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    Revanche de Stéphane Roquet : "J'aime le film policier sombre, austère et violent"

    A l'occasion de la sortie de "Revanche", violent polar où un ex-flic et ex-taulard reconverti en détective privé accepte une mission dangereuse, AlloCiné a rencontré son réalisateur Stéphane Roquet.

    AlloCiné : Vous avez joué dans plusieurs films et séries tout au long de votre carrière et dans le dossier de presse de Revanche il est indiqué que vous avez mis en scène des courts métrages. Qu'est-ce qui vous a poussé à réaliser votre premier long métrage qui est un film de genre ?

    Stéphane Roquet : Féru de films de genre depuis ma plus tendre enfance, j'ai commencé par réaliser des petits courts-métrages : polars, films gore, ou comédies horrifiques. Trois de ces courts-métrages ont été diffusés à plusieurs reprises sur Canal Plus et 13ème Rue. Entre l'âge de 12 et de 14 ans, je découvre au cinéma, fasciné, les films Alien, E.T. et Evil Dead, et un peu plus tard, Terminator. A mes yeux, le cinéma de genre comble notre besoin d'évasion et développe l'imaginaire, ou encore fait naître en nous certaines émotions fortes comme l'angoisse ou la peur. Revanche est né d'une envie de réaliser ici en France, un pur film de genre comme il s'en fait hélas trop peu : un film policier à l'ambiance sombre, et comportant des scènes d'action et de brutalité féroces et sanglantes. Je voulais que le film ait davantage le look d'un western urbain que celui d'un polar classique : notamment lors de la scène de l'affrontement final : je suis un fan absolu de westerns, dans le style de Rio Bravo d'Howard Hawks, L'Homme aux colts d'or d'Edward Dmytryk, ou encore Règlement de compte à OK Corral du grand John Sturges. Le film utilise beaucoup la technique du montage alterné, qui permet de montrer deux actions en même temps, et de maintenir ainsi un rythme rapide, soutenu et tendu. Dans la dernière partie du film, ces scènes alternées convergent vers un lieu (et une scène) unique : le vaste entrepôt abandonné où se déroule l'affrontement final. Je crois que c'est cette scène finale qui m'a vraiment donné envie de réaliser Revanche.

    On pense à Olivier Marchal ou aux films de genre dans lesquels un héros "badass" se fait justice lui-même. Quelles-ont été vos références (cinématographiques ou autres) ?

    Je me suis à la fois inspiré de la littérature policière anglo-saxonne contemporaine (surtout la trilogie Joe Kurtz créée par l'écrivain Dan Simmons : ancien flic et ancien détenu, devenu détective privé sans licence, Joe Kurtz est un type qui passe son temps à tenter de survivre au sein de l'ancienne ville industrielle de Buffalo, où règnent les pires criminels et psychopathes, et la corruption en tout genre) et de certains polars américains des années 70 et 80 ou même plus récents, qui font la part belle à l'action et à la violence : Dirty Harry de Don Siegel, Assaut de John Carpenter ou encore Vigilante de William Lustig, et bien d'autres films qui ont souvent pour héros un autojusticier aux méthodes brutales et expéditives (certains films avec Jason Statham, Mark Wahlberg ou même Steven Seagal). Le héros Franck Bériat serait, d'après moi, un mix parfait de deux personnages de fiction marquants et emblématiques, des héros badass par excellence : Harry Callahan dit le "charognard" et le Punisher, alias Franck Castle. Tout comme Franck Bériat, le personnage du Punisher (un personnage de bande-dessinée appartenant à l'univers Marvel) incarne l'esprit de justice personnelle. Le monde dans lequel il évolue est glauque, violent et sans espoir.

    Revanche est né d'une envie de réaliser ici en France, un pur film de genre comme il s'en fait hélas trop peu

    Impitoyable, Franck Castle préfère occire ses adversaires plutôt que de les livrer à la police ou à la justice d'Etat. Les deux Franck (Castle et Bériat) ont en commun ce souci (ou besoin irrépressible) de mener une véritable croisade contre le crime. Tous les deux sont à la fois des justiciers, des juges et des bourreaux ! A l'instar d'Harry Callahan (Clint Eastwood), Franck Bériat est un être fondamentalement solitaire, taciturne, et qui emploie des méthodes de travail moralement contestables, brutales, et que la loi réprouve. D'ailleurs, la fameuse phrase qu'un collègue adresse à l'inspecteur Harry aurait tout aussi bien pu être adressée à Franck Bériat : "T'es qu'un cimetière ambulant. Tu dépeuples tous les endroits où tu passes, tu sèmes les cadavres. Même quand c'est pas toi qui tire, y'a des victimes." Afin de donner plus de crédibilité à certains personnages (notamment, le personnage du criminel Antek Bando) ou de mieux les caractériser, j'ai inséré dans le film certains éléments que j'ai glanés çà et là, dans des documentaires consacrés aux prisons américaines les plus dangereuses, ou à certains gangs d'extrême-droite ultraviolents, comme le gang de la Fraternité Aryenne ou des Nazi Lowriders.

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    Pourquoi avoir choisi Jean-Yves Bourgeois dans le rôle principal ? A-t-il suivi une formation en combat et maniement d'armes diverses ?

    J'ai choisi Jean-Yves Bourgeois pour deux raisons essentielles : tout d'abord, parce que c'est un ami de longue date, que je connais bien. Je sais que c'est quelqu'un de très patient, et d'endurant. Pour incarner le rôle de Bériat, il fallait un comédien "à toute épreuve", prêt à tout supporter, et qui n'abandonne surtout pas le navire en cours de route. Jean-Yves m'a paru logiquement être le meilleur choix. Comme il était aussi le producteur du film, je savais que sa motivation serait infaillible, qu'elle ne faiblirait pas au fil du temps ! Ensuite, parce que Jean-Yves a tout à fait le physique et le charisme pour incarner ce type de personnage. Il est grand, athlétique, résistant, a une vraie gueule de dur à cuire, et n'a pas hésité une seule seconde à s'entraîner quotidiennement pour donner le meilleur de lui-même, lors des scènes de combat ou de course-poursuite. Pendant toute la durée du tournage, Jean-Yves a fait de la musculation, des abdos et des pompes, et s'est entraîné à frapper régulièrement dans un punching-ball. Pour la scène de combat au corps à corps qui oppose Franck Bériat et Antek Bando, Jean-Yves a même été coaché par un régleur de combat pendant toute une journée. Tout au long du tournage, il a reçu, sans broncher et sans se plaindre, une multitude de vrais coups de poing et coups de pied. D'ailleurs, certains de ces coups figurent dans le montage final… Ce qui rajoute au réalisme de l'ensemble ! Nous avions également un spécialiste (et fin connaisseur) des armes de poing, couteaux et autres fusils d'assaut, qui a été présent durant trois jours sur le tournage. Jean-Yves a pu ainsi s'accoutumer au maniement des armes à feu, et des armes blanches. Finalement, Jean-Yves ressemble beaucoup au héros qu'il incarne : Franck Bériat ! C'est presque son alter ego !

    Le film a-t-il été difficile à produire ? Quelles ont été les principales difficultés de tournage ?

    Le film a été franchement très difficile à produire. Au vu du faible budget dont nous disposions, nous étions bien obligés de faire preuve de patience et d'astuce pour trouver au meilleur prix les décors adéquats, ainsi que le matériel et tout ce qui est utile à la fabrication du film. Une autre difficulté majeure a été de maintenir une motivation constante au sein de l'équipe de tournage : techniciens et comédiens compris. Nous redoutions par dessus tout la défection d'un comédien. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit. Un des comédiens principaux a quitté le tournage en cours de route, ce qui nous a obligé à réécrire une bonne partie du scénario. Cet incident nous a fait perdre beaucoup de temps. Revanche s'est principalement tourné le week-end, sur une période de plus de deux ans. Aucun technicien n'était donc en mesure d'assurer l'intégralité du tournage. Nous avons dû nous constituer un «noyau dur» polyvalent, c'est à dire une petite poignée d'amis techniciens disponibles, bénévoles et capables d'accomplir plusieurs taches différentes (cadrage, lumière, prise de son ...). Les journées ont été longues et souvent éprouvantes aussi bien physiquement que psychologiquement : les scènes de combat et de fusillade ont nécessité de longues heures de travail. Je me souviens surtout d'une journée de tournage qui a duré près de 24 heures, non stop ! L'horreur !

    On a essentiellement choisi des décors abandonnés : des zones industrielles désaffectées, des entrepôts, des terrains-vague, des tunnels… Bref, des décors qui conviennent parfaitement à l'ambiance générale du film.

    Où le film a-t-il été tourné et comment avez-vous choisi les décors ?

    Le film a été tourné exclusivement en région parisienne : Paris pour certains intérieurs (appartements), les ruelles ou cafés décrépits de Saint-Denis et de Pantin, les zones industrielles de Chelles-Gournay, les vastes entrepôts de Longjumeau, la forêt de Gretz… Nous n'avons jamais obtenu une seule autorisation de tournage ! Aussi certaines journées ont-elles dû être brusquement arrêtées en raison de l'arrivée de la police. Nous avons même tourné une scène de torture, dans une ruelle la nuit, non loin de l'endroit où une bande de jeunes se livrait au trafic de drogue ! C'était vraiment épique ! Le repérage des décors se faisait la semaine, pendant les jours de relâche. Nous avons sillonné presque toutes les routes d'Ile-de-France ! On a également trouvé certains décors grâce à des sites internet, tels que le site "Glauque-Land" (ça ne s'invente pas!) qui recensent un certain nombre de décors particulièrement sinistres et sordides et plus ou moins libres d'accès : c'est ainsi qu'on a pu tourner pendant deux jours dans l'ancien abattoir désaffecté et particulièrement flippant de Nozay... Sans autorisation, bien sûr ! On a essentiellement choisi des décors abandonnés : des zones industrielles en activité ou désaffectées, des entrepôts à l'écart de la ville, des terrains-vague, des ruelles sombres, des garages, des tunnels… Bref, des décors qui conviennent parfaitement à l'ambiance générale du film.

    Interdit aux moins de 16 ans avec avertissement, c'est quelque chose ! Comment avez-vous voulu représenter le violence à l'écran ?

    J'ai voulu que la violence soit la plus stylisée ou artistique possible, un peu comme dans certains films d'horreur, ou polars violents. Mon intention était certes de montrer la violence de manière explicite (montrer plutôt que suggérer), mais aussi de manière fugace et fulgurante. Ne surtout pas s'éterniser sur tel ou tel plan gore ou sanguinolent. Je voulais créer des instants marquants, traumatisants, des effets chocs. Et ce afin de maintenir un état de tension quasi permanent, notamment lors de la séquence finale, dans le grand entrepôt. Certaines scènes relèvent plus du cinéma d'épouvante que du cinéma policier : notamment les scènes de torture, certains combats au corps à corps, qui nous montrent des meurtres brutaux, à l'arme blanche. Revanche emprunte parfois au slasher, ou même au film de psychopathe (dans le style de Henry, portrait d'un serial killer). Certains personnages sont des êtres maléfiques, presque des serial killers, qui pourraient aisément appartenir au cinéma d'horreur : le jeune frère déséquilibré et sadique d'Antek Bando, ou encore Tony, l'homme de main cruel et pervers.

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    L'esthétique de Revanche est à la fois sombre et froide. Qu'est-ce qui a guidé ce choix esthétique ?

    Mon envie était avant tout de réaliser un film très sombre, grave, sérieux et "premier degré", mais en même temps un pur film de genre et de divertissement. Loin de moi l'idée d'avoir voulu réaliser un film d'auteur ! Cependant, je ne voulais surtout pas réaliser un film trop "fun", léger, très "second degré" ! J'aime le film policier sombre, austère et violent : Bullhead de Michael R. Roskam avec un Matthias Schoenaerts sombre, taciturne, violent et impressionnant, Un prophète de Jacques Audiard, Le Convoyeur de Nicolas Boukhrief, Assaut de John Carpenter ou encore, le premier Pusher de Nicolas Winding Refn. Autant de films "sérieux" et noirs qui me marquent, et me prennent aux tripes. Le spectateur peut vraiment s'identifier corps et âme au héros, et partager ses émotions, ses douleurs, ses angoisses, ses tourments... Le protagoniste de Revanche, Franck Bériat, est un individu taciturne et peu loquace. De prime abord, il peut même paraître froid. Les criminels quant à eux sont pour la plupart des êtres impassibles et impavides, presque entièrement déshumanisés. Ils tuent sans manifester la moindre émotion. Tuer est devenu pour eux une activité quasi quotidienne et banale. Je pense que c'est ce genre de criminels qui me fait le plus flipper, et qui m'impressionne vraiment.

    En fait, les seuls moments vraiment chaleureux (mais tristes) dans le film sont ceux pendant lesquels l'héroïne, Camille Dessonge (Marie Delmas), évoque avec tendresse sa jeune soeur disparue, ou laisse éclater sa douleur, avant de s'effondrer littéralement dans les bras du héros. Dans l'ensemble, la photographie est plutôt sombre, les couleurs désaturées et froides. La bande son est principalement composée de nappes angoissantes, et ne compte quasiment aucune véritable musique (absence quasi totale de thèmes musicaux dans le film). Je me suis d'ailleurs inspiré de la bande son de certains films d'horreur des années 70 et 80, tels que Massacre à la tronçonneuse (une bande son composée de bruits de machine et de plaintes humaines ou d'animaux), Assaut de John Carpenter et sa musique dark et synthétique, ou encore l'excellent Maniac de William Lustig, dont la bande son est faite de nappes et de sons stridents. J'aime ce genre d'habillage sonore, qui peut mettre les nerfs à rude épreuve. Nombre de personnages (dont le héros) qui peuplent le film sont des êtres brisés par le destin, ou encore des marginaux, des exclus, des individus à l'écart de la société, qui vivent et évoluent dans des lieux désolés, insalubres, sombres et sinistres : parking souterrain, garage, entrepôt, cave, ruelle déserte… Revanche montre en quelque sorte une société violente, sombre et malade.

    Encore plus que Dirty Harry, mon film de genre préféré serait un autre joyau du cinéma policier : Le Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville.

    Quel est votre film de genre préféré ? Votre scène préférée ?

    Encore plus que Dirty Harry, qui m'a pourtant profondément marqué et influencé, mon film de genre préféré serait un autre joyau du cinéma policier : Le Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville. Ma scène préférée est d'ailleurs une véritable scène d'anthologie : la scène du cambriolage de la bijouterie qui dure plusieurs dizaines de minutes, sans aucun dialogue. Une scène que j'ai vue et revue tant de fois, toujours avec le même plaisir. Du pur cinéma de genre. Dans ce film, les gangsters ont beaucoup de charisme (Alain Delon, Gian Maria Volonté) et un vrai code de l'honneur. Tous les personnages sont des solitaires, peu bavards. Yves Montand y est tout simplement fascinant : il campe un ancien flic, tireur d'élite, devenu alcoolique, et hanté par ses démons (les "démons du placard"). J'adore la scène durant laquelle il confectionne avec patience et minutie ses propres balles. L'une des répliques fameuses du film aurait pu être dite dans Revanche. Celle que le supérieur hiérarchique adresse au commissaire Mattéi, excellemment interprété par Bourvil : "Il n'y pas d'innocents. Les hommes sont coupables, ils viennent au monde innocents, mais ça ne dure pas." Le Cercle Rouge, c'est du vrai polar noir, stylisé et fataliste... Et surtout universel et indémodable.

    Avez-vous des projets en cours ?

    Avec Jean-Yves Bourgeois, nous préparons actuellement la suite de Revanche. Un film d'action doté d'un budget plus conséquent, de scènes plus spectaculaires, des cascades et une belle course-poursuite en voiture. Le film visera un plus large public. L'histoire de cette suite commence là où le premier Revanche se termine. Franck Bériat est libéré par le gouvernement afin de participer à une mission des plus délicates sous couverture. Dans ce deuxième opus, Franck Bériat est d'ailleurs plus proche du Punisher, ou de John Rambo que de Harry Callahan. Franck Bériat a les ressources et le mental nécessaires pour mener une véritable guerre contre les pires trafiquants et criminels. Il sait tout mettre en oeuvre pour parvenir à son but. Pour lui, la fin justifie souvent les moyens. Dans cette suite de Revanche, Bériat dispose de tout un arsenal de combat. La principale difficulté pour lui, est qu'il devra infiltrer le camp adverse et se faire passer pour l'ami intime du pire criminel qui soit.

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