Je suis assez sidérée par l'unanimité de la critique louangeuse de la presse, qui après avoir été dure avec Angot écrivaine pendant des années, est devenue dythirambique depuis que le sujet "inceste" est devenu plus que tendance, puisqu'elle ne parle que de ça, et puisqu'il faut être sans la moindre nuance du côté des victimes, comme avant on était sceptique avec elles, sans davantage de nuances. Mais le problème c'est qu'on parle de littérature ou de cinéma. les bons sentiments font-ils de bons livres ou films ? Non. Le besoin de se regarder le nombril et de gratter indéfiniment ses blessures... non plus ! On se sent même infiniment gêné à regarder ces histoires de famille qui ne nous regardent pas, car franchement, elle met en scène des gens qui n'ont rien demandé, avec des extraits très longs de ses films de famille, montrant sa fille, son mari, sans jamais sembler leur demander leur avis sur cette exposition médiatique, et bien sûr, concernant ceux qu'elle met le plus en cause comme sa belle-mère ou sa mère, sans jamais respecter leur droit à ne pas vouloir apparaître en public... disant leur nom, montrant leur maison, voire même leur sonnette dans le cas de sa belle-mère qu'elle force à lui ouvrir devant caméras et surtout à faire entrer ces dernières, car la vieille dame voulait lui parler, mais seule à seule. Chacun a sa vérité, Angot force tous les membres de son entourage à faire leur mea culpa, en les prenant en otages médiatiques, et c'est très malaisant. Agressive et violente, elle ne dit jamais ce qui doit la torturer au fond et qui fait qu'elle ne guérit pas de cet inceste même 40 ans après : sa propre culpabilité. Car bien sûr, rien n'est jamais tout noir ou tout blanc (on le savait, avant, au moins dans les oeuvres assez fines du point de vue psychologique)... et il est difficile de croire que cette fille de 13 ans qui n'avait jamais vu son père et avait un tel besoin d'amour paternel n'a pas accepté cette emprise, ne s'est pas laissée séduire tout en s'en voulant, surtout quand on sait le foutu caractère qu'elle a... bien sûr qu'elle aurait pu partir, dénoncer, dire non, et surtout, surtout, à 20 ans en mère de famille, alors qu'elle reprend elle-même contact avec ce père et couche avec lui dans la chambre au-dessus de celle de son mari ! Et aujourd'hui elle va voir celui-ci - devenu "ex", et on le comprend - pour lui reprocher de n'avoir rien fait, rien dit ! Mais qui l'obligeait à coucher avec son père à 20 ans, chez elle ? Qui l'oblige aujourd'hui à garder le nom de ce salaud, quelle n'a pourtant pas porté pendant ses 13 premières années ? Elle ne pose jamais la question, donc elle ne guérira jamais, puisqu'elle analyse les motivations et les réactions de tout le monde, sauf les siennes. Tout le monde autour est montré comme un bloc de lâches bourgeois qui se taisent ou qui se mentent, et lui mentent. Mais elle, blanche colombe et pauvre victime, ne s'aventure jamais à sonder les insondables profondeurs de l'ambiguïté humaine, et la sienne même... Et continuera toute sa vie à remâcher son histoire, à l'exploiter artistiquement, à l'exposer sous prétexte d'art et à en rendre responsable le monde entier. Sans jamais se demander si elle y a gagné quelque chose, à un moment, cet amour paternel qu'elle cherchait désespérément, cette célébrité littéraire après laquelle elle courait ? Cela n'a rien d'incompréhensible ni d'impardonnable et ce serait plus intéressant si ce documentaire était vraiment honnête, au lieu de nous montrer tout l'entourage de cette personne, entraîné dans son obsession, son idée fixe, touché et atteint par cela alors qu'elle aurait pu en préserver, au moins, sa propre fille ? Laquelle a l'air bien embarrassée, à la fin du documentaire, et finit, poussée dans ses retranchements par sa mère, par fondre en larmes... Gêne, encore... Doit-elle encore porter longtemps cette histoire qui n'est pas la sienne, pour essayer d'en libérer sa mère ? Pour finir, dans toute cette noirceur, une réplique drôle, au moins... mais d'un comique involontaire : lorsque Angot, apprenant la plainte déposée par la belle-mère qu'elle a livrée à la vindicte publique, s'exclame : "Mais ils n'ont aucune PUDEUR ! Vraiment aucune PUDEUR !" Cela doit être de famille...