    Ah oui, Le Cowboy ! Non, on ne s'est jamais parlé de [Tassin].

    Capture d'écran

    Vous avez tourné à sept reprises avec Jean Lefebvre, un acteur qui était de la génération d'avant la vôtre, je voulais savoir ce qu'il vous avait peut-être appris ?

    Autant De Funès m'a donné à réfléchir sur certaines choses, autant Lefebvre moins, car c'était un instinctif. On était copains et le soir au dîner il avait des tas d'anecdotes. C'était un copain de travail intéressant, je m'entendais bien avec lui mais je ne peux pas dire qu'il m'a apporté des choses au niveau du jeu.

    On parlait toute à l'heure du fait que vous aviez été mis dans une case. Pourtant vous avez aussi joué des rôles différents comme dans "Canicule" ou "Flic Story"...

    (Il interrompt la question) Oui c'était bien ça ! Et Flic Story c'était ma rencontre avec Delon. C'était un comédien comme Jean-Paul [Belmondo] pour qui j'avais beaucoup d'admiration en tant que spectateur et là j'allais jouer avec eux. Ça, ça apprend. Parfois on les voit faire des choses qu'on sait très bien faire mais on voit aussi leur talent, la chose qu'ils ont en plus.

    Comment qualifiriez-vous ce que Delon et Belmondo ont de particulier ?

    Avec Jean-Paul on a toujours l'impression que tout est facile, alors qu'il bossait énormément. Et Delon (il mime un placement précis, des gestes précis) je ne l'ai jamais vu accrocher une réplique, bidouiller, modifier : tout est carré, impeccable. Et je me demandais comment il faisait. Ce sont des Ferrari. Vous sortez de votre Twingo et là brusquement, vous êtes dans une Ferrari ! Ce ne sont pas les mêmes cylindrées...

    Vous avez su garder la sympathie du public, vous devez le constater au quotidien...

    Vous savez, je raconte ça souvent mais pour moi, comédien c'est un métier mais pas un travail. Un comédien ne dit pas "je vais travailler", il dit "je vais jouer". J'ai passé ma vie à jouer. (...) Mais au jour le jour je ne m'analyse pas, j'analyse les personnages que je vais jouer. Ce métier m'a sans doute évité d'aller voir des psys.

    D.R.

    Ce Festival CineComedie rend hommage à Pierre Richard avec qui vous avez tourné quatre films. Quels étaient vos rapports de travail ?

    On est copains ! Avant "moteur" et après "coupez" on ne disait que des conneries ! Et pendant qu'on dit "moteur" et avant de dire "coupez" ce qu'on dit ce sont aussi des trucs marrants donc on ne peut pas dire qu'on avait des journées de mauvaise humeur.

    Je sors une seconde de mon rôle d'intervieweur pour vous dire combien j'adore "On aura tout vu" avec vous deux mais aussi Gérard Jugnot, Miou-Miou et Jean-Pierre Marielle.

    Ah oui, le film de Lautner ! Marielle m'impressionnait beaucoup. C'est un excellent comédien et un homme adorable. Il représentait le genre d'acteurs que je rêvais d'être lorsque j'étais jeune comédien. Je m'imaginais grand comédien à la Brasseur. Et avec sa belle voix, il était génial. Sur le plateau je l'écoutais jouer et d'un coup j'entendais Lautner qui disait "ben alors Henri, ta réplique ?!" Il me fascinait.

    On sait moins que vous avez fait du doublage : la voix de Rex le dinosaure dans Toy Story.

    Ah oui ! C'était l'occasion qui s'est présentée. Faire carrière dans le doublage ne m'a jamais intéressé car si ça marche c'est très accaparant et on ne fait plus rien d'autre. Mais à nos débuts au Café de la gare Patrick Dewaere en faisait pas mal. Je me souviens qu'une fois il était revenu au théâtre en disant "je viens de doubler un jeune type formidable", c'était Dustin Hoffman dans Le Lauréat.

    Vous jouez toujours au théâtre je crois ?

    La prochaine pièce que je vais jouer je l'ai écrite et je vais partir en tournée avec au mois de janvier. Il y aura mon fils dedans. Une pièce sur le mariage pour tous !

     

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