La vie est injuste. Costa-Gavras le sait, lui qui s’employa jadis, avec quelques autres donateurs, à sauver de la faillite Les Cahiers du Cinéma. La rédaction n’en continua pas moins à pilonner systématiquement ses films. Mais pour Marc Esposito, c’est bien pire : Lui, le fondateur des magazines Première et Studio, lui qui a vu passer tant de jeunes journalistes, partageant avec eux son amour des acteurs et du cinéma qualité France, le voici lâché par ses anciens camarades. Ils avaient pourtant soutenu en nombre le 1er "Coeur des Hommes". Les rangs s’étaient, c’est vrai, quelque peu clairsemés pour le 2ème épisode, mais là, il semblerait bien que la côte d’alerte ait été dépassée, ce point au delà duquel l’affection et l’indulgence ne peuvent plus rien. On l'aura compris, Marc Esposito aime l’amitié. Et les films qui en parlent : le cinéma de Lelouche et celui de Sautet, "Husbands" de Cassavetes et "Les Copains" de Jules Romain (enfin, d’Yves Robert). Le projet du Coeur des Hommes c’était peut-être ça, un truc entre Cassavetes et Yves Robert, plus prés d’Yves Robert sans doute (période "Un Elephant, ça trompe énormément"). Un quatuor d’amis donc. Des vrais, à la vie à la mort, mais attention des gars qu’on verrait rire ensemble, mais aussi pleurer, et se toucher… Du jamais vu. Effectivement, comme j’ai pu m’en rendre compte à la sortie du "Cœur des Hommes" : à ce point, c’était du jamais vu ! Le film était raté, mais j’avais adoré. Franchement, adoré. Je dois au 1er "Cœur des Hommes" quelques uns de mes plus beaux fous rires. A tel point que pour le numéro 2, je me suis précipitée à la première séance, impatiente de me faire un nouveau shoot. Et le film a comblé mes attentes, j’ai eu de nouveau ma dose de franche rigolade. Mais là, pour ce 3ème volet, désespoir : rien, plus rien. Le cœur n’y est plus ! Pourtant, les fondamentaux sont bien là : La même pauvre grammaire de cinéma, les mêmes petites blagues, les mêmes situations convenues, les mêmes dialogues vite troussés, et le même usage désinvolte de la musique (une tartinade de tubes). Alors quoi ? Qu’est-ce qui change ? La vulgarité peut-être, cette vulgarité qui pointait déjà son nez dans le Cœur n°2 (on appelle ça de la gauloiserie), mais qui nappe ici tout le film de façon insupportable. J’ai ressenti une peine immense pour Darrousin. Et pour Campan et même pour Lavoine. Et pour toutes ces belles actrices auxquelles Esposito dit tant devoir et auxquelles son film ne rend rien. Etrangement, seul Elmosnino, le nouveau venu, paraît échapper au naufrage. La fraicheur sans doute, ou le talent. Il y a 10 ans, un critique enthousiaste avait rebaptisé le 1er film "Le corps des hommes". Un de ses collègues vient de titrer pour celui-ci "Le cœur des beaufs". Facile, mais tellement juste.