Nous avons là affaire à un monument du cinéma français avec ce huis clos étouffant et moralisateur du grand cinéaste Lumet. Je me suis vu juré du film, tant pris par le scénario que par la réalisation, qui m’a convaincu. Au départ, le réalisateur nous présente une salle d’audience tourné vers un jeune garçon suspecté d’avoir tué son père. Ces douze hommes se retrouvent avec le poids d’une vie sur les épaules, mais pour prendre une décision, il faut l’unanimité. Le suspens établi est remarquable, car tout s’enchaîne avec une grande fluidité, et le spectateur en oublie presque que c’est un film. Certains ne l’ont pas apprécié pour sa lenteur, mais je trouve au contraire que le temps passe si vite. Quel que soit notre bord au début, plutôt pour juger coupable ou non, notre esprit se fait emmêler et démêler tout au long du film. Le débat est vivant et le spectateur y trouve même l’envie d’y participer.
J’apprécie beaucoup les gros plans, davantage quand ils sont fixes, et je suis servi. J’y ai même vu les gouttes de sueur, qu’ils soient sur leurs fronts ou le mien. Le ton monte avec la chaleur et crée un halo de réflexion presque anxiogène, qui garde à merveille le suspens. Très prometteur, le premier long-métrage de Lumet s’inscrit dans la lignée des drames policiers qui en a inspiré beaucoup. Les jurés sont très réalistes et attachants, bien que le spectateur n’en connaisse que des numéros, et pas des noms. Il est presque facile de se mettre à leur place dans le débat, mais seulement pour participer, non pour trancher. Et, ce qui ne semble être pour tout le monde au début qu’une brève affaire leur prend toute une journée. Henry Fonda joue incroyablement bien, ainsi que tout le pêle-mêle d’acteurs qui se retrouvent dans de nombreux films.
Ce qui m’a par contre déçu, c’est la fin. Elle est trop rapide à mon goût pour toute l’immensité qui vient d’être créée derrière. Les arguments qui convainquent chaque membre l’un après l’autre forment une gigantesque envergure du débat, et tout s’enchaîne bien jusqu’aux 1h31 où la fin se fait sentir. La décision des jurés est prise mais il n’y a pas de retour en salle d’audience. Ce qui, au début m’a chiffonné, m’a fait réaliser que là réside toute la grandeur du film, la critique de la société et des lois qui au fond ne reposent que sur le bon vouloir de certains messieurs. La fin est telle que chacun repart chez soi, et c’en est fini de penser à cette histoire. Et attention spoiler : pourquoi, si le jeune est finalement acquitté, ne cherchent-ils pas le vrai assassin ? Certes l’enjeu du film n’est pas là, et le temps était compté – car pour un premier film ils n’ont pas dû le laisser faire ce qu’il voulait – mais il m’aurait paru plus émotionnel encore de revoir ce jeune libre, remerciant les jurés.
Enfin, la longueur du film ne m’a pas dérangé car je me suis pris au jeu. Par contre, il n’est pas compliqué de décrocher si le spectateur recherche de l’action de masse ; c’est un film d’auteur, fondamental. Pour les amateurs de juridiction à l’inverse, cela peut paraître un peu simplet, une discussion autour d’un meurtre sans preuve solide qui ne tienne plus qu’une opposition de Fonda. Quoi qu’il en soit, il est à voir absolument pour les amoureux du cinéma.