Mon compte
    Parasite : rencontre avec Song Kang-ho, l'acteur fétiche de Bong Joon-ho
    Emilie Schneider
    Emilie Schneider
    -Journaliste
    Amatrice d’œuvres étranges, bizarres, décalées et/ou extrêmes, Emilie Schneider a une devise en matière de cinéma : "si c'est coréen, c'est bien".

    À l'occasion de la sortie en DVD et en Blu-Ray de "Parasite" de Bong Joon-ho, Palme d'or du dernier Festival de Cannes, rencontre avec le comédien coréen Song Kang-ho, superstar dans son pays.

    Koch Films

    Invité de la 14e édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) aux côtés de Kim Jee-Woon avec lequel il a tourné quatre films (The Age of Shadows, Le Bon, la brute et le cingléThe Foul King et The Quiet Family), l'acteur coréen Song Kang-ho est revenu sur sa carrière et sur le succès de la Palme d'or Parasite.

    AlloCiné : Comment êtes-vous devenu acteur ? Il me semble que vous avez débuté votre carrière au théâtre.

    Song Kang-ho : Au départ, je n'avais pas du tout l'intention de devenir acteur pour le cinéma car je faisais du théâtre, je voulais juste être un bon comédien. Avec le recul, je me dis maintenant que c'était si naïf, comment peut-on avoir uniquement ce genre d'aspirations ? J'ai commencé à faire du cinéma par hasard, dans le film de Hong Sang-Soo, Le Jour où le cochon est tombé dans le puits. J'y avais un tout petit rôle et c'est le film suivant qui a marqué un tournant. C'était le premier long métrage de Lee Chang-Dong [réalisateur de Burning, NDRL], Green Fish. Il est venu me voir le premier jour d'une pièce de théâtre qui a cartonné en Corée et je lui ai tellement plu qu'il m'a donné le premier rôle de son premier film.

    Ce sont donc plutôt les rencontres qui vous ont poussé à continuer le cinéma. Êtes-vous retourné sur les planches entre deux tournages ?

    Non pas du tout, j'ai continué depuis à ne faire que des films car je suis quelqu'un qui a du mal à faire deux choses à la fois. Certains arrivent à tout faire en même temps mais moi, je me suis focalisé sur le cinéma.

    JACOVIDES-BORDE-MOREAU / BESTIMAGE

    Bong Joon-ho vous décrit comme un mélange entre Al PacinoJoaquin Phoenix et Michael Shannon. Que pensez-vous de cette comparaison ? Quels acteurs admirez-vous ?

    Bong Joon-ho m'a lancé trop de fleurs là ! (rires) Vous ne devriez même pas tenir compte de cette comparaison ! Depuis que j'ai commencé à faire du cinéma, je n'ai jamais vraiment eu de modèle dans ma carrière. Je dirais plutôt qu'il y a des acteurs non pas que j'admire mais que j'affectionne énormément, en l'occurrence Steve McQueen. Ça remonte déjà à une quarantaine d'années. Il est mort un 7 novembre et je ne sais pas pourquoi mais cette date m'est restée en mémoire.

    Vous faites partie de ce qu'on appelle la Nouvelle Vague coréenne. En France, on connaît principalement les films issus de celle-ci. À quoi ressemblait le cinéma coréen d'avant ?

    Il faut se l'avouer, il y a eu une période très sombre dans le cinéma coréen avant cette Nouvelle Vague. C'est lié au gouvernement et à la politique du pays, nous étions sous un régime militaire et totalitaire qui exerçait de la censure. Beaucoup de cinéastes ne pouvaient pas faire ce qu'ils voulaient dans leurs films. Ça, c'était pendant les années 1960 à 1980. Tous les films qui sortaient à cette époque n'étaient pas très bien acceptés par les spectateurs coréens car ils n'étaient pas très variés. C'est peut-être dans les années 50 qu'il y a eu un premier âge d'or du cinéma coréen. Quand j'ai commencé ma carrière au milieu des années 90, de nouveaux cinéastes et talents sortaient vraiment du lot. C'est à ce moment-là qu'on a eu une autre vision du cinéma coréen.

    Parasite : le succès de la Palme d'Or décrypté par son distributeur The Jokers

    Qu'est-ce qui distingue, selon vous, le cinéma coréen des autres cinémas, en Asie mais aussi dans le monde ?

    J'ai eu beaucoup de questions similaires de la part des journalistes japonais. Ils me demandent pourquoi notre cinéma est si dynamique. C'est drôle parce que le Japon est voisin de la Corée du Sud. Je pense que c'est lié au contexte historique du peuple coréen, des attaques que l'on a reçues durant des centaines d'années des autres pays. Le contexte géo-politique joue un rôle. Encore aujourd'hui, la Corée est divisée en deux. Évidemment le cinéma retranscrit cela. Les spectateurs coréens n'acceptent pas que quelque chose stagne. C'est peut-être pour ça qu'on est sans cesse obligé de leur offrir du nouveau en cinéma.

    Trois cinéastes ont une place particulière dans votre filmographie : vous avez beaucoup tourné avec Kim Jee-woon, Park Chan-wook et Bong Joon-ho. Quelle relation avez-vous avec chacun d'entre eux ?

    Au final, je pense que ma relation est la même avec eux. Évidemment, ils ont chacun leur propre couleur en tant qu'auteur. Mais c'est difficile de résumer ce qui diffère de chacun. Ils se distinguent sûrement dans leur manière de m'utiliser.

    Océan Films

    Le succès de Parasite est incroyable. Des journalistes vous attendaient, vous et Bong Joon-ho, à l'aéroport à votre retour en Corée après le Festival de Cannes.

    Sincèrement on s'y attendait. Peut-être qu'en France, vous gagnez tellement souvent de prix que c'est banal pour vous ! (rires) À chaque fois qu'un sportif revient avec un prix, il y a aussi toute une armada de journalistes à son arrivée. C'est la première Palme d'or du cinéma coréen donc c'était prévisible. Cette reconnaissance de la culture coréenne à l'échelle internationale est phénoménale. Il y a aussi eu les 100 ans du cinéma coréen. Ça a été une année incroyable pour le 7e art en Corée.

    Étiez-vous conscient dès la lecture du scénario que le film serait spécial ?

    Quand j'avais reçu les scripts de The Host et Snowpiercer, ce qui me frappait en tant qu'acteur, c'était la grande échelle de ces projets. Là, avec Parasite, c'était différent, il s'agit d'un drame. J'ai ressenti la même chose que quand j'ai lu Memories of Murder ou même quand j'ai découvert Barking Dogs Never Bite, son premier film, dans lequel je ne joue pas. Je me suis dit que je retrouvais le Bong Joon-ho des débuts. J'étais attiré par la construction, l'histoire, aussi bien en tant qu'acteur qu'en tant que spectateur. Je m'imaginais à un succès mais pas à ce point.

    Parasite
    Parasite
    Sortie : 5 juin 2019 | 2h 12min
    De Bong Joon Ho
    Avec Song Kang-Ho, Woo-sik Choi, Park So-Dam
    Presse
    4,8
    Spectateurs
    4,5
    louer ou acheter

    Quelle différence avez-vous perçu chez Bong Joon-ho entre Memories of Murder, votre premier tournage avec lui, et Parasite ?

    Son poids ! (rires) À l'époque il était un beau jeune homme si mince et svelte et là il est devenu une grosse montagne. Évidemment beaucoup de temps s'est écoulé depuis 2003 mais je remarque que sa manière de travailler et sa bonne humeur sur le plateau n'ont pas changé.

    Vous jouez souvent des pères et/ou des marginaux. Qu'est-ce qui vous attire dans ces rôles ?

    C'est vrai que j'ai souvent joué des personnages issus d'un milieu modeste ou des marginaux mais je ne recherche pas ça à tout prix. Je pense que c'est plutôt dû à ce que je dégage. J'ai ce côté très familier, je donne l'image d'un homme ordinaire. Mais ça ne me dérange pas. J'accepte ces rôles avec grande joie et je n'ai rien contre le fait de jouer quelque chose de totalement opposé. Je prends et j'accepte les rôles dans lesquels je me sens bien.

    Seriez-vous tenté de tourner à l'étranger, pas forcément à Hollywood mais en Europe par exemple ?

    Je n'ai pas de désir particulier, je ne cherche pas à percer ailleurs. Ce qui aurait plus de sens pour moi, ce serait de rencontrer des personnalités du monde entier à travers un très très bon film coréen.

    Propos recueillis à Paris le 31 octobre 2019. Merci au FFCP et à Marion Delmas. Merci à KIM Ah-Ram pour la traduction. 

    La bande-annonce de Parasite, disponible en DVD et Blu-Ray :

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top