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    Vimala Pons : de La Loi de la Jungle à Ça Cartoon, notre interview-portrait
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    De "Ça Cartoon" à "La Loi de la Jungle", en passant par "La Fille du 14 juillet", Bruno Podalydès et Albert Dupontel, la pétillante Vimala Pons revisite une partie de sa carrière dans notre interview-portrait.

    Elle a été La Fille du 14 juillet, la Marie qui rassemble des naufragés, au coeur du premier film de super-héros français et fait partie intégrante des familles de cinéma de Bruno Podalydès et du duo Michel Leclerc/Baya Kasmi, tout en étant la figure de proue d'une nouvelle génération emmenée, notamment, par Vincent Macaigne et Antonin Peretjatko, respectivement son partenaire et son réalisateur de La Loi de la Jungle.

    ==> Un film qui "décrit le monde qui est absurde" selon elle

    A l'occasion de la sortie en salles de cette comédie "hors-normes", et alors qu'elle est de plus en plus présente sur les écrans, Vimala Pons revient sur quelques étapes de sa carrière, le temps d'une interview-portrait.

    Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir actrice ?

    En fait je ne voulais pas être actrice, mais scénariste (rires) J'ai voulu faire plusieurs métiers : scénariste, puis chef op', réalisatrice… J'ai fait une fac d'histoire de l'art, puis de cinéma, mais j'étais très malheureuse enfermée dans un endroit aussi théorique, donc je me suis inscrite dans des cours de théâtre à 18 ans, pour rencontrer des acteurs car j'écrivais. C'est à ce moment-là que j'ai tourné un court métrage qui s'appelait "17h10" et dans lequel je jouais, mais que je n'ai jamais dérushé de ma vie, alors que j'avais eu des autorisations pour le tourner à l'Hôtel du Nord.

    J'ai alors pensé à présenter Louis-Lumière, l'école faite par Antonin, mais j'étais nulle en maths [le concours demandait de grosses connaissances dans les matières scientifiques, ndlr] donc j'ai préféré la FEMIS. Mais entre temps, vu que j'adorais la comédie, j'ai présenté le Conservatoire, mais je ne sais pas très bien pourquoi. Peut-être parce que c'était gratuit comme formation, et que je pensais que ça allait me donner une caution. Je l'ai eu alors que je ne pensais jamais l'avoir, et ça m'a vraiment plu de faire ça, surtout que j'ai commencé à tourner assez vite, de temps à autre.

    J'ai ensuite fait l'école de cirque, et à force de tourner, je me suis rendue compte que cette place permettait d'être au plus proche de la conception d'un film. Et comme je suis auteure-performeuse de mes spectacles, être actrice a mis en tension le fait d'être dans la pensée d'autres gens et dans la mienne en même temps, car les deux nourrissent ce que je fais. Je n'ai donc pas vraiment eu de révélation à un moment précis, mais le désir d'être à cette place a grossi comme ça. Et j'ai eu la chance de voir des gens répondre à ce désir tout en me témoignant le leur, car ça m'a permis de continuer et de comprendre pourquoi j'étais là.

    "La Fille du 14 juillet" a tout changé

    Quel souvenir gardez-vous de votre première expérience de cinéma, dans « Enfermés dehors » d’Albert Dupontel ?

    Ma toute première expérience, c’était en fait à la télé, quand j’avais 11 ans et que j’ai présenté "Ça Cartoon" (rires) Il y avait des vrais gens, mais ma première expérience, c’était surtout de jouer avec Titi et Grosminet, donc rien (rires) Et d’envoyer des dessins animés. Ça m’avait beaucoup amusée. Puis Dupontel c’est quand j’avais 19 ou 20 ans. J’avais passé des essais pour le rôle de Claude Perron : il m’avait appelée trois semaines avant le début du tournage en me disant qu’il avait un problème avec son premier rôle, et me demandait de lire le scénario pour qu’on en parle le lendemain à la production.

    Je me souviens très bien de de coup de fil. Quand il m’a dit que c’était Albert Dupontel, j’ai répondu "Ouais, c’est ça !" (rires) Mais c’était vraiment lui et je me suis retrouvée en face de lui le lendemain pour une lecture. Il était à fond mais il m’a rappelée le lendemain pour m’annoncer que son producteur ne voulait pas, car les costumes étaient déjà faits : elle a une super poitrine, moi je n’en ai pas…, bref tout allait être compliqué.

    Mais Albert a été hyper gentil avec moi, et il m’a dit qu’il avait réécrit un rôle et viré quelqu’un, ce qui m’a permis d’avoir trois ou quatre jours de tournage. Et la première était avec Terry Gilliam et Terry Jones, même si je n’ai pas joué avec eux. Mais je les ai regardés et c’était un super cadeau pour une première expérience sur un plateau.

    Quel film considérez-vous comme le tournant de votre carrière ?

    Il y en a deux, mais c’est sûr que La Fille du 14 juillet a tout changé. Et c’est drôle car tout ce que j’ai tourné avant, c’était pendant que j’étais à l’école, où l’on te dit que tu fais des choses pour mieux savoir ce que tu veux, alors que c’est là que j’ai su ce que je ne voulais pas. Donc tous les films de cette période étaient, pour moi, des films d’école, même si j’en ai fait un avec Rivette [36 vues du Pic Saint-Loup en 2009, ndlr], et que c’est grâce à ça que j’ai su que je ne voulais plus faire de films sur le cirque ensuite, car j’ai vachement souffert et pas du tout aimé faire ça.

    Juste avant de rencontrer Antonin, j’ai tourné dans un court métrage qui s’appelle J’aurais pu être une pute [devenu le long Je suis à vous tout de suite en 2015, ndlr] et qui a été très important pour moi car c’est là que j’ai rencontré Bruno Podalydès, qui a beaucoup compté dans ma vie en étant comme un grand frère. Et quand j’ai rencontré Antonin, je ne croyais plus du tout au fait d’être actrice : je ne passais plus d’essai car je ne pensais pas avoir un jour la chance d’être actrice dans un univers qui te correspond à 90%.

    C’est très rare de pouvoir être à cette place, puis Antonin est arrivé avec ses courts et un scénario qu’il m’a demandé de ne pas lire avant d’avoir vu ses films, au risque de ne rien comprendre à son univers visuel. Dès les premières images de French Kiss, je me suis dit ok. Et j’ai quand même lu le scénario de La Fille du 14 juillet en diagonale, histoire de, mais j’étais déjà partante (rires) Mais c’était ça le tournant, oui.

    La bande-annonce de ce tournant :

    Avez-vous le sentiment d’appartenir à une famille de cinéma ? Ou de faire partie d’une génération capable de faire bouger le cinéma français, et qui compte aussi Vincent Macaigne, Sébastien Betbeder… ? Car on retrouve des similitudes entre leurs différents films.

    Oui, j’ai le sentiment que quand La Fille du 14 juillet est sorti en 2013, il a ouvert la voie pour les autres. Il y a ensuite eu La Bataille de Solférino [de Justine Triet], Vincent étant la pierre d’achoppement entre les deux, même si j’ai un doute sur l’expression (rires) Pour ce qui est de la question de la génération, j’ai envie de répondre oui, car ça flatte l’égo et ça donne une cohérence, ce qui est chouette.

    Mais j’attends de voir là, car ce qui s’est passé en 2013 est fini. Et il y a une réappropriation par le réseau, ce qui est normal, de la liberté qui a été prise à un endroit où il n’y avait pas d’argent pour ces films. Je ne dis pas que ça va de pair, mais l’invention est forte quand il n’y a pas de moyens. Donc j’attends de voir ce que tout cela devient. C’est un vrai sujet cette idée d’artiste qui a un pied dans le réseau, pour que ce qu’il fait soit vu et soit parlant pour plus de gens, et pas restreint à un cercle de "happy few", tout en gardant sa ligne directrice et son endroit, ce que je trouve qu’Antonin réussit à faire bien.

    Mais en même temps, il est parti en Guyane sans pactole, ce qui est bien aussi pour nous : le film était à trois millions d’euros, ce qui est en-dessous de la moyenne qu’ont les autres pour tourner dans des appartements à Paris. Partir en Guyane avec trois millions, c’est aussi se remettre dans des conditions qui sont parfois précaires. Mais, et Antonin a l’intelligence de le savoir, ça sert le film, car ça nourrit sa grammaire de cinéma que d’être obligé de faire des choix. Parce que tu n’as pas le choix.

    L'invention est forte quand il n'y a pas de moyens

    Y a-t-il des actrices qui vous inspirent et que vous considérez comme des modèles ?

    Tout dépend de ce que l’on appelle modèle. Les films et les œuvres sont pour moi plus importants, donc je suis plus inspirée par Joseph Beuys, Pierre Bonnard, Francis Picabia ou Johan van der Keuken. Ou Roger Rabbit aussi (rires) J’adore les dessins animés et Antonin, quand nous étions en Guyane, avait apporté son projecteur de cinéma avec quatre bobines, et il nous a notamment projeté des cartoons en pleine jungle. Tex Avery est d’ailleurs très inspirant.

    Après, si on doit parler des femmes, j’adore Dennis Hopper (rires) J’adore Frances McDormand, Harrison Ford, Greta Gerwig, Isabella Rossellini, Maria de Medeiros, Isabelle Huppert… J’aime bien aussi Pascale Ogier, Françoise Dorléac, Belmondo

    Votre personnage de "La Loi de la Jungle" a d’ailleurs un côté Belmondo, car c’est comme si l’on prenait "L’Homme de Rio" en inversant les personnages.

    (rires) C’est Vincent Françoise Dorléac, oui. Et si j’avais été debout sur l’hélicoptère, j’aurais pu accepter le fait d’être Bebel. Mais je ne suis pas mécontente de mon personnage, c’est plutôt sympa (rires)

    Un personnage qui pense quand même à payer le stationnement :

    Des musiques et chansons peuvent-elles vous inspirer dans votre travail ?

    Bien sûr, et la question de la musique est venue assez tôt sur le tournage d’Antonin. On se faisait mutuellement écouter des musiques, et notamment celle de Goldorak, car ça nourrissait beaucoup ce qu’il faisait. De mon côté, j’ai un gros faible pour un label de musique qui s’appelle La Grande Triple Alliance Internationale de l’Est, qui fait des trucs super. Je vais vachement à la recherche de choses qu’on ne nous donne pas toutes cuites, avec des groupes comme Heimat, The Dreams, USé, BEAK. Donc oui, c’est aussi un moteur.

    Quel est le film sur lequel vous avez le plus appris ?

    C’est difficile d’en citer un, car c’est la somme de tous. J’ai de plus en plus l’impression d’être comme dans un dessin d’enfant, avec des numéros et des points à relier, qui dessinent une figure de plus en plus cohérente. Donc c’est plus la somme de différents univers et la possibilité de rencontrer des cinémas, et donc les visions du monde différentes de chacun de ces auteurs, qui font que tu comprends plein de choses au bout d’un moment, et que tu peux les rassembler en une réflexion par rapport à la vie, car c’est ça l’enjeu.

    Que ce soit chez Antonin, dans cet endroit de jeu étrange, à 22 images par seconde et dans un rythme de tournage très proche de celui du film ; chez Philippe Garrel [pour L’Ombre des femmes], où l’on ne fait qu’une prise après avoir répété pendant un mois et demi ; chez Bertrand Mandico [pour Les Garçons sauvages], où l’on tournait sans son direct, en pellicule et noir et blanc, avec des surimpressions qui se font pendant le tournage en studio, alors que ça ne se fait plus.

    Je suis assez sensible à ce qu’Antonin fait, en réinterrogeant la façon de faire un film dès la base. Même si le budget a augmenté par rapport à La Fille du 14 juillet, en passant de 400 000 à trois millions d’euros, il n’a toujours pas pris de scripte, ni de micro HMC. Il n’y avait pas non plus de table-régie, et l’équipe est très réduite. Il n’y a qu’un chef machino, ce qui est hallucinant par rapport à tout ce qu’il y avait à faire. Ça n’a l’air de rien, mais ça construit le rythme et l’énergie du tournage et du film, car ça influe énormément sur le jeu, grâce à l’énergie que tu reçois, et donc celle que tu donnes en retour.

    Une énergie évoquée dans ce making-of de "La Loi de la Jungle" :

    Malgré ce court métrage pas dérushé, envisagez-vous de passer à la réalisation un jour ?

    Non, c’est sûr que non.

    L’expérience vous a vaccinée ?

    Non pas du tout (rires) J’ai envie de faire de la vidéo, et j’ai déjà un peu commencé. Mais il y a dans le cinéma un aspect économique et une façon dont les films se montent qui ne me correspondent pas. Je ne me vois pas du tout partir là-dedans, alors que la France est le pays dans lequel il y a le plus d’acteurs qui passent à la réalisation. Je ne sais pas ce que ça veut dire (rires)

    Il y un aspect économique et une façon dont les films se montent qui ne me correspondent pas

    On a l'impression qu'il s'agit d'un passage obligé.

    C'est peut-être ça, oui. Mais il y a plein de médiums artistiques : la musique, l’écriture, le dessin, les films… Et parfois tu vois un film, et tu te dis "Bah non, tu aurais dû écrire un livre". Ou tu vois un livre et tu te dis "Tu aurais dû faire un film". Ce qui est touchant, c’est quand tu vois un film en pensant que la personne a bien fait de le faire. Dès le moyen que tu choisis pour t’exprimer, la justesse de ce que tu as à dire se mesure par rapport à la façon dont tu le fais, et c’est ce sur quoi je m’interroge.

    Mais vous parlez de passage obligé, et je ne sais pas si c’est parce que nous sommes dans l’un des arts les plus médiatisés, et que l’on pense avoir un écho si l’on se met à réaliser. Ou si c’est parce que les acteurs, à force d’être au plus près de la réalisation, commencent à comprendre comment on fabrique un film. Du coup c’est plus facile d’aller vers ça, mais je ne veux pas passer à la réalisation.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 6 juin 2016

    En 2016, Vimala Pons était aussi l'héroïne de "Marie et les naufragés" :

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