On lui doit les plans révolutionnaires de la Nouvele Vague, il avait collaboré avec Godard, Truffaut, Garrel et Costa-Gavras... Le chef opérateur Raoul Coutard est décédé ce mardi 8 novembre 2016, à Bayonne (où il vivait depuis des années), des suites d'une longue maladie.
L'expérience indochinoise
Né à Paris le 24 septembre 1924, Raoul Coutard a suivi des cours en école de chimie, avant de travailler dans un laboratoire de photographie pendant la Seconde Guerre Mondiale. C'est en Indochine qu'il réalise ses premiers clichés, envoyé en tant que combattant entre 1945 et 1948, puis en tant que photographe militaire entre 1950 et 1954. Il rencontre sur place Pierre Schoendoerffer et est nommé chef du service photo de la revue Indochine Sud-Est asiatique: il y fera des correspondances pour les journaux Radar, Life et Paris-Match. Than Le Pêcheur (1957) du même Schoendoerffer, est son premier film en tant que chef opérateur. Les deux hommes poursuivront par la suite leur collaboration avec La Passe du diable (1958), Ramuntcho (1959), Pêcheur d'Islande (1959) et La 317e section (1965) quelques années plus tard.
Nouvelle Vague
Sur demande du producteur Georges de Beauregard, Raoul Coutard va ensuite travailler avec Jean-Luc Godard pour la réalisation d’A bout de souffle en 1960. Le tournage du film ressemble davantage à celui d’un reportage : la caméra est tenue à la main et non sur pied ou sur rails et tout est filmé en lumières naturelles. Godard n’aura cesse de faire appel au chef opérateur pour diriger la lumière sur ses films suivants, du Petit Soldat (1961) à Week-end (1968). A cette époque, si beaucoup de cinéastes préfèrent tourner en noir et blanc pour plus de facilité, Godard opte pour la pellicule couleur. Raoul Coutard rencontre dès lors de multiples problèmes techniques, auxquels il doit remédier.
Un pionnier
Il fut un pionnier en ce sens, créant pour chaque film une identité visuelle à part : des tons chatoyants pour Le Mépris (1963), des couleurs picturales pour Pierrot le Fou (1965) ou encore un formalisme chromatique façon « Pop Art » pour La Chinoise (1968). Alphaville, réalisé en noir et blanc et en hommage au film noir, est resté célèbre pour l’inventivité dont Coutard a fait preuve : l’ambiance du film est baignée de rails de lumière blafarde et d’un gris très prononcé. Sur ce film, le chef opérateur exploite un grand nombre de sources lumineuses. Enseignes, réverbères, phares de voitures, ampoules, flammes de briquet y font l’objet d’un soin tout particulier. Entre-temps, Coutard collabore avec François Truffaut pour des films tels que Tirez sur le pianiste (1960), Jules et Jim (1961), La Peau douce (1964) et La Mariée était en noir (1968). Il dirige aussi la photographie sur Lola (1961) de Jacques Demy, Vacances portugaises (1962) de Pierre Kast ou encore Un Monsieur de compagnie (1964) de Philippe de Broca… Enfin, Costa-Gavras fait appel à ses services pour deux de ses plus grands films, Z (1969) et L'Aveu (1970).
Inventeur de la lumière
Après s’être éloigné de Godard au lendemain des événements de Mai 68, Coutard retravaille avec le cinéaste franco-suisse sur Passion (1982) et Prénom Carmen (1983). Il fait aussi la lumière pour plusieurs films de Philippe Garrel dans les années 90 : La Naissance de l'amour (1993), Le Coeur fantôme (1996) et Sauvage innocence (2001). Pour le chef opérateur, c’est un retour au noir et blanc et aux jeux de clair-obscur. Raoul Coutard est aujourd’hui considéré comme le chef opérateur le plus important de toute la Nouvelle Vague. Les procédés qu'il a mis en œuvre sur A bout de souffle (l’utilisation de la lumière réelle, l’absence d’éclairages artificiels, la mobilité permanente de la caméra, un noir et blanc très contrasté et une élimination quasi-systématique des gris) ont inspiré un nombre considérable de cinéastes et de photographes. On dit de lui qu’il est l’inventeur de la lumière moderne, celle qui s’affranchit des lourds éclairages de studio et des habituels filtres standards, celle qui utilise les sources d’incandescence naturelle et la saturation lumineuse comme partis-pris esthétiques.
Un réalisateur
Coutard a aussi réalisé trois films : Hoa-Binh (1970) sur deux jeunes enfants durant la guerre du Vietnam, La Légion saute sur Kolwezi (1980), autour d’une unité de parachutistes en opération militaire au Zaïre, et S.A.S. à San Salvador (1982), l’histoire d’un agent secret en mission secrète au San Salvador.