«L'éclipse» est le troisième volet, et le point d'aboutissement, d'une trilogie comprenant aussi «L'Avventura» et «La Notte». Antonioni y mène jusqu'à ses conséquences ultimes l'esthétique du vide mise en oeuvre dans «L'Avventura». Il y met en scène un monde déshumanisé où les choses se substituent peu à peu aux personnes et où les relations humaines, en particulier l'amour, deviennent de plus en plus difficiles, voire impossibles. La scène finale, terrifiante, est à cet égard un véritable morceau d'anthologie. Pendant 8 minutes, dans un silence oppressant, quasi-absolu, elle dépeint un monde d'objets, glacé, momifié, d'où la vie semble totalement exclue. Et le film qui s'était ouvert sur la curieuse mise en valeur, tant visuelle qu'auditive, d'un ventilateur se conclut par un gros plan sur un lampadaire. Comme pour suggérer que les humains ne sont plus que des pions dans un monde livré aux seules forces matérielles. Antonioni pousse ici à son comble son art prodigieux de la suggestion. Il n'a pas son pareil pour évoquer l'ennui, la langueur, l'oppression, le vide de l'âme, l'absence... Film déroutant et étonnement abstrait, «L'éclipse» est bien sûr aussi une splendeur sur le plan visuel, d'une beauté non plus lyrique, comme dans les volets précédents de la trilogie, mais strictement constructiviste. Comme «L'Avventura», c'est pour moi un chef-d'oeuvre absolu. Inoubliable!