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    Stéphane Meunier, des Yeux dans les Bleus à Un village presque parfait
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Avec "Un village presque parfait", Stéphane Meunier réalise son premier long métrage de fiction. L'occasion pour lui d'établir un parallèle avec son oeuvre la plus célèbre à ce jour : le documentaire "Les Yeux dans les Bleus".

    Avec Un village presque parfait, Stéphane Meunier signe son premier long métrage en tant que réalisateur. Sans être un inconnu pour autant : déjà passé par le monde des séries grâce à Foudre, il est celui à qui l'on doit le cultissime Les Yeux dans les Bleus (ainsi que ses deux suites, nettement moins connues). L'épopée victorieuse de l'Equipe de France de Football et cette relecture de La Grande séduction qui ont plus de points communs que prévu, comme nous l'explique le metteur en scène ci-dessus, avant de revenir sur différents aspects du projet ci-dessous.

    AlloCiné : "Un village presque parfait" est votre premier long métrage de fiction. Qu'est-ce qui vous a amené vers ce projet ?

    Stéphane Meunier : C'est la proposition du producteur Djamel Bensalah, qui était de faire une comédie à partir du thème de la désertification des campagnes, et l'adaptation du film canadien La Grande séduction. Djamel m'avait auparavant proposé de réaliser ce qui est devenu Les Seigneurs, qui a finalement été magnifiquement fait par Olivier Dahan, mais je n'étais pas en phase avec ce projet-là car je ne me sentais pas capable de déconner avec le foot. C'est trop sérieux pour moi pour que je puisse déconner avec, donc j'avais décliné la proposition.

    Je connaissais La Grande séduction, et Djamel m'a proposé de travailler sur l'adaptation. Et comme j'aimais beaucoup le film, qui m'avait emmené dans un voyage à la fois drôle et rugueux, et très ancré dans la réalité, au Canada, je me suis dit qu'il y avait la possibilité d'avoir ce même sentiment sur un coin de France. Et de se l'approprier. Il fallait donc que je le respecte pour pouvoir m'en détacher sans vouloir le détruire, trouver un équilibre pour l'adapter à un contexte franco-français pur.

    Ça explique tout le discours qu'il y a sur la crise ou cette désertification des campagnes dont vous parliez. Est-ce que cet équilibre a été difficile à trouver ?

    Non, c'est le travail d'un producteur comme Djamel : mon univers naturel serait un peu moins proche de la comédie et plus proche du réel, en raison de mon passé de reporter, mais j'étais tout à fait prêt à essayer de faire rire avec cette réalité. Et Djamel, qui est un grand producteur et réalisateur de comédie, a une grosse expérience donc l'échange a été fructueux, ce qui nous a permis de traiter un thème sérieux, d'en rire mais d'avoir aussi une certaine tendresse pour la réalité de ces gens-là.

    Chercher une forme de sincérité

    Est-ce ce rapport au réel qui vous a poussé à faire appel à des habitants du village dans lequel vous avez tourné comme figurants ?

    Je pensais, dans mon envie d'adapter, qu'il fallait jouer sur plusieurs vecteurs et chercher une forme de sincérité, même si c'est un peu naïf comme mot. Je me disais qu'il fallait une forme de sincérité qui allait jouer à plusieurs niveaux. Plein de détails sincères pour pouvoir s'affranchir de la réalité, la respecter et s'amuser avec. Et qu'on ressente à la fois le plaisir de la comédie et une forme de tendresse ou d'émotion pour une histoire possible, qui tourne autour de la désertification et de la difficulté économique. D'être un peu à la croisée des chemins.

    Ça pouvait sembler un peu présomptueux de le faire, mais je pensais que c'était possible, donc il était important de jouer sur plein de détails et de vecteurs, et notamment tourner dans une vraie région. On pouvait faire la même histoire avec des intérieurs en studio à La Plaine-Saint-Denis, des comédiens professionnels à tous les postes, une figuration professionnelle... Mais moi je voulais que ce soit dans un pays de rugby. C'était peut-être un détail, mais avoir les poteaux de rugby qui tombent là-bas, c'est un symbole qui rayonne sur tout le monde autour. Là les rugbymen tirent la gueule, alors que si on le fait dans un pays où il n'y a pas de rugby, tout le monde s'en fout.

    Là on devait le ressentir : les gens du village devaient le ressentir et le transmettre aux comédiens qui étaient eux-mêmes très réceptifs à ce qu'était la réalité du village. Je pensais donc que tout ceci pouvait créer des interactions capables de nourrir une espèce de sincérité qui serait bien pour le film et le sentiment qu'on aurait envers celui-ci.

    SND

    Qu'est-ce qui a motivé le choix du cricket comme "remplaçant" du rugby dans le film ?

    Le cricket était dans le film canadien, et on a étudié la possibilité de mettre un sport plus proche de la culture française. Le foot par exemple. Mais on trouvait ça moins drôle. Beaucoup moins - et c'est aussi ce qui m'a poussé à choisir ce lieu -  que des joueurs de rugby avec l'accent un peu rugueux, les oreilles en chou-fleur et le nez écrasé qui se retrouvent en pyjama blanc pour jouer à un sport qui est injouable. Parce que même après avoir étudié les règles, je ne le comprends toujours pas. Donc les mecs d'un village des Pyrénées n'allaient jamais comprendre non plus.

    On a donc choisi de conserver le cricket, pour cette opposition très drôle, mais de faire jouer les différences ailleurs. Sur des profils psychologiques, des trajectoires ou une réaction franco-française face aux événements, plutôt que celles qu'il y a dans le film canadien. Il ne fallait pas vouloir détruire le cricket, alors que c'est très drôle, pour se différencier. Ça n'avait aucun sens et il fallait jouer sur autre chose.

    Qu'est-ce que votre passé de documentariste ou sur des séries telles que "Foudre" vous a apporté sur ce film ?

    La télé vous apprend beaucoup de choses : tourner vite, être exigeant avec vous-même et magnifier le peu que vous avez. Donc quand vous avez plus, vous essayez d'aller encore plus loin. C'est une école comme une autre, et j'ai toujours mélangé les comédiens professionnels et amateurs, donc ça a nourri mon envie de sincérité. C'est-à-dire faire un casting chez les gens du village ou dans la vallée d'en-dessous, donner des petits rôles ou de la figuration à des gens autour et faire ce mélange, cette soupe, qui allait nourrir les comédiens comme Didier, Lionnel et Lorant et permettre qu'il y ait des interactions entre eux pour que ça bénéficie au film.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 5 février 2015

    "Un village presque parfait", ou l'opération séduction de Didier Bourdon :

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