
Du cinéaste Richard Rush, dont le nom ne parlera pas vraiment à grand monde, on se souvient avant tout de son embarrassant nanard Color of Night, thriller érotico-psychologique sorti en 1994 qui tentait de surfer bien maladroitement sur le succès de Basic Instinct sorti deux ans plus tôt.
Porté par Bruce Willis et la comédienne Jane March, qui fut révélée par son rôle dans L'Amant de Jean-Jacques Annaud, le film fut un désastre artistico-financier, qui a d'ailleurs totalement plombé la carrière de la comédienne, incapable de se remettre de cet échec.
Une pure pépite devenue invisible
Il serait bien injuste de réduire Richard Rush à ce crash artistique. Le cinéaste, décédé en 2021, fut l'artisan d'un formidable film sorti en 1981 : Le Diable en boîte. Un film aussi rare que précieux d'ailleurs. Vénéré à juste titre chez les cinéphiles, il n'a, à notre connaissance, jamais été diffusé à la TV, ni édité en DVD chez nous. Et encore moins en Blu-ray; sauf à se tourner vers l'import du côté des Etats-Unis...
Le Diable en boîte, c'est l'histoire de Cameron (Steve Railsback), un vétéran du Viêtnam, activement recherché par la police. Trouvant refuge sur le plateau de tournage d'un réalisateur, Eli Cross, il devient, avec la complicité de ce dernier, son cascadeur au sein de son équipe de tournage. Eli lui fait prendre de plus en plus de risques dans les scènes d’action. Tellement en fait, que Cameron est désormais persuadé que celui-ci veut filmer sa mort...
En voici la bande-annonce..
Sous les traits d'Eli Cross se trouve Peter O'toole, dont la composition est d'autant plus méritoire que l'acteur était bien plus au creux de la vague au début des années 80, entre son addiction à la drogue et à l'alcool, que sur les sommets des dunes de sable de sa période Lawrence d'Arabie... Ironiquement d'ailleurs, il fonda l'interprétation de son personnage en s'inspirant de la relation qu'il avait eu avec David Lean sur le tournage de Lawrence d'Arabie.
Catastrophes en série
La gestation du film fut une grande douleur. Entre la naissance de son concept et sa sortie, il aura fallu dix ans à Richard Rush pour accoucher son oeuvre, qu'il avait d'ailleurs initialement refusé. Et deux crises cardiaque durant cette période. Rien que son financement pris sept années. Il écrivit son script en 1970, et ne débuta le tournage qu'en 1977, pour achever sa post-production en 1979.
Mais il n'était pas au bout de son malheur. Le film a connu d'énormes problèmes de distribution, censée être faite par la 20th Century Fox. Le film n'est sorti que dans onze salles aux Etats-Unis... Il a même eu du mal à être projeté aux membres de l'Académie des Oscars, car le seul cinéma qui le projetait était constamment fermé en raison de pépins techniques. C'est dire si le sort s'est acharné sur lui.

Le Diable en boîte fut pourtant cité trois fois à l'Oscar : Meilleur réalisateur pour Richard Rush, Meilleur acteur pour Peter O'Toole, et Meilleur scénario adapté. Sans compter ses six nominations aux Golden Globes, où il remportera quand même le prix de la meilleure musique, composée par Dominic Frontiere.
Avec d'aussi gros problèmes de distribution, pas seulement aux Etats-Unis, le film est sorti laminé au Box Office international, avec à peine plus de 7 millions $ de recettes. L'échec fut si dévastateur pour Richard Rush qu'il ne reviendra à la réalisation que 14 ans plus tard... Avec Color of Night, évoqué plus haut. C'est quand même bien malheureux.
In fine, on lance un appel de détresse à l'âme charitable d'un éditeur vidéo qui voudrait bien se pencher sur le berceau de cette oeuvre un peu maudite et très injustement maltraitée...