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    Cinerama, VistaVision... Retour sur des formats disparus ou oubliés
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Alors que les "Huit salopards" s'offrent de luxueuses projections au format 70mm dans une poignée de salles, retour sur quelques uns de ces formats de films qui ont marqué leurs époques mais ne sont plus utilisés aujourd'hui.

    Amoureux des cadrages en CinemaScope et autres (grands) formats qui ont bercé sa cinéphilie, Quentin Tarantino a souhaité utiliser pour tourner Les Huit salopards un format mythique qui n'est plus utilisé depuis des années : l'Ultra Panavision 70mm. En fait, il n'a plus été utilisé depuis 1966 et le tournage du film d'aventures Khartoum avec Charlton Heston. "En tournant en 65 mm, je m'assure que quelque part dans le monde, il y aura des pellicules et des projections pour les aficionados" explique Q.T. dans l'excellente petite Featurette à voir ci-dessous, présentée par un Samuel L. Jackson en forme.

    Le premier format utilisé au cinéma fut le 1.33, le format du cinéma muet. On le doit surtout à Thomas Edison qui, dans les années 1910, fit réduire la pellicule 70 mm de George Eastman (Kodak) à 35 mm. Jusqu'en 1927, il s'agissait du format standard. Cette année-là d'ailleurs, Abel Gance imaginait pour la projection de son film fleuve Napoléon un nouveau procédé, qu'il baptisait Polyvision. C'est un peu le glorieux ancêtre du Split-Screen : l'image était alors projetée simultanément sur trois écrans.

    1927, c'est aussi l'arrivée du cinéma parlant. Les systèmes en concurrence se classent alors en deux catégories, selon que le son est enregistré soit sur disque (c'est le cas du procédé Vitaphone soutenu par la Major Warner), soit directement sur pellicule. C'est le cas du procédé Movietone, défendu par la Twentieth Century Fox. L'ennui avec ce dernier format, c'est que pour faire place à la piste sonore, la surface dédiée à l'image fut rabotée de 15%, faisant passer le ratio de celle-ci de 1.33 à 1.20.

    Friedrich Wilhelm Murnau utilisa précisément ce format d'image inhabituel pour tourner son chef-d'oeuvre l'Aurore, dont voici la bande-annonce.

    Le Movietone ne rencontre toutefois pas un franc succès au sein de la profession. En 1932, l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences fini par imposer un nouveau format standard, qui réduit la hauteur de l'image pour aboutir à un rapport de 1.37. Baptisé "Academy", ce format s'imposa durant une vingtaine d'années, jusqu'au début des années 1950.

    Pour contrer la télévision, il faut renforcer la dimension spectaculaire des films

    A cette époque, le cinéma subit alors de plein fouet la féroce concurrence de la télévision, qui s'impose au sein des millions de foyers américains avec son format 1.33 idéal pour les écrans de TV. Les Majors inventent alors des formats larges, voire supers larges, capables d'offrir aux spectateurs des images spectaculaires.

    Le Cinerama

    En 1952, on voit ainsi apparaître le Cinerama, au ratio de 2.65. Utilisé jusque dans les années 1960, il fut développé par un certain Fred Waller de la Paramount. Le premier film diffusé dans ce format fut Voici le Cinerama, un documentaire réalisé par un vétéran d'Hollywood, Merian C. Cooper, le coréalisateur de King Kong. Assez lourd, le procédé nécessitait trois caméras lors du tournage, et trois projecteurs lors de la diffusion du film en salle. La particularité de ce procédé résidait aussi dans l'utilisation d'un écran courbé. A Paris, il fut exploité dès 1952 dans une salle du même nom, qui se situait avenue Wagram, ou encore au Gaumont Palace situé dans le 18e arrondissement, de 1962 à 1967. Pour l'anecdote, le Kinopanorama russe, quasi identique au Cinerama, fut également exploité dans plusieurs salles dans le monde à partir de 1958-1959, notamment à Paris dans une salle qui portait ce nom, jusqu'à sa fermeture en 2002 par le groupe Europalaces. Le dernier film a être projeté sur cet écran dans une fabuleuse copie fut la version Director's Cut d'Amadeus.

    Ci-dessous, la bande-annonce du film documentaire :

    Le VistaVision

    Inventé par les ingénieurs de la Paramount en 1954 comme une réponse au CinemaScope de la Twentieth Century Fox, le procédé VistaVision nécessitait l'utilisation d'une caméra spéciale. Plutôt que de circuler de haut en bas comme c'est le cas dans les projecteurs, la pellicule 35mm du projecteur VistaVision circule horizontalement, de gauche à droite.

    Le premier film à avoir été diffusé via ce procédé fut la comédie musicale Noël Blanc de Michael Curtiz, dont voici la bande-annonce.

    L'ennui, c'est qu'il fallait convaincre les exploitants de salle de s'équiper avec de nouveaux projecteurs. Très peu le firent. La solution qui fut alors la plus souvent adoptée fut de réduire optiquement l’image du négatif sur un positif à défilement vertical au format 1.85:1 ou CinemaScope (formats 2.35 ou 2.55), ou de la gonfler sur un positif 70 mm, comme ce fut le cas pour Les Dix Commandements ou Sueurs froides d’Alfred Hitchcock, dont voici la bande-annonce.

    Le Todd-AO 70mm

    Sous ce nom un poil barbare se cache en fait un format développé par un certain Mike Todd avec la société American Optical Company (d'où le "AO" donc) en 1955. Son format de projection 2.20:1 exploitait la pellicule 70 mm dont une partie - 65 mm - était dévolue à l'image, et 5 mm pour les pistes sonores. Le 11 octobre 1955, la comédie musicale / western Oklahoma ! signée Fred Zinnemann fut le premier film projeté en 70 mm Todd-AO au cinéma Rivoli de New York. Destiné à concurrencer le format Cinerama inventé en 1952, le format Todd-AO n'utilisait qu'une seule caméra avec un seul objectif, là où son concurrent devait en utiliser trois. Les salles devant là aussi s'équiper de projecteurs 70mm ainsi que d'écrans incurvés, le Todd-AO fut finalement peu exploité. A noter d'ailleurs qu'une variante du Todd-AO, baptisée Dimension 150, fut testée sur deux films : le Péplum La Bible en 1966, et le chef-d'oeuvre Patton en 1970.

    Parmi les films tournés avec ce procédé en plus de ceux cités plus haut, on peut mentionner La Mélodie du bonheur, La Conquête de la planète des singes, Alamo, Cléopâtre, ou encore la Vallée perdue, un chef-d'oeuvre pas assez connu signé James Clavell avec Michael Caine et Omar Sharif, dont voici la bande-annonce. John Barry y signe sans doute une de ses plus belles BO de film.

    Circarama, Circlevision, Swissorama et autres... : le cinéma à 360°

    L'idée de projeter les images sur des écrans à 360° autour des spectateurs n'est pas nouvelle. Loin de là même. Le Cinéorama du français Raoul Grimoin-Sanson, présenté à l'occasion de l'exposition universelle de Paris en 1900, se composait d'un écran couvrant 360° balayé par 10 projecteurs synchronisés. C'est Walt Disney qui relance en 1955 l'intérêt pour ce format avec son Circarama, composé de 11 caméras tournant en 16 mm. En 1967, toujours dans le même esprit, Disney sort un Circle Vision 360. Cette fois-ci, ce sont 9 projecteurs qui sont utilisés, pour diffuser les images d'America The Beautiful, un album d'images, parfois spectaculaires, signées Disney. Ce système fut au coeur des parcs d'attractions de la firme. A Euro Disney, il fut exploité sous le nom d'attraction Visionarium.

    Comme souvent, d'autres formats similaires et à la durée de vie souvent éphémère furent lancés. Citons ainsi le Cinerama 360, créé par la société Cinerama Corporation en 1962; le Kinopanorama circulaire, développé en 1959 par le russe E. Goldovsky; le Swissorama 360 (!), développé par un certain Ernst A. Heiniger en 1984, destiné à la diffusion d'un film documentaire, Impressions de Suisse.

    Ci-dessous, la bande-annonce de America The Beautiful, diffusé en Circlevision en 1957...

     

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