Un superbe face-à-face. Insomnia, réalisé par Christopher Nolan, est souvent décrié comme étant l’œuvre la plus faible de sa filmographie. Personnellement, je le trouve presque au même niveau qu'un Prestige ou qu'un Memento. J'adore ce film, et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, son scénario : un flic endurci se retrouve convoqué en Alaska pour enquêter sur le meurtre d'une jeune fille ; après avoir repéré le tueur, celui-ci s'enfuit et, dans la confusion du brouillard, le flic abat son équipier. Il accuse ensuite le tueur et s'enfonce dans une spirale de mensonges et une insomnie sans limite (aidée par le fait que le soleil ne se couche pas en cette saison en Alaska), puis va jouer une sorte de jeu d'intérêt mutuel avec le tueur, car chacun des deux hommes a besoin de l'autre pour ne pas être puni pour son meurtre respectif. L'un des reproches fait le plus souvent à ce scénario est son manque d'originalité et sa prévisibilité ; je trouve que cette histoire est juste classique, racontée volontairement de façon linéaire (pour montrer le poids des jours d'insomnie qui s'écoulent) et qu'elle n'est pas si banale que ça. La thématique principale du film est la vérité :
Will Dormer cherche à faire éclater la vérité en coinçant le tueur de Kay ; cependant on apprend qu'auparavant il a falsifié les preuves d'une de ces affaires pour coincer un coupable, ce qui fait qu'il a menti. Par ailleurs, en tuant son coéquipier, il accuse le tueur de Kay et ment pour se protéger, ce qui va provoquer chez lui une culpabilité très forte. Le personnage d'Ellie, policier intègre, est celui de tout le film qui représente le mieux cette vérité et est vraiment "toute blanche" du début à la fin. La culpabilité due au mensonge est accentuée par l'insomnie : tant qu'il n'a pas la conscience tranquille, Will n'arrive pas à dormir. De plus, tout le jeu de la lumière du film découle de ce principe : la lumière représente la vérité, la justice et est présente dans tout le film du début à la fin, pour éblouir Will et même l'aveugler (là où la lumière est en temps normal un symbole d'espoir). Cette notion de culpabilité est représentée par le parallèle avec le meurtrier de la jeune fille, Walter Finch : comme lui, il n'a pas tué délibérément mais dans un excès de colère, puis de panique. Le policier est alors au même niveau que le meurtrier du fait de ses mensonges. De plus, à la fin du film, lorsque Will et Walter s'abattent mutuellement, dans ces derniers instants le policier dit à Ellie de conserver la balle, preuve qu'il est responsable de la mort de son équipier, et ainsi de ne pas faire les mêmes erreurs que lui (tomber dans le mensonge). C'est seulement à ce moment-là qu'il parvient à s'endormir (pour de bon).
Le film est vraiment intéressant de ce côté-là car il analyse les notions de culpabilité et de mensonge. Au niveau de la réalisation, là encore Christopher Nolan fait du très bon travail : les paysages sont magnifiques, le travail sur la lumière est juste bluffant, l'utilisation de montages pour montrer l'insomnie de Will est très efficace, et la BO de David Julyan est complètement dans l'esprit du film, noir et inquiétante. Les acteurs sont tous excellents : en tête Al Pacino dans le rôle du flic, qui le joue à merveille (un peu dans la continuité de son rôle dans Heat tant le policier est endurci par sa carrière), Robin Williams est époustouflant dans le rôle du meurtrier involontaire, montrant à la perfection son côté désespéré, et Hilary Swank joue à merveille le jeune policier droit et admirateur de l'ancien, intègre tout au long du métrage. Pour les fans de thrillers noirs, psychologiques, maîtrisés et plutôt complexes malgré une structure classique.