Jean Dorothy Seberg fait ses débuts au cinéma alors qu’elle est à peine âgée de 18 ans. Le metteur en scène
Otto Preminger la choisit parmi 18 000 candidates pour incarner Jeanne D’arc dans son film
Sainte Jeanne (1957). Cette douce jeune fille aux yeux de biche et aux cheveux blonds incarne parfaitement la Pucelle d’Orléans. Le public est conquis, le réalisateur également puisqu’il lui offre, l’année suivante, le rôle principal du drame
Bonjour tristesse. Si à sa sortie, le film, adapté du roman de
Françoise Sagan, est vivement critiqué, il ouvrira néanmoins à la jeune comédienne les portes du septième art. Côté vie privée, Jean Seberg s’engage très tôt dans la lutte antiracisme puisque dès ses 14 ans elle adhère à National Association for the Advancement of Colored People. Venue s’installer à Paris, la jeune femme fait la rencontre, lors du tournage de La Récréation en 1958, de son premier époux le réalisateur et acteur
Francois Moreuil (dont elle divorcera 2 ans plus tard).
En 1960,
Jean-Luc Godard lui offre le rôle de Patricia Franchini dans
A bout de souffle où elle donne la réplique à
Jean-Paul Belmondo. Premier long métrage de Godard, A bout de souffle est couronné par le Prix Jean Vigo, ainsi que l’Ours d’argent de la Mise en scène lors du Festival de Berlin en 1960. Co-écrit par
François Truffaut et Godard le film est emblématique de la Nouvelle Vague - mouvement lancé dès la fin des années cinquante par les jeunes réalisateurs
Claude Chabrol,
Jean-Luc Godard,
Jacques Rivette,
Eric Rohmer et
François Truffaut - et dont Jean Seberg deviendra l’une des icônes. L’actrice américaine enchaîne ensuite les films français, dans
L' Amant de cinq jours de
Philippe de Broca, elle donne la réplique à
Jean-Pierre Cassel,
Micheline Presle et
François Périer, l’année suivante elle participe au segment (Le Grand escroc) réalisé par
Jean-Luc Godard, du film à sketches
Les Plus Belles escroqueries du monde du monde. Parallèlement elle fait la rencontre du diplomate et écrivain
Romain Gary, la comédienne divorce de
Francois Moreuil et
Romain Gary se sépare de l’actrice Lesley Blanch. Deux ans plus tard le couple a un enfant et se marrie. (Ils divorceront en 1970).
1964 marque un tournant dans la vie et la carrière de la comédienne puisqu’elle tient le rôle-titre de
Lilith, le dernier film de
Robert Rossen. Jean Seberg y incarne une schizophrène dont
Warren Beatty tombe amoureux. La prestation de l’actrice est incroyable et remarquée. Sa fragilité mentale commence à être mise à l’épreuve. Certains arguant que si son interprétation est si juste, c’est qu’elle n’est pas si éloignée de son personnage… La même année elle retrouve
Jean-Paul Belmondo dans le film de
Jean Becker,
Echappement libre, puis tourne de nouveau pour
Claude Chabrol : en 1966 pour
La Ligne de démarcation et en 1967 pour
La Route de Corinthe. L’année suivante elle joue dans le premier long métrage réalisé par son mari Romain Gary,
Les Oiseaux vont mourir au Pérou (elle tournera une seconde fois sous sa direction en 1970 dans
Kill). Elle y incarne une nymphomane que son mari va tenter de supprimer. Ce tournage correspond à la période à laquelle le couple est en crise. Jean Seberg ayant eu une relation hors mariage avec un membre des Black Panthers.
Engagée depuis ses 14 ans dans la lutte contre le racisme, Jean Seberg utilise sa notoriété pour lutter pour les droits civiques et soutient les causes politiques des Amérindiens et des Black Panthers. Elle tombe alors amoureuse de Hakim Abdullah Jamal, cousin de Malcolm X, membre des Black Panthers et président de l'Organisation de l'Unité Afro-Américaine. Cette liaison lui attirera les foudres de J. Edgar Hoover et du FBI. L’actrice est mise sur écoute et surveillée. Jean Seberg divorce de Romain Gary en 1970 alors qu’elle est enceinte. Le FBI soupçonne Hakim Abdullah Jamal d’être le père de l’enfant et dévoile l’information au
Los Angeles Times qui la publie en précisant, qu’une actrice, rebaptisée "Miss A", serait enceinte d’un membre des Black Panthers (une information que le FBI lui-même démentira en 1979, précisant avoir voulu détériorer l’image de l’actrice. (
Los Angeles Times du vendredi 14 septembre 1979)). Fragilisée, Jean Seberg tente de se suicider, elle échoue mais son enfant, une fille, meurt 2 jours plus tard. Afin de prouver que les rumeurs du
LA Times sont infondées, la comédienne ouvre le cercueil du bébé lors de l’enterrement afin de prouver que celui-ci est blanc. Jean Seberg ne se remettra jamais de cette perte puisqu’elle tentera, à plusieurs reprises, de se suicider à la date d’anniversaire de sa fille.
En 1972, elle épouse le réalisateur
Dennis Berry (dont elle divorcera en 1978) mais sombre dans l’alcool. En 1973,
François Truffaut lui propose le rôle de Julie dans
La Nuit américaine, mais sans nouvelles de la comédienne, le metteur en scène offre le rôle à
Jacqueline Bisset. Peu à peu l’actrice retrouve le chemin des plateaux de tournage, elle joue dans le thriller d’
Yves Boisset,
L' Attentat aux côtés de
Jean-Louis Trintignant et
Michel Piccoli. Inspiré de l'affaire Ben Barka le long métrage est un succès. Jean Seberg tient ensuite le rôle d’Emily dans
Le Grand délire réalisé par son mari
Dennis Berry. En 1974, elle fait la rencontre de
Philippe Garrel lors d’un dîner, de cette rencontre naîtra
Les Hautes solitudes, le film brosse le portrait d’une femme de 40 ans dans la solitude et le silence d’une ferme. En 1984, le metteur en scène écrit dans
Fragments d’un journal, un texte sobrement intitulé "Jean Seberg" (
reproduit dans Les Cahiers du cinéma, n°447, septembre 1991) dans lequel il précise :
"Quand j’eus fini ce portrait, je soumis un premier montage de son film à Jean qui trouva le film très bien. Jean avait tourné beaucoup de films, mais elle prenait plaisir à un film qui lui était entièrement consacré. Au reste dans ce film on pouvait voir son âme, qui était très belle." Philippe Garrel retrouvera la comédienne en 1978 pour
Le Bleu des origines dans lequel il filme ses muses avec une caméra à manivelle et en muet. La même année Jean Seberg tente de se jeter sous les rames du métro parisien. Un an plus tard, la comédienne disparait.
Portée disparue le 30 août 1979, son corps est retrouvé 10 jours plus tard, à l’arrière de sa voiture près de son appartement à Paris. Selon le rapport de police, Jean Seberg aurait succombé à une surdose de barbituriques et d'alcool.
Laëtitia Forhan