Voguant sur la vague du ben-Hur de William Wyler et de ses onze oscars, sorti un an plus tôt, l'acteur-producteur Kirk Douglas s'attaque avec ambition à l'histoire de Spartacus, esclave thrace qui se souleva contre Rome et sa tyrannie. Ecrit par Dalton Trumbo et réalisé par Anthony Mann puis Stanley Kubrick, le film réunit une pléthore de professionnels compétents pour ce qui a peut-être été un chef-d'oeuvre, mais en tout cas, ne m'a certainement pas fait chavirer comme le font les films qu'ont auréole de ce terme. Tout d'abord, précisons que les quelques anachronismes et imprécisions historiques ne me gênent pas outre mesure - sachez toutefois qu'elles existent - puisque Spartacus se veut avant tout un film d'aventures. Pour tenir ce rang, il y met d'ailleurs les moyens, puisque à l'époque, seule la production de Ben-Hur (tiens, comme on se retrouve) avait coûté plus cher. Cela se sent dans une reconstitution soignée, toujours très acceptable aujourd'hui. C'est l'un des rares points où le film est irréprochable. Pour le reste, le temps a fait des ravages. Le film semble en effet céder à la tendance de l'époque à l’exagération dans les films à grand spectacle, que l'on ne pouvait rendre tragico-épique à l'aide des moyens techniques d'aujourd'hui, en terme de montage sonore et visuel notamment. Résultat, on est sans cesse dans le too much ; le jeu est souvent forcé (ce commentaire étant à prendre avec les habituelles pincettes dues à un visionnage en VF), et la bande-son grandiloquente et omniprésente, sa correspondance avec l'image étant de plus très rarement perceptible. Résultat, on se traîne sans arrêt des dissonances grinçantes et agaçantes, que ne peut sauver la réalisation distante et limite indifférente de Kubrick. Un film de commande pour un auteur tel que lui ; l'alchimie n'était pas garantie, et elle n'a pas lieu, Kubrick peinant à magnifier l'histoire ou à y imprimer sa patte. Le traitement faillit à rendre grâce au sujet, très intéressant. C'est vraiment regrettable, car en plus d'être dense et bien documenté, Spartacus possède un scénario de très bonne facture, aussi équilibré que celui d'un Gladiator. Si j'ai noté plus haut le surjeu par séquences de certains acteurs, cela ne doit pas pour autant faire oublier leur talent. Celui-ci s'exprime sans problème quand on ne les exhorte pas à rechercher l'emphase au détriment de la justesse, ce qui advient aux moments où seul le jeu semble pouvoir faire passer une dimension supplémentaire dans le drame, là où aujourd'hui une BO calibrée et un montage plus précis feraient une bonne partie du boulot. Je ne suis sans doute pas un public facile, surtout dans le genre et après avoir vu Gladiator flirter avec la perfection. Mais il me paraît incontestable que ce péplum culte rend au film de Ridley Scott à tous les niveaux, autant en finesse qu'en puissance, ainsi, bien sûr, qu'en épate dans les séquences de combat (ici tout de même de bonne facture, voire très réussies, au regard de l'époque). Bref, on a bel et bien là la confirmation que certains genres vieillissent bien mieux que d'autres. Et que parmi ces "autres", le péplum trouve une place de choix.