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    Seven : regardez le générique incroyable du chef-d'œuvre de David Fincher
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Film d'une noirceur abyssale, "Se7en" de David Fincher a marqué la mémoire cinéphilique et la rétine des spectateurs. Mais il est aussi fameux pour son extraordinaire générique d'ouverture, créé par un maître absolu du genre.

    Il y a un peu plus de 27 ans (oui, déjà...) sortait dans les salles obscures un film qui allait pulvériser et redéfinir les codes du thriller : Se7en de David Fincher.

    Avec plus de 4,9 millions d'entrées, le film reste à ce jour le plus grand succès du cinéaste, très loin même devant son second meilleur succès en salle, L'étrange histoire de Benjamin Button et ses 2,59 millions de spectateurs.

    Se7en, une œuvre qui a durablement marqué la mémoire cinéphilique et la rétine des spectateurs. Un film d'une noirceur abyssale, un film à suspense, un thriller, un film d'horreur... Se7en est tout cela à la fois.

    Mais c'est surtout l'un des films les plus originaux, provocateurs et troublants sorti des écuries d'Hollywood depuis des décennies. Car il y a un avant et un après Se7en.

    Seven : tout le monde a fait un arrêt sur image à 1 heure, 55 minutes et 15 secondes !

    Le fabuleux générique d'ouverture du film est lui aussi devenu un cas d'école. Si Fincher envisagea de confier sa réalisation à Mark Romanek, il fut finalement conçu par Kyle Cooper, et monté par Angus Wall.

    Cooper est tout simplement un des plus grands artistes en matière de création de génériques, qui se comptent par dizaines, tous plus mémorables les uns que les autres.

    L'influence de ses créations dépasse d'ailleurs largement le cadre du cinéma : c'est un collaborateur de longue date du game director Hideo Kojima, pour lequel il a conçu le générique de certains de ses jeux, dont son dernier, Death Stranding.

    "Montrez Doe en train de se mutiler..."

    Le générique de Se7en plonge le spectateur dans les méandres de l'esprit d'un être torturé, un serial killer obsédé par la religion. Il est méticuleux, prend soin de découper ses papiers, ses photos, fait ses montages et met en page son inquiétant journal intime...

    Un sentiment de malaise et d'oppression largement amplifié par le remix de l'air de la chanson Closer de Nine Inch Nails, le groupe de Trent Reznor.

    Le revoici, pour le plaisir...

    "Je pensais à un voyage en train depuis la maison de Somerset, de sa maison rurale jusqu'à la ville. Nous lancions des idées, et Fincher répondait : "Montrez Doe en train de se mutiler au rasoir".

    Et nous n'arrivions pas à avancer. Puis Fincher a suggéré à Findlay Bunting [NDR : un spécialiste des effets visuels] d'utiliser une vieille caméra pour obtenir des crédits délavés, rayés, presque manuscrits.

    Nous avons utilisé de la Kodalith, une pellicule peu sensible, pour n'impressionner que les synthés. Eclairez par l'arrière, secouez la pellicule en filmant, arrêtez la caméra, ouvrez-la, exposez la pellicule à la lumière, sabotez la mise au point, secouez, expérimentez, mettez une vitre ou autre chose devant l'objectif, en clair tout ce qui peut altérer l'image", racontait Cooper.

    Nous voulions éveiller la curiosité du public quant à ce que serait ce type. Il doit être super, super méchant !

    A cela s'ajoutent les cahiers de John Doe, que l'on voit dans ce générique et plus tard dans le film, qui furent conçus par les designers Clive Piercy et John Sabel. Ce sont eux qui eurent l'idée de mélanger ces (nombreuses !) pages de textes écrits de la main de John Doe, régulièrement entrecoupées de macabres photographies et autres artefacts religieux.

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    "J'aime l'idée que John Doe prépare ses carnets et ces meurtres très professionnellement, et qu'il prenne le thé tout en arrachant les yeux d'un enfant, le tout simultanément.

    Puis nous avons pensé à tout croiser, et à censurer certains mots. Nous avons insisté sur la personnalité, le caractère artisanal de l'ensemble du générique. Nous avons insisté sur le côté malsain, en nous imprégnant de l'esprit du tueur".

    Dans cette entreprise créatrice, les idées naissent et fusent parfois là où on les attend le moins. "Tous les jours je me réveillais en essayant de trouver de nouvelles idées. Le deuxième jour par exemple, j'ai trouvé par hasard chez moi des hameçons.

    Et il y a aussi ce plan où il glisse des cheveux dans une enveloppe. En fait, j'ai trouvé ces cheveux dans ma douche, et je me suis dit : "Ça c'est cool !"

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    Les mains déformées aperçues dans ce générique ? "On a cherché beaucoup de modèles de mains, et celui que nous avons embauché appartenait à un type qui faisait du tai chi. C'était un type assez gros, un type étrange et effrayant qui semblait plutôt menaçant lorsque nous l'avons choisi.

    Ses mains semblaient plutôt élégantes, mais le plus drôle était que David était contrarié par ce choix. Il a dit : "Pourquoi avez-vous choisi ce type ? Ses mains ne ressemblent absolument pas à celles de Kevin Spacey !"

    Si vous regardez les mains de Kevin Spacey, ses doigts sont longs et fins, mais les mains de ce type étaient plutôt trapues. Fincher était très dubitatif mais je pensais que personne ne le remarquerait, alors nous avons continué avec lui". Bien lui en a pris.

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    Il faudra cinq longues semaines à Angus Wall pour assembler patiemment ces images du générique du film. "J’adorais les films d’horreur quand j’étais enfant", confessait Kyle Cooper à Empire, en 2010.

    "Et j’étais frustré quand ils ne montraient le monstre qu'à la toute fin. Il m'est venu à l'esprit de me faire une idée du tueur avant qu'ils ne l'attrapent enfin. Nous voulions éveiller la curiosité du public quant à ce que serait ce type. Il doit être super, super méchant".

    Pari réussi au-delà de toutes ses espérances avec cette magistrale ouverture, qui a, tout comme le film, fait date.

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