Quel bonheur! Un film intelligent, qui parle de musique, et des musiciens, et du travail d'interprétation d'une oeuvre, quel bonheur! Après En Fanfare, qui était aussi un excellent film, sensible et intelligent, on reprend espoir dans le cinéma français...
Astrid (excellente Valérie Donzelli) et son frère (Nicolas Bridet) ont perdu leur père, un chef d'entreprise fou de musique. Qui avait consacré sa vie, et sûrement beaucoup d'argent, à acheter trois Stradivarius de même facture.
Avec dans l'idée de leur faire interpréter un quatuor, déjà commandé à Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot excellentissime! on se demande comment Pierrot n'a pas explosé au cinéma avant la soixantaine; c'est incompréhensible...).
Ce père meurt donc avant de réaliser son rêve, mais voilà que la pièce manquante, le violoncelle, arrive sur le marché, et Astrid le veut. Du ciel, Papa verra le couronnement de sa démarche... Le frère, plus préoccupé par la santé de l'entreprise que par l'héritage musical paternel, se laisse fléchir.
L'enregistrement aura lieu dans une église à l'acoustique parfaite; les répétitions dans une belle maison familiale au milieu de la forêt. Quant aux quatre instrumentistes, le père les avait déjà choisis: les meilleurs, selon lui. Seulement, voila... Un quatuor, ce sont des années, voire des décennies de travail en commun. Et là, il s'agit de réunir quatre fortes personnalités qui ne se connaissent pas, mais ont tous déjà de bons egos de vedette.
Georges, le premier violon (Mathieu Spinosi), capricieux et fantaisiste -carrément insupportable!-, a un véritable ego de rock-star. Peter, le second violon, (Daniel Garlitsky) est en train de devenir aveugle. La violoncelliste, Lise (Marie Vialle) a fait partie d'un trio avec Peter; ils ont eu une aventure et ça c'est mal fini. Donc, a priori, elle le déteste. Quant à la jeune alto, Apolline (Emma Ravier), elle n'est pas passé par la même formation classique, exigeante que ses camarades; c'est encore une gamine dans sa tête, une gamine de son temps qui le passe, ce temps, sur les réseaux sociaux où elle a des milliers de followers, et elle se sent un peu snobée.
Donc, tous les éléments d'une comédie où ça va se passer très mal sont là... Notre pauvre Astrid pour sauver la mise a l'idée d'aller chercher ce fameux Charlie, qui commence par refuser; il vit dans la nature comme un ours et se consacre à reproduire des chants d'oiseaux...
Et puis, ce quatuor, il l'a oublié, et puis, au fond, il ne l'aime pas tant que ça
.. Ca va vraiment se passer très mal...
Mais, si ce film est si passionnant, c'est qu'au delà de sa dimension comique avec des quantités de rebondissements et de scènes cocasses, il a aussi un fond didactique et nous immerge dans le travail de répétition d'une oeuvre; le fait que cette oeuvre n'ait jamais été jouée -pas de tradition, que la partition- ajoutant à sa difficulté.
Et enfin, quelle performance que d'avoir réussi à trouver quatre musiciens-acteurs! Tous passés par un conservatoire, presque tous avec une activité professionnelle mixte, comme Marie Vialle, actrice, mais qui se produit aussi avec son violoncelle; Emma Ravier qui a joué avec l'orchestre de Radio France. Mathieu Spinosi est maintenant essentiellement acteur, mais fils de violonistes, il a appartenu au quatuor Matheus fondé par son père. Le russe Daniel Garlitsky, issu d'une longue lignée de violonistes est, lui, un pur musicien; enseignant et violon solo, il joue sur un.... Guarnerius. Et il se révèle ici excellent acteur... Franchement, ces quatre là, ces quatre surdoués, ils portent le film. Merci à eux. Bien sûr il faut y courir. ca ne se rate pas, une réussite comme celle là!!!
Quant à Grégoire Hertzel qui a composé le fameux quatuor... eh bien c'est pas mal du tout!