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    En Thérapie sur Arte : la saison 2 est-elle à la hauteur de la première ?
    Julia Fernandez
    Julia Fernandez
    -Journaliste Séries TV
    Elevée à « La Trilogie du samedi », accro aux séries HBO, aux sitcoms et aux dramas britanniques, elle suit avec curiosité et enthousiasme l’évolution des séries françaises. Peu importe le genre et le format, tant que les fictions sortent des sentiers battus et aident la société à se raconter.

    Ce jeudi 7 avril, Arte inaugure la saison 2 de la série événement créée par Olivier Nakache et Eric Toledano ("Hors Normes"). Après les attentats de 2015, la pandémie plane désormais sur le cabinet du docteur Dayan, confronté à de nouveaux patients.

    Cinq ans après les attentats du Bataclan, au lendemain du premier confinement, le psychanalyste Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) accueille quatre nouveaux patients : Inès (Eye Haïdara), une avocate quadragénaire et solitaire, Robin (Aliocha Delmotte), un adolescent en surpoids victime de harcèlement scolaire, Lydia (Suzanne Lindon), une étudiante venue partager un sombre secret, et Alain (Jacques Weber), un chef d’entreprise pris dans une tourmente médiatique… 

    Divorcé, attaqué en justice par la famille de l’un de ses anciens patients, le docteur Dayan se tourne vers Claire (Charlotte Gainsbourg), une analyste et essayiste de renom dont il espère le soutien pour son procès en cours.

    En Thérapie saison 2, créée par Eric ToledanoOlivier Nakache et Laetitia Gonzalez

    Chaque jeudi à 20h55 sur Arte et en intégralité sur Arte.tv

    En thérapie
    En thérapie
    Sortie : 2021-02-04 | 26 min
    Série : En thérapie
    Avec Frédéric Pierrot, Charlotte Gainsbourg, Jacques Weber
    Presse
    3,9
    Spectateurs
    4,3
    Voir sur Disney+

    Nouveaux patients, nouveaux enjeux

    Exit le cabinet parisien, Ariane (Mélanie Thierry), Damien (Pio Marmaï), Léonora (Clémence Poésy) et Esther (Carole Bouquet), son ancienne superviseuse. Après la déflagration émotionnelle provoquée par la mort tragique d'Adel Chibane (Reda Kateb), parti faire la guerre en Syrie dans un acte désespéré après avoir été traumatisé par son intervention le soir des attentats du Bataclan, Philippe Dayan a changé de cadre de vie.

    Cinq ans se sont écoulés depuis cet événement qui a mis en péril sa carrière. En attente du procès initié par la famille d'Adel, qui l'accusent de n'avoir pas su empêcher son passage à l'acte, Dayan, dont le mariage battait sérieusement de l'aile, est désormais divorcé, et a pris ses quartiers dans une petite maison en banlieue parisienne. 

    Il y accueille de nouveaux visages qui vont rythmer la saison au fil de leurs rendez-vous, dans le calme feutré de son nouveau cabinet. Calme en effet, car Dayan est marqué par la solitude dans cette saison, en proie au doute et à la crainte de ne pas avoir su être à la hauteur, et les troubles exposés par ses nouveaux patients vont trouver un écho particulier en lui.

    Tous aussi différents les uns des autres, ces nouveaux protagonistes explorent différentes étapes de la vie : l'adolescence et ses tourments liés au regard des autres et à la peur du rejet à travers le jeune Robin, le tabou absolu de la maladie à un âge où l'on se sent tout puissant pour Lydia, la peur d'avoir tout sacrifié pour sa carrière et le poids de l'héritage familial pour Inès, arrivée à un moment charnière de sa vie, et enfin le temps de l'examen de conscience pour Alain, septuagénaire rattrapé par des crises d'angoisse existentielles.

    Toutes ces problématiques vont confronter Dayan aux limites de sa pratique, qu'il continue à franchir inexorablement. Sa nouvelle superviseuse, Claire, chargée de l'aider à se préparer au procès qui pourrait lui coûter sa carrière, va tenter de comprendre d'où lui vient ce syndrome du sauveur qui l'entrave.

    Le COVID-19 en toile de fond

    Ecrite à la fin de l'année 2020, au coeur de la troisième vague de l'épidémie de COVID-19, cette saison supervisée à l'écriture par Clémence Madeleine-Perdrillat (Nona et ses filles) s'empare de ce traumatisme collectif pour le retranscrire à l'échelle individuelle, à travers les mots et les gestes. 

    Si le fait de voir des personnages à l'écran porter un masque crée tout d'abord un effet de rejet saisissant, la série offre la possibilité de faire un pas de côté et de prendre du recul sur ce changement de paradigme. En prêtant attention aux rituels intégrés par chacun et aux craintes qu'ils peuvent susciter, la série dépeint aussi une façon de faire attention aux autres, dans le prolongement du travail thérapeutique entamé par les clients lorsqu'ils entrent dans le cabinet de Dayan.

    Ils sont aussi des moyens tout trouvés pour certains personnages d'illustrer leur peur de la perte, de l'abandon. Lorsqu'il se nettoie les mains au gel hydroalcoolique de manière compulsive et tient à mesurer l'écart exact entre le canapé et le fauteuil du thérapeute pour respecter le mètre de distance préconisé, Robin est en réalité en proie aux angoisses à l'idée que ses parents divorcent, et dont il s'imagine être responsable.

    Quant à Lydia, c'est le fait d'avoir été contaminée par le virus qui l'a poussée à se rendre à l'hôpital, où elle réalise des examens qui lui révèlent un problème de santé tout autre que ce qu'elle imaginait en lien avec la pandémie. Isolée de ses proches pendant le confinement, elle est alors incapable de se confier, et refuse de demander de l'aide, créant un terreau fertile à ses névroses. 

    La thérapie et ses fantômes

    Véritable onde de choc individuelle et collective, cette épidémie a été un catalyseur pour les préocupations de tout un chacun, dont les retombées sont ici illustrées avec grâce par la caméra des quatre nouveaux réalisateurs venus entourer le duo Nakache-Toledano : Emmanuelle BercotArnaud DesplechinEmmanuel Finkiel et Agnès Jaoui se sont mis au service de la série dans ce sens, accordant leur cinématographie au diapason des personnages et de leurs maux, qu'ils soient contemporains ou universels.

    Avec l'ombre d'Adel Chibane qui plane sur le cabinet de Philippe Dayan dans le premier épisode, le ton de cette saison 2 est donné. Si les patients flanchent parfois, au point de s'effondrer physiquement lors des séances, laissant leurs fragilités les submerger, c'est le thème de la mort qui est omniprésent dans ces nouveaux épisodes. 

    A travers la pandémie en toile de fond bien sûr, mais aussi le souvenir refoulé et traumatique de la mort d'êtres aimés, la crainte de sa propre mortalité, la peur que la mort frappe ses proches et que l'on y soit impuissant, ou encore le regret d'avoir laissé une vie potentielle de côté.

    Face à ces patients bouleversés, Dayan n'est pas en reste, car ses propres fantômes viennent se rappeler à lui lorsqu'il consulte Claire, sa nouvelle superviseuse bien décidée à le déstabiliser. Et l'un deux (incarné par Agnès Jaoui dans un rôle de guest émouvant), rencontré de façon fortuite entre deux séances, pourrait bien lui apporter l'apaisement qu'il recherche depuis toujours, en réponse à l'investissement émotionnel parfois dangereux qu'il place dans sa pratique de la thérapie au risque de franchir les limites.

    A l'issue de ces nouveaux épisodes comme suspendus dans le temps, à l'instar du confinement qui a précédé les événements qu'ils retracent, En Thérapie restore tout son pouvoir d'humanité avec plus d'acuité et peut-être encore plus de réalisme que sa saison précédente en se recentrant sur la complexité des rapports humains, laissant les artifices scénaristiques de côté.

    Et rappelle encore une fois à quel point l’écoute et l’empathie propres à la thérapie sont vitales à chacun, dans ce monde agité au brouhaha incessant.

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