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    5 pépites sous-estimées ou trop méconnues des années 1990
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Mal vendues, sorties dans une indifférence générale ou sorties confidentielles, concurrence féroce au Box Office... Certaines oeuvres des années 1990 ont été injustement sous-estimées ou trop méconnues. On répare le préjudice avec 5 films !

    Touchstone Pictures

    Dans l'avalanche de films américains sortis durant la décennie des années 90, certains sont malheureusement restés dans l'ombre. Pour diverses raisons d'ailleurs : sorties confidentielles et / ou films jugés pas assez grand public; films mal vendus par les équipes marketing des studios; calendrier de sortie malheureux parce qu'en concurrence frontale avec un rouleau compresseur du Box Office; ou, plus simplement encore, des oeuvres jugées un peu trop hâtivement comme mineures, sous-estimées à l'époque de leur sorties, que le temps s'est parfois -et heureusement- chargé de réévaluer. Mais pas toujours.

    Voici donc une petite sélection de films injustement passés sous le radar à l'époque, qui méritent à minima un visionnage ou une sérieuse réévaluation. Des oeuvres qui brassent des genres très différents finalement.

    Génération sacrifiée (1995)

    Des frères Albert et Allen Hughes, on se souvient évidemment de leur tout premier film choc, l'explosif et très énervé Menace II Society en 1993, qui relatait la vie d'une bande dans le quartier afro-américain de Watts, à Los Angeles. On garde aussi en tête le solide mais très perfectible From Hell, adaptation du monumental roman graphique réputé inadaptable d'Alan Moore et Eddie Campbell sur Jack l'éventreur. Et, à la rigueur, pour faire bonne mesure, on pourra rajouter sur la pile le plus récent Livre d'Eli et son univers post-apo.

    Un peu coincé dans une filmographie finalement peu étendue, Génération sacrifiée est sorti en 1995. Et c'est peu dire que le film a fait un véritable bide au Box Office mondial, en récoltant à peine plus de 24 millions de dollars.

    Une cruelle injustice. Pépite totalement méconnue ou presque chez nous, Génération sacrifiée (Dead Presidents en V.O, titre qui fait allusion aux portraits des présidents des Etats-Unis imprimés sur les billets de banque), évoque la douloureuse et tragique histoire d'un groupe d'amis afro-américains désoeuvrés revenus de la guerre du Viêtnam, contraints de participer à un Hold-Up pour se tirer de la misère, dans une Amérique en plein doute d'elle-même et son mythe de l'American Way of Life complètement en panne.

    Puissamment mise en scène, très violente, cette fresque est portée par une très belle brochette de comédiens, à commencer par un Chris Tucker comme vous ne l'avez jamais vu, à des années lumières de ses tics et visage élastique d'un Cinquième élément ou Rush Hour.

    Lettre d'amour à Martin Scorsese et Brian de Palma, un peu comme si Les Affranchis avaient rencontré Les Incorruptibles, Génération sacrifiée est en outre baigné par une formidable BO signée Danny Elfman, gorgée de R&B, et superbement mis en images par la chef op' Lisa Rinzler, qui était déjà à l'oeuvre sur Menace II Society. Un très grand film.

    Vorace (1999)

    Voilà bien un authentique chef-d'oeuvre, qui gagnerait encore à être davantage connu, devenu culte au fil des ans. Réalisé par la regrettée Antonia BirdVorace est sorti dans l'indifférence générale au début de l'été 1999 en France, séduisant à peine 25.000 spectateurs. Aux Etats-Unis, il fit un four : à peine plus de 2 millions de $ de recettes sur le territoire américain, pour un budget de 12 millions. En France, il n'était d'ailleurs même pas question que la Twentieth Century Fox sorte le film en DVD à l'époque, jusqu'à ce qu'une pétition de fans se charge de réclamer une sortie. C'est dire à quel point le sort s'est acharné sur le film.

    Parmi les raisons expliquant l'échec cuisant du film en salle : l'incapacité du service marketing du studio à vendre correctement le film en le faisant rentrer au forceps dans une case. Est-ce un western ? En un sens oui, mais pas que. Un authentique film d'horreur ? Clairement oui, mais ca serait trop réducteur. Un film politique ? Absolument. Tout cela à la fois ? Assurément. Vorace, une oeuvre inclassable qui brasse plusieurs genres, sans appartenir à l'un en particulier.

    Ayant pour toile de fond la guerre entre le Mexique et les Etats-Unis, Vorace évoque aussi un célèbre fait divers de la Conquête de l'Ouest. Il s'agit de la tragédie du Passage de Donner. Durant l'hiver 1847-1848, un groupe d'immigrants en route vers la Californie se retrouva bloqué par la neige, dans une région isolée, d'accès difficile. Après avoir épuisé leurs vivres, puis mangé leurs attelages et montures, les immigrants dévorèrent les cadavres de leurs morts...

    Gorgé d'humour noir particulièrement féroce, de moments de pure terreur, de plans pour certains ahurissants (la chute dans le précipice de Guy Pearce, dont on se demande encore comment elle a pu être filmée), porté par une musique à la fois décalée et obsédante signée par le tandem Michael Nyman et Damon Albarn, Vorace bénéficie en plus d'un formidable casting : Robert Carlyle, absolument génial dans le film, Guy Pearce, Jeffrey JonesDavid Arquette ou encore Neal McDonough.

    On garde le meilleur pour la fin : le cannibalisme évoqué (et montré) dans le film est pas loin de relever de la pure contestation politique. Car l'Amérique s'est aussi bâtie en dévorant ses propres enfants. Sur ce, comme dirait le colonel Ives : Bon appétit !

    Suture (1993)

    Irrigué des influences des formidables Un crime dans la tête et du méconnu Seconds - l'opération diabolique (1966) de John Frankenheimer, avec une large rasade du Visage d'un autre, très beau film noir et blanc et étrange du japonais Hiroshi Teshigahara sorti cette même année, Suture est un film assez inclassable, fou et unique, totalement passé sous le radar au Box Office à sa sortie en 1993.

    Le synopsis ? Diabolique. Homme puissant, antipathique, sûr de lui et blanc, Vincent (Michael Harris) rencontre son demi-frère Clay, afro-américain (Dennis Haysbert) ayant un train de vie nettement plus modeste, à l'enterrement de leur père, mort assassiné. Malgré leurs apparences différentes, Vincent est frappé par les similitudes qu'il partage avec son demi-frère.

    Suspecté de meurtre, Vincent décide d'assassiner celui-ci, et d'échanger son identité avec la sienne. Mais Clay survit miraculeusement à la tentative d'assassinat. Souffrant d'amnésie et pensant désormais être Vincent, Clay doit prouver qu'il n'est pas le tueur... Avant qu'il ne soit condamné à la prison à vie pour un crime qu'il pense ne pas avoir commis !

    Si vous n'avez à peu près rien compris au synopsis de Suture, c'est normal  ! Dans le genre récit torturé à souhait, Suture frappe fort. C'est d'ailleurs en voyant un premier grossier montage du film que Steven Soderbergh, très enthousiaste, proposa au duo de réalisateurs David Siegel et Scott McGehee d'être producteur exécutif du film.

    Présenté en 1994 au réputé Festival du film de Sundance d'où il repartira auréolé du prix de la meilleure photo, et celui de de Sitges, duquel les réalisateurs obtiendront le Prix du meilleur premier film, Suture est une vraie pépite, rare qui plus est.

    Dark City (1998)

    En 1994, le cinéaste Alex Proyas frappa fort avec The Crow, formidable adaptation du comic-book créé par l'Américain James O'Barr. Un film maudit aussi, puisqu'il sera endeuillé par le décès accidentel de son interprète principal, Brandon Lee, avec une arme à feu qui devait être chargée à blanc. Si les producteurs tenteront à plusieurs reprises de rincer la franchise avec des suites et même une série TV portée par Mark Dacascos dans le rôle-titre, on se souvient surtout de l'oeuvre d'Alex Proyas.

    Fort du succès du film et ses 94 millions $ de recettes au Box Office mondial, Proyas a les coudées franches pour mettre en boîte son prochain film, Dark City. Un projet qu'il avait pourtant en tête bien avant, et qui lui était cher.

    Soit le récit des (més)aventures de John Murdoch (Rufus Sewell), qui se réveille dans une chambre d’hôtel et découvre à ses côtés le cadavre d’une femme. Il ne se souvient ni de la nuit passée avec elle, ni de celles qui l’ont précédée : il a perdu la mémoire. Traqué par la police qui le soupçonne d’être un tueur en série et poursuivi par les Etrangers, des êtres mystérieux aux pouvoirs terrifiants, il cherche à retrouver son identité. Mais dans une ville où la réalité n’est qu’une illusion, la vérité est au-delà de toute imagination…

    Dans une cruelle rencontre avec le calendrier des sorties, Dark City a eu le malheur de sortir à peine un mois après le rouleau compresseur Titanic de James Cameron, qui cannibalisait largement le Box Office et dévastait tout sur son passage. La gifle au Box Office sera cinglante, et aura même la vigueur d'un uppercut : Dark City ne ramassera que des miettes, avec 27 millions $ au compteur.

    Une vraie injustice, tant le film de SF possède d'évidentes qualités. Visuellement époustouflant, baignant dans un fantastique univers néo-noir reprenant les codes du polar, Dark City brasse de nombreuses références et pas seulement visuelles, comme celle du Métropolis de Fritz Lang, la plus évidente; en passant par celle de Brazil de Terry GilliamBlade Runner et son futur sombre et désenchanté. Ou même  Akira de Katsuhiro Otomo, pour ses affrontements dantesques. C'est peu dire que la sublime photographie signée Dariusz Wolski rend justice au film, faisant de la ville en question un fascinant personnage à part entière.

    Préfigurant Matrix en s'interrogeant sur le libre-arbitre de l'humanité, porté par un scénario original et un casting plutôt solide (avec quand même un Rufus Sewell en retrait car pas toujours très expressif) au milieu duquel on retrouve un Kiefer Sutherland pas encore abonné au rôle de Jack Bauer, Dark City ne souffre pas de plusieurs visionnages. Au contraire même, il s'enrichit et se bonifie toujours un peu plus.

    On vous recommande d'ailleurs chaudement la version Director's Cut du film, plus longue de 15 min que le montage original, qui propose un montage subtilement différent, la disparition de l'intro en voix off, et l'apparition de nouveaux personnages secondaires. 

    Freeway (1997)

    Avec une mère qui se prostitue pour payer son crack et un beau-père qui se livre à des attouchements sur elle, Vanessa Lutz est loin d’avoir une vie de princesse. Après l’arrestation de ses parents et pour ne pas retourner dans une famille d’accueil, elle décide, tel le Petit Chaperon Rouge, de partir rejoindre sa grand-mère qui vit dans une caravane à quelques centaines de kilomètres. En chemin, elle rencontre Bob Wolverton, psychologue pour enfants le jour… Mais surtout Grand Méchant Loup la nuit, tueur en série,  nécrophile et pédophile. C'est dire le pedigree...

    Signé par un Matthew Bright qui est largement retombé depuis dans un anonymat à peu près complet, Freeway, colossal bide au Box Office, mérite une sérieuse réévaluation. D'abord parce que Reese Witherspoon s'y révèle excellente et explose sous les traits de Vanessa Lutz, qui se montre sans peur, ingénieuse et maitresse absolue de son destin, fut-il salement cabossé.

    Et puis évidemment pour Kiefer Sutherland, qui livre ici une excellente composition sous les traits d'un loup psychopathe déguisé en agneau pour mieux attirer ses proies. Si le Grand méchant loup a de grandes dents comme le veut la tradition du conte, Vanessa Lutz va se charger de lui limer les crocs... Une lecture trash, déviante et  jouissive du fameux conte, à découvrir toute affaire cessante. Et voir Kiefer Sutherland  jouer les grands méchants est un plaisir qui ne se refuse pas ! 

     

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