L’attente était immense, pour les fans (et les profanes) et après avoir fait tourner la patate chaude entre plusieurs réalisateurs de talent (Gilliam, Aronofsky, Greengrass), les producteurs ont décidé de confier un des plus célèbres serpents de mer hollywoodiens à Zack Snyder, le réalisateur du fun mais néanmoins bourrin "300".Le pauvre Zack s’est retrouvé confronté à deux défis à priori insurmontables. D’abord, la mise en image d’un univers à la fois daté (les 80’s), rempli de références historiques et de costumes surréalistes (au vu de 300, on n’était pas trop inquiets). Ensuite, l’adaptation en un seul film d’un pavé de 400 pages, avec six personnages principaux, des époques différentes, des relations complexes entre les héros (et là au vu de 300, on avait le droit d’être inquiets) Alors le premier challenge, celui de la mise en cohérence et en image d’un univers daté est parfaitement gagné. En mêlant habilement des images d’archives et le meilleur de la musique américaine des années 70, Snyder nous entraîne dans un univers parfaitement cohérent, à la fois sombre et bizarrement très familier. Les images sont magnifiques, les costumes et les décors sont parfaits : la direction artistique a bien travaillé. Pour 100 millions de dollars « seulement », le résultat est impressionnant, surtout quand on sait que des bouses comme Hancock ont coûté beaucoup plus cher. Plus casse gueule, l’adaptation des 400 pages à travers plusieurs horizons temporelles est également plutôt réussie. En tant que fan inconditionnel, le réalisateur est resté très fidèle au matériau d’origine et ne se dégonfle pas devant la complexité en ne laissant au bord de la route aucun des six personnages principaux et en prenant le temps de les développer correctement un par un. Autre bonne surprise : les personnages ne sont pas adoucis et trimballent leurs lots de folies et de névroses à l’écran. Voir un film avec des super héros facho, aigris, impuissants, sociopathes et franchement misanthropes est une curiosité en soit. Bonne idée aussi d’être aller chercher des seconds couteaux, plus habitués à la télé ou au ciné indépendant qu’aux blockbusters : ils sont tous absolument remarquables, avec une mention pour Jackie Earle Haley, fabuleux dans le rôle de Rorschach. Même si le trame de fond de l’histoire est intéressante, ce sont surtout ces six héros qui emportent le morceau, et l’on finit par s’intéresser beaucoup plus aux personnages eux-mêmes qu’au récit dans lequel ils évoluent. Et c’est peut-être là la limite du film : malgré les enjeux dramatiques et l’accumulation de scènes particulièrement réussies, c’est l’atmosphère et la présence des acteurs qui concentre toute l’attention, jusqu’à écraser une histoire pourtant passionnante au départ, mais qui ne résiste pas aux allers-retours temporels et au temps laissé à chaque récit personnel. De plus, le film aurait surement gagné à couper une bonne demi-heure, pour gagner en rythme et ne pas trop diluer le récit, qui rencontre parfois des bons tous d’air. Pour finir, cela reste un très bon film de personnages et d’ambiance, à l’image de l’œuvre originale, et un traitement original et pertinent de la mythologie du super héros et de l’hsitoire récente américaine. C’est déjà une performance en soi.