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    SAJE Distribution : rencontre avec ce distributeur centré sur la foi

    Alors que "Forgiven", réalisé par Roland Joffé et distribué par SAJE Distribution, sort en salles cette semaine, focus sur ce distributeur français spécialisé dans la diffusion de films basés sur la foi.

    Saje Distribution

    AlloCiné : Comment définiriez-vous la mission de SAJE Distribution ? 

    Hubert de Kerangat, responsable communication : Notre mission est avant tout d’importer en France ce genre spécifique répandu à l’étranger (notamment aux USA) que forment les films d’inspiration chrétienne. Il y a un vrai public pour ce type de films en France et nous sommes en quelque sorte les porte-parole de celui-ci auprès des professionnels du cinéma en France. C’est également pour cela qu’une partie de notre activité est de conseiller d’autres distributeurs lorsqu’ils ont des films de cette catégorie dans leur line-up. Nous avons déjà travaillé avec des distributeurs comme Sony (La Résurrection du Christ, L’Etoile de Noël, Paul, Apôtre du Christ), Metropolitan Filmexport (Tu ne tueras point, Silence), SND (La Confession) et dernièrement Universal (Le Pape François, de Wim Wenders).

    SAJE se spécialise dans la distribution de films d'inspiration chrétienne ou "faith-based movies". Y a-t-il des critères qui permettent à un film d'entrer dans cette catégorie ? Quels seraient selon vous, toutes époques confondues et tous types de films confondus, les plus grands films du genre ?

    Il n’y a pas vraiment de critères prédéfinis si ce n’est que nous distribuons des films qui parlent plus ou moins explicitement et positivement de la foi chrétienne. C’est notre unique leitmotiv. Si l’on veut parler du cinéma "faith-based" dans son histoire, dès l’apparition du cinéma, les premières fictions étaient pour beaucoup des adaptations de textes bibliques. Puis vient le cinéma grand spectacle, les péplums (nous pouvons citer les films de Cecil B. DeMille par exemple) ainsi que les vies de Jésus réalisées par les grands réalisateurs du cinéma italien. Puis, à partir des années 70, il y a eu comme un trou noir dans le cinéma d’inspiration chrétienne. Il faudra attendre 2004 et La Passion du Christ de Mel Gibson (600 M$ au box-office mondial) pour que ce cinéma retrouve une légitimité, ou bien encore en France le film Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois. Le christianisme a donc une histoire très liée avec celle du cinéma. J’en veux même pour preuve que les salles de cinéma des petites villes de province françaises appartenaient pour beaucoup aux diocèses et étaient gérées par les curés de paroisse dans le cadre de patronages. Notre souhait est de recréer petit à petit ce lien entre les églises et les salles de cinéma en France.

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    Lorsqu'on observe votre line-up, on peut observer une vraie diversité de formes. Il y a des biopics et des péplums bibliques, bien sûr, mais aussi des comédies et de vrais OFNI comme "Le Coeur de l'homme". Est-ce important pour vous de varier les plaisirs et les sensibilités ?

    En effet, nous ne sommes fermés à aucune typologie de films : du biopic (Jésus, l’enquête, Le Pape François) à la comédie (Tout mais pas ça !, Bienvenue en Sicile) en passant par le film historique (Forgiven, Cristeros), le film d’auteur (Lettres au Père Jacob), le docu-fiction (Le Cœur de l’Homme) et l’animation (Le Grand Miracle), notre filmographie explore tous les genres que l’on retrouve au cinéma. Il en faut pour tous les goûts !

    Aux Etats-Unis, les films proposés par SAJE Distribution sont beaucoup plus connus et populaires qu'en France. Comment expliquez-vous cet écart ? Comment définiriez-vous votre défi pour la France ?

    Il est vrai qu’aux Etats-Unis, ce type de film est bien plus mainstream. I Can Only Imagine des frères Erwin (que nous sortirons en salles le 22 mai prochain) fait par exemple partie des gros succès US de l’année 2018 avec 86 M$ de box-office. Ces films intéressent également beaucoup les studios (Sony, Lionsgate, Universal pour n’en citer que trois). C’est certainement une question sociologique car aux Etats-Unis, il est moins difficile de parler explicitement de ces sujets. En France, on a sans doute une vision plus stricte de la laïcité qui ne facilite pas toujours les choses. C’est dommage parce que la foi en Dieu, quelle que soit notre appartenance religieuse, reste une question existentielle qui habite le cœur de chaque être humain, même en France. Cela fait partie de la vie, et donc nous ne voyons pas pourquoi ce serait un sujet tabou au cinéma.

    Saje Distribution

    Avez-vous pu observer une évolution au sein du public français depuis le lancement de SAJE en 2012 ? 

    Nous avons tout d’abord fait un très gros travail auprès de la niche chrétienne, pour réhabituer ce public, peu cinéphile, à aller au cinéma. Cela représente un gros défi. Nous avons dû investir beaucoup de temps pour faire connaître notre marque. Nous sommes aujourd’hui plutôt bien identifiés par le public chrétien et nous avons de plus en plus de paroisses ou d’écoles qui nous suivent et organisent régulièrement, à chacune de nos sorties, des projections à la demande. Nous avons également, en dehors de la salle de cinéma, une grosse partie de notre activité sur la vidéo : le DVD marche encore très bien auprès de notre public, et c’est une chance pour nous car nous avons en revanche beaucoup de difficulté à faire exister nos films sur la fenêtre de la télévision. Les chaînes sont encore réticentes, essentiellement en raison d’une laïcité mal comprise, mais nous sommes convaincus que nos films sont une chance pour notre époque, qu’ils répondent à une soif de spiritualité manifeste et que cela évoluera avec le temps.

    Songez-vous à développer une plateforme SVOD dédiée, une sorte de "Netflix du faith-based movie" ?

    Nous travaillons à cela depuis quelques mois. Nous venons de lancer la  plateforme lefilmchretien.fr qui propose des films en VOD transactionnelle et qui regroupe, comme son nom l’indique, ce type de films (distribués par nos soins ou bien appartement à d'autres ayant-droits). Nous étudions la question de proposer une offre SVOD (par abonnement) à l’avenir.

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    Cette semaine, vous proposez "Forgiven" de Roland Joffé, avec Forest Whitaker et Eric Bana. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? En quoi est-ce un film spécial ? "Mission", autre grand film du même réalisateur sorti en 1986, aurait-il pu faire partie du répertoire des films SAJE ?

    Roland Joffé est un réalisateur reconnu et admiré par notre public. Avec MissionLa Cité de la joie ou bien encore La Déchirure, il fait partie de ces cinéastes qui ont un message fort à transmettre, peut-être d’autant plus fort d’ailleurs, que Roland se déclare lui-même agnostique. Il était évident pour nous que Forgiven, production indépendante, devait être distribué par nos soins. C’est un film qui situe son action à la fin de l’Apartheid. Forest Whitaker y incarne le prix Nobel de la paix Mgr Desmond Tutu. Au-delà du fait que le film s’intéresse à la figure d’un ecclésiastique anglican, c’est un très beau thriller avec un magnifique message de pardon et de rédemption. Lors de sa venue à Paris en décembre pour promouvoir la sortie du film, Roland Joffé expliquait que le pardon est une étape de guérison essentielle pour la réconciliation d’un pays. Et ce message, nous le voyons peu au cinéma. Il y a un vrai parti pris d’auteur dans ce film. C’est également un film porté par les deux immenses acteurs que sont Forest Whitaker et Eric Bana. Quand vous parlez de Mission, c’est évidemment un film qui aurait eu sa place dans notre catalogue si en 1986 nous étions déjà là.

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    Où se situe la frontière entre prosélytisme et distribution ? Comprenez-vous que votre positionnement puisse être perçu comme du prosélytisme ?

    Tout dépend de ce qu’on met derrière le mot prosélytisme. Les films que nous  retenons ne sont pas plus, pas moins "prosélytes" que n’importe quel autre film engagé au service d’une cause quelle qu’elle soit. Est-ce que En guerre avec Vincent Lindon est un film prosélyte ? Est-ce que Libre de Michel Toesca ou Merci Patron ! de François Ruffin sont des documentaires prosélytes ? Quid de Girl de Lukas Dhont ou de Boy Erased de Joel Edgerton ? Qu’est-ce qui fait qu’un film est  prosélyte ou non ? Si c’est l’intention qu’a le réalisateur de transmettre un message, pour ou contre une pensée qu’il revendique, alors la plupart des films que nous voyons sont "prosélytes". Après, chaque spectateur est totalement libre d'adhérer ou non à ces messages et surtout de voir ou de ne pas voir ces films.

    Quels sont vos projets suivants ? Envisagez-vous de lancer des productions françaises ?

    Nous avons déjà un programme jusqu’à la fin de l’année 2019, la production de films d’inspiration chrétienne étant très prolixe outre-Atlantique (nous sommes obligés d’en refuser un très grand nombre). Nous souhaiterions également profiter de l’année 2019 pour effectivement avancer sur des projets de production en développement. Notre vision à long terme est de produire nos propres scénarios tout en continuant bien entendu cette activité de distribution. Il est encore trop tôt pour en parler plus précisément mais c’est la direction que l’on prend. Il était en revanche important pour nous de consolider prioritairement notre structure et sa viabilité dans un secteur du cinéma difficile et très concurrentiel.

    (Re)découvrez la bande-annonce de "Forgiven", en salles cette semaine...

     

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