Je l’avais vu à sa sortie au cinéma et avais préféré « Valmont » de Milos Forman. Plus de trente ans après, je décide de le revoir. Et bien m’en a pris, « Les liaisons dangereuses » font partie de ces films qui, en deuxième lecture, finissent par me toucher. Comment ai-je pu rester aussi longtemps rancunier ?! L’adaptation littéraire de Christopher Hampton est une réussite. Tous les grands textes ne vieillissent pas. Et Christopher Hampton a su habilement et avec talent préserver l’âme de Choderlos de Laclos. Je dois reconnaître (après trente ans !!) que la vision de Stephen Frears par le truchement de ses acteurs donne à cette adaptation une dimension plus intense. La musique de George Fenton y contribue aussi grandement, certaines scènes ont les accents d’un thriller. Oui, « Les liaisons dangereuses » est un thriller littéraire !
Si la prestation de Keenu Reeves passe pour être un peu fade, le jeu de Glenn Close, de John Malkovich et de Michele Pfeiffer en tête sont remarquables d’incarnation. Les sourires, les ébauches de sourires conjugués aux regards et aux silences traduisent à merveille l’ambiguïté, le machiavélisme, la manipulation, les doutes et tourments. Uma Thurman s’en sort bien en ingénue.
La scène où Valmont la surprend dans son lit et joue avec elle pour finir par la violer est malaisante ; et la séquence qui suit est tout aussi déplaisante : le lendemain au petit-déjeuner, elle se recroqueville terrorisée sous le regard de Valmont.
John Malkovich a su restituer admirablement le regard du prédateur.
C’est pourquoi, je salue la direction d’acteurs de Stephen Frears, et indirectement Christopher Hampton, leur version me paraît plus effrayante que le « Valmont » de Milos Forman.
Si on réfléchit bien, dans cette scène, Valmont ne séduit pas Cécile de Volanges, il la viole. Il viole une enfant.
Sans provocation aucune, si on analyse bien l’oeuvre, au-delà du contexte, le XVIIIème siècle, « Les liaisons dangereuses » est une oeuvre féministe. Eh oui, Choderlos de Laclos fut une perle en son temps puisqu’il a été un de ceux qui invitèrent les femmes à faire leur révolution pour se libérer de l’esclavage des hommes !
Et par la « voix » de Mme de Merteuil, il est indéniable que l’auteur a écrit des propos avant-gardistes.
A voir en V.O si possible.