Allez savoir pourquoi, la plupart des œuvres précédées de la mention "Alfred Hitchcock's" sont très identifiées et totalement inclassables. Ses plus grands triomphes ne se mesurent pas à un panel d'éloges critiques (qui le snobaient en majorité) mais aux nombres d'images qu'il légua à la postérité. Un travelling compensé vertigineux, James Stewart et son appareil photo, une douche mortelle et une poursuite en biplan,...Tout part d'une image, synecdoque d'un art dont la puissance d'évocation part d'un simple photogramme pour définir une séance comme nulle autre.
Concentrons-nous sur ce dernier exemple, La Mort aux Trousses. Pensé comme un sommet d'espionnage, Hitchcock va pourtant plus loin en livrant un geste de cinéma total. Les arcanes du services secrets se plie idéalement aux manipulations qu'affectionne "Hitch". Plutôt que d'éparpiller l'intrigue, on collera aux basques de Roger Thornhill. Un personnage-relais d'autant plus idéal qu'il n'a aucun lien avec le milieu du renseignement. En d'autres termes, un simple pion pris dans une mécanique impitoyable (idée suggérée par d'étourdissants plans en plongée) ? Ce serait oublier que le publiciste est du genre à ruer dans les brancards. L'avantage du héros malgré lui, c'est qu'il a finalement toute sa place dans un monde où la duperie est une norme.
Thriller, Suspense, Action, Romance et Humour, auxquels s'ajoute la régulière mise en abyme de la mise en scène qui file au travers des 2h15. Une fois n'est pas coutume, le réalisateur affirme son autorité pour ciseler les séquences avec la même précision quels que soient les moyens. Tel un maestro, il sait arrêter la musique pour délivrer son morceau de bravoure dans le désert. Le plus célèbre indéniablement, mais loin d'être le seul du long-métrage, loin de là (l'infiltration et la résolution finale mettent la barre bien haut également).
Si on pardonnera volontiers quelques invraisemblances, on ne remerciera jamais assez La Mort aux Trousses pour cette croisière folle où le plaisir est sans cesse renouvelé par le génie des dialogues, les compositions anthologiques signées Bernard Herrmann et la perfection de son casting. Cary Grant conjugue élégance et légèreté dans un rôle qui annonce un certain James Bond. Quant à Eva Marie Saint, elle n'est pas loin de lui voler la vedette, envoutant durablement le récit par la simple force de son jeu subtil. Ça fait beaucoup de choses à rester en mémoire, bien au delà d'un seul instantané. Mais ne dit-on pas qu'une image vaut mille mots ? En l'occurrence mille mémos.