Le Complexe du Castor : les secrets du tournage

Jodie Foster a eu un coup de coeur pour le scénario à sa lecture mais Le Complexe du castor était déjà entre les mains d'un réalisateur. L'actrice / réalisatrice a toutefois contacté le producteur Steve Golin : "Je sentais que cela pouvait donner lieu à un film magnifique. Du coup, j’ai dit à Steve : “Si, pour une raison ou pour une autre, tu n’as plus de réalisateur, rappelle-moi.” Et c’est exactement ce qui s’est passé."

Steve Golin revient sur la véritable nature du film : "Au fond, malgré les étranges rebondissements et coups de théâtre de l’intrigue, Le Complexe du castor est avant tout un drame familial – l’histoire d’un père et de son fils qui raconte, sans détour, comment une famille brisée trouve le moyen de s’en sortir. Cela ne se passe pas comme dans la plupart des films, mais de manière très originale."

Steve Golin décrit Jodie Foster en tant que réalisatrice : "Les réalisateurs auxquels j’ai fait appel pour les autres films que j’ai produits venaient du vidéo clip ou de la pub, et avaient un univers visuel très fort. Pour moi, c’était fascinant de travailler avec quelqu’un qui s’intéressait en priorité à la psychologie des personnages, et qui avait une approche émotionnelle du sujet en se plaçant du point de vue de l’acteur. Après avoir discuté avec Jodie, j’ai compris que c’était son regard qu’il fallait pour ce type d’histoire et qu’elle était la personne idéale pour réaliser le film."

Jodie Foster endosse deux casquettes sur le film puisqu'elle le dirige tout en incarnant la femme de Mel Gibson. Steve Golin déclare à son sujet : "Jodie a énormément enrichi le personnage de Meredith. Dans le scénario, Meredith n’est définie que comme ‘l’épouse’, mais Jodie lui a donné beaucoup plus d’épaisseur. Elle est tellement douée que ça semble simple. Je sais bien que ce n’est pas le cas, mais c’est l’impression qu’elle donne."

Malgré son synopsis en apparence fantaisiste, Le Complexe du castor raconte une histoire universelle. Le castor représente dans le film l'alter-ego de Mel Gibson. Le producteur Steve Golin explique : "Il arrive parfois, quand on est sous la douche, qu’on soit préoccupé et qu’on se parle à soi-même pour s’encourager, en se disant : “Tu sais bien qu’il faut surmonter ce problème et que tu dois faire un effort supplémentaire.” (...) Ce que raconte le film n’est qu’une exacerbation de ce phénomène : la marionnette du castor n’est au fond que la manifestation concrète de cet instinct tout simplement humain." Jodie Foster ajoute : "Je connais pas mal d’exemples de gens qui s’inventent une personnalité différente et se dédoublent, en quelque sorte, pour faire face à une situation qui les dépasse. On voit ça tous les jours : il y a des choses qu’on ne peut tout bonnement pas assumer et on trouve donc un dérivatif."

Kyle Killen a écrit le scénario sans savoir exactement d'où venait l'idée de cet alter-ego. C'est en parlant avec sa mère qu'il a trouvé la réponse : "Elle m’a dit : “Je crois que ça remonte à l’année où tu étais en 4ème et où tu avais pris la voix de Kermit la Grenouille, explique le scénariste, tu t’es exprimé comme ça pendant des mois et cette voix est devenue comme une seconde nature. Et puis, tu as arrêté.”" Fait amusant : Killen avait également écrit un scénario dans lequel son père se transformait en castor !

Le castor concentre tout ce que le personnage de Mel Gibson ne peut exprimer. En même temps qu'un alter-ego, il est l'opposé du personnage : il s'exprime -à travers la voix de Mel Gibson- avec un accent anglais et a un côté bourru et populaire à l'inverse de Walter qui vient d'un milieu chic. Jodie Foster explique : "[Walter] choisit naturellement un personnage qui est aux antipodes de lui, afin de fuir cet être qu’il était et qui l’a beaucoup déçu."

Mel Gibson revient sur le tournage : "Le fait d’enfiler une marionnette en peluche sur sa main, et de la faire parler, vous donne une certaine liberté, et il y avait là-dedans une part de magie. Quand on est suffisamment à l’aise, la marionnette peut briller grâce à vous – à moins que ce ne soit vous qui brilliez grâce à elle." Jodie Foster a été impressionnée par l'implication de l'acteur : "Mel est devenu un véritable marionnettiste. Je n’arrêtais pas de lui dire de ne pas trop s’embêter avec le maniement de la marionnette, car ça n’avait pas à être parfait, mais en fin de compte, c’est lui qui avait raison : tandis que son travail de ventriloque s’améliorait, on en oubliait que le castor n’est pas un être vivant, ce qui été très bénéfique au résultat final."

Kyle Killen, scénariste du film, pensait raconter l'histoire de cet homme et de sa marionnette sous la forme d'une nouvelle mais au fur et à mesure de l'écriture, le récit s'étendait sur des centaines de pages. Killen a alors décidé de faire porter Le Complexe du castor sur grand écran.

Jodie Foster a choisi Mel Gibson pour incarner le rôle principal car, en plus d'être son ami, il est capable selon elle de jouer autant sur le registre comique que tragique. Par ailleurs, le nom de Mel Gibson rattaché au projet a facilité la production du film : "Ce genre de films dont l’intrigue sort de l’ordinaire est extrêmement difficile à financer", explique Steve Golin. "C’est déjà compliqué à produire avec une star attachée au projet, mais presque impossible sans elle."

Ce jeune acteur vu dans Star Trek, Terminator Renaissance et Alpha Dog, incarne un adolescent en conflit avec son père, Mel Gibson. Jodie Foster l'a choisi car "Anton est un jeune comédien éblouissant, et il apporte au rôle deux éléments complémentaires : une profondeur extraordinaire, d’une part, et une générosité et une forme d’insouciance, de l’autre. C’est un mélange qu’on trouve rarement chez les jeunes acteurs."

Dans le rôle de Norah, la fille de Mel Gibson, on retrouve Jennifer Lawrence la révélation de Winter's Bone. Jodie Foster déclare à son sujet : "Jennifer Lawrence est hallucinante. J’aimerais pouvoir dire que je l’ai découverte, mais j’avais vu Winter's Bone avant de lui proposer le rôle, et je m’étais dit qu’elle avait une vraie présence à l’écran. On a d’ailleurs pas mal adapté le personnage tel qu’il existait dans le scénario en fonction du caractère de Jennifer."

L'un des producteurs du films, Steve Golin, fondateur de Propaganda Films à la tête de la boîte de production Anonymous Content, a à son actif des oeuvres originales et décalées comme Dans la peau de John Malkovich, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou la série Twin Peaks. Pas étonnant qu'il se retrouve à produire un film tel que Le Complexe du castor : "J’ai trouvé que c’était un scénario extraordinaire. Bien sûr, c’est une histoire délirante et singulière, puisqu’il s’agissait d’un type qui fuit la réalité et qui communique à travers une marionnette de castor. Mais c’est une histoire qui – étrangement – fonctionne très bien."

Hagen Bogdanski, chef opérateur du film, a signé la photo de La Vie des autres, Oscar du Meilleur film étranger en 2007. Depuis, il a collaboré à Victoria : les jeunes années d'une reine et à W.E., le prochain film de Madonna.

Jodie Foster s'est entourée de personnes qu'elle connaissait bien. En plus de son ami Mel Gibson, on trouve derrière la caméra la costumière Susan Lyall qui a travaillé sur les deux précédentes réalisations de Jodie Foster, Le Petit homme et Week-end en famille. Elle a également participé à des films où Jodie Foster fait l'actrice, comme Nell et Flight Plan. Au montage, on trouve Lynzee Klingman, qui a travaillé elle aussi sur les deux précédents films de Foster, et qui est en outre une fidèle collaboratrice de Milos Forman : on lui doit le montage de Vol au-dessus d'un nid de coucou, Hair et Man On the Moon.

Le chef décorateur Mark Friedberg a suivi les instructions de Jodie Foster et a installé des décors sobres et dépouillés dans des tonalités sombres : "Elle voulait que les espaces soient aussi peu encombrés que possible car le film est très riche en émotions. Quand les décors sont peu encombrés, ils laissent libre cours à l’imagination du spectateur, à la manière d’un poème." Jodie Foster, très impliquée dans la fabrication du film, n'a laissé échapper aucun détail. La réalisatrice/actrice a ainsi soufflé au chef décorateur l'idée de Post-It dans la chambre de Porter : "Elle a suggéré que Porter note absolument tout sur des Post-It. On en voit partout dans sa chambre. Et au bout du compte, le monde de Porter est un monde de Post-It", remarque-t-elle.

Visuellement, Jodie Foster a souhaité que son film soit le plus réaliste possible, comme le précise le chef-opérateur Hagen Bogdanski : "On n’a pas du tout voulu d’éléments fantastiques dans le film. Ce n’est pas un conte de fée, mais l’histoire émouvante d’un homme et de sa famille et nous avons voulu la raconter avec simplicité. Tout est réel. Nous n’avons utilisé aucun effet numérique." Jodie Foster avait une idée bien précise du style visuel de son film, qu'elle définit comme étant "aux antipodes de ce à quoi on pourrait attendre d’un film autour d’un type qui enfile une marionnette sur sa main. On a utilisé des objectifs anamorphiques, une palette de couleurs sobres et des compositions élégantes. C’est stylisé, avec des influences allemandes. C’est le portrait d’une famille américaine et, lorsque le film prend un tour plus sombre, on s’aventure dans des espaces vides qui reflètent les états d’âme de Walter."

Le Complexe du castor se situe dans une banlieue-type où "les gens mènent une vie morne et conformiste, où tout est banal, où toutes les maisons sont semblables et où tout le monde se ressemble", explique la chef costumière Susan Lyall. Cependant, Jodie Foster a voulu s'éloigner d'une vision diabolique de la banlieue, déjà égratignée dans des films comme American Beauty ou Les Noces rebelles.

Tout comme pour les décors ou la lumière du film, les costumes sont les plus réalistes possibles afin de coller au plus près à la psychologie des personnages. Le personnage de Porter par exemple ne porte que des couleurs neutres comme du beige et du gris pour passer inaperçu. Son style vestimentaire sobre est une manière pour lui de se glisser plus facilement dans la tête de ses camarades de classe dont il rédige les devoirs contre rémunération. "Il ne porte pas de couleurs vives, sauf la fois où il sort avec Norah. Ce soir-là, il porte un costume sombre, sans doute pour faire passer un message", explique Susan Lyall.

Le Complexe du Castor fait partie de la sélection officielle, hors-compétition, du Festival de Cannes 2011. Mel Gibson était déjà venu présenter sur la Croisette L' Année de tous les dangers en 1983 et Le Bounty l'année suivante, tous deux en Compétition. Quant à Jodie Foster, elle a monté les marches pour Alice n'est plus ici en 1975 et à deux reprises en 1976 pour Bugsy Malone et Taxi Driver, Palme d'Or cette année-là.

Le Complexe du castor est la troisième réalisation de Jodie Foster. Ces précédents films, Le Petit homme et Week-end en famille, abordaient déjà le thème de la famille.

Jodie Foster et Mel Gibson sont de grands amis depuis qu'ils ont joué ensemble dans Maverick de Richard Donner en 1994.

En janvier 2011, un scandale éclate : l'acteur Mel Gibson aurait frappé son ex-compagne Oksana Grigorieva. La société de production Before Summit Entertainment réagit à l'affaire en suspendant la sortie du film. Mais finalement, la situation étant réglée à l'amiable par les deux parties en mars, la société décide de sortir le film au printemps 2011.

Jodie Foster et Mel Gibson se retrouvent dans ce film, drame familial intime et assez léger après avoir tous deux tenu le rôle principal d'un film de vengeance noir. Mel devenait Hors de contrôle après le meurtre de sa fille dans le film de Martin Campbell pendant que Neil Jordan poussait Jodie Foster A vif pour faire d'elle une Vigilante cherchant l'assassin de son mari.

Jim Carrey et Steve Carell ont été envisagés pour jouer le rôle finalement attribué à Mel Gibson dans Le Complexe du castor.

Le Complexe du castor est le premier film que Jodie Foster tourne en Cinémascope.