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    "King Kong" par Peter Jackson

    Avec "King Kong", en salles ce 14 décembre, Peter Jackson réalise un rêve de gosse. Le réalisateur revient pour nous sur le retour du roi Kong...

    Le choc "King Kong"

    Peter Jackson : J'avais 9 ans la première fois que j'ai vu King Kong. C'était une oeuvre merveilleuse, un vrai échappatoire : une île perdue, un gorille géant, des dinosaures, des sacrifices, et tous les éléments des films d'aventures. Mais le plus important, c'est que j'ai eclaté en larmes à la fin du film : ce que font encore beaucoup de gens en regardant le film d'ailleurs. C'est une histoire très émouvante, et vous arrivez à un point où vous ne voulez pas que Kong meure. Vous avez de l'empathie pour lui, vous savez qu'il est innocent : il a beau avoir démoli beaucoup de voitures ou tué beaucoup de dinosaures, il ne se rend pas compte de ce qu'il fait. Ses notions du Bien et du Mal et ses valeurs sont différentes des nôtres. Il agit selon son instinct, et il ne faut pas le juger pour cela. En fait, on comprend pourquoi il agit de la sorte, et on s'attache à lui.

    L'une des grosses difficultés sur notre remake a été de trouver le juste équilibre entre cette empathie et le fait de ne pas faire un Kong trop mignon. Je tenais à montrer qu'il restait un animal dangereux, uen force brute, et je voulais en même temps qu'on puisse s'attacher à lui. Kong est l'exemple parfait de la capacité humaine à découvrir des choses merveilleuses au sein de la nature, et à les exploiter, les dénaturer et les rabaisser pour faire de l'argent. Au-delà de la peine que nous ressentons vis à vis de Kong, nous ressentons également une certaine culpabilité vis à vis de ce que l'Homme essaye de lui faire. Ce qui renvoit à tout ce que nous avons pu faire au cours de l'histoire. Ceci explique pourquoi, par exemple, il ne reste aujourd'hui que 706 gorilles des montagnes pour 6 milliards d'êtres humains...

    Pourquoi un remake ?

    Je n'ai pas essayé d'améliorer le film original, car je me considère comme un vieux fan de King Kong. J'essaye simplement de faire un remake du film depuis que j'ai 12 ans. J'ai toujours voulu réaliser une nouvelle version de cette histoire, mais pas parce que je pense que le film original a besoin d'être amélioré. Ce film est un classique, et il restera un classique. Il l'est en tout cas depuis 70 ans, et je suis simplement un fan qui rêvait de faire sa version de cette histoire. Avec la technologie qui est désormais à notre disposition, j'ai pensé que ça valait la peine de raconter à nouveau cette histoire, une histoire qui va au-delà du film de 1933. Le film original existe et c'est une oeuvre merveilleuse : je l'ai encore revu il y a deux semaines en version restaurée, en compagnie de trois autres personnes et c'était fabuleux. J'aime cette histoire, mais j'aime aussi l'idée de la moderniser grâce à la technologie actuelle. Et puis au-delà de ça, c'est incroyable le nombre de gens qui n'ont jamais vu King Kong, notamment chez les jeunes. C'est une histoire merveilleuse et épique : pourquoi ne pas la raconter à nouveau et leur faire découvrir ?

    La Belle et la Bête

    Nous ne voulions pas appuyer la dimension sexuelle de l'histoire. Beaucoup de gens s'attardent sur cet aspect de la relation entre Kong et Ann. Le film de 1933 abordait un peu cette idée, et le film de 1976 y allait carrément, mais ça ne nous intéressait pas car au fond, ce n'est pas le sujet de ce film. Ann fait son entrée dans l'univers de Kong au moment où il a besoin d'elle finalement. C'est un animal avec des instincts, et il ressent le besoin de la protéger. C'est comme avec des nouveaux-nés, que l'on cherche à protéger contre tout. Kong tuera tout ce qui menace Ann, c'est un instinct de protection, pas le moins du monde une relation romantique.

    La relation Ann / Kong

    Il n'y a pas plus de dialogues entre Ann et Kong qu'il n'y en a entre les autres personnages. J'étais très inquiet quant à l'idée de mettre en place un dialogue entre eux, car on peut très vite tomber dans le ridicule. Ce n'est pas comme si elle pouvait le comprendre : elle essaye simplement de communiquer une ou deux fois avec lui, mais c'est très discret et on se focalise principalement sur ses réactions à lui. Pour rendre cette relation intéressante, il fallait la rendre réelle. Dès lors, il faut se demander comment on réagirait si l'on se retrouvait dans cette situation. Comment rester en vie ? Car au départ, Kong veut tuer Ann car c'est une réaction instinctive pour lui. Elle doit donc trouver un moyen de s'en sortir, tout d'abord en piquant sa curiosité puis en créant ensuite une relation avec lui.

    Plus qu'un gorille, un personnage

    Le défi majeur du film résidait dans la réalisation de Kong en tant que personnage crédible. Si nous avions décidé d'en faire "trop" et si Kong faisait trop faux, personne n'aurait crû en lui et tout le monde serait passé à côté de l'histoire. Notre plus grande crainte était que Kong ne s'impose pas comme un véritable personnage et, au-delà de ça, que la relation entre lui et Ann ne fonctionne pas car c'est clairement le coeur du film. Je n'ai jamais été inquiété par les effets visuels car je suis épaulé par des spécialistes brillants. Ce n'est donc pas impossible pour moi, en tant que réalisateur, de mettre en scène un combat de dinosaures dans le film. J'ai juste à leur demander. Par contre, le défi du film résidait dans le fait de faire passer à l'écran la relation émotionnelle entre Kong et Ann. Aussi bien au niveau technique qu'humain : il fallait écrire ces scènes et les mettre en scène. Il fallait faire en sorte de réussir Kong techniquement, mais également faire en sorte d'avoir des acteurs crédibles pour réagir face à lui.

    Les yeux de Kong

    Les yeux qui sont à l'écran sont entièrement générés par ordinateur. Après, j'aurais du mal à vous en dire plus, car je n'arrive pas à me servir d'un ordinateur et je sais à peine envoyer un e-mail ! Nous avons beaucup travaillé sur le regard de Kong afin de créer des yeux aussi réalistes que possible. Réussir les yeux était essentiel tellement il y a de gros plans sur le visage de Kong. Nous devions donc étudier un oeil dans toute sa complexité afin de pouvoir générer ça artificiellement, notamment au niveau de la réaction à la lumière. Quand vous placez les lumières sur un plateau, vous pouvez créer une vraie ambiance et une vraie atmosphère, car cette lumière se reflète dans l'oeil des comédiens et se voit à l'écran. Pour Kong, tout partait d'Andy Serkis, et notamment de son regard. Nous faisions ensuite en sorte de recréer ça par ordinateur. Pour les plans dans lesquels Ann regarde Kong, Naomi Watts regarde en fait Andy. Nous ne lui avons pas demandé de fixer des balles de tennis ou des points de repères. Andy était toujours là où devait être le regard de Kong, ce qui lui demandait parfois d'être à 8 mètres de haut derrière la caméra, afin que Naomi puisse réagir à son jeu.

    La mort de Kong

    C'est une scène qui me touche beaucoup. La dernière bobine, la bobine N°9, est la séquence de l'Empire State Building. J'ai commencé à peaufiner le mixage, à apporter des nouveaux effets sonores, à retoucher la musique, mais à la fin de la journée, j'ai dû sortir car je n'en pouvais plus de voir et revoir Kong se faire tirer dessus. J'ai donc dit à mon équipe : "Je vous laisse mixer, je reviendrai vous donner mon avis à la fin de la journée". Je ne pouvais tout simplement pas rester dans la pièce pour cette bobine.

    Terminer le film dans les temps

    Les gens exagèrent un peu trop à propos de ça. Ce n'est pas si dramatique. Ce n'est pas comme si le film n'était pas prêt pour le 14 décembre. Simplement, nous aimons travailler autant que possible sur le film, et nous le faisons chaque fois que nous le pouvons, jusqu'au dernier moment. Si vous décidez d'arrêter, cela signifie que le film est parfait : or ce film ne sera jamais parfait. Plus vous travaillez dessus, meilleur il devient. La première projection-presse était prévue le mercredi 7 décembre au soir. Et bien le matin même, à 9h00, nous étions encore en train de travailler sur deux plans : l'un montrant Kong en train de grimper sur l'Empire State Building, l'autre le montrant en train de s'enfuir depuis la rue jusqu'à un chantier. Deux plans que nous avions mis en place le lundi précédent : nous y avons travaillé toute la nuit et pourtant, le lendemain quand je suis allé finaliser le mixage, j'ai encore voulu améliorer ces deux plans. Mais nous devions envoyer la copie à Los Angeles puis à New York et nous avons travaillé jusqu'au mercredi matin pour peaufiner tout ça. C'était donc difficile et éprouvant. Cela a été du travail non-stop. C'est le plus gros challenge auquel j'ai été confronté jusqu'à présent.

    3 heures, sinon rien !

    Nous avions prévu de faire un film de 2h20. Le planning et le budget étaient prévus pour un film de cette durée. Après Le Seigneur des anneaux : le retour du roi, je ne voulais pas refaire un film de trois heures. A la fin du tournage, alors que nous avions mis en boîte le scénario, nous avons commencé le montage. Quand vous montez, vous abordez les scènes une par une, vous construisez votre film : et au final, sa durée nous a pris par surprise. Ca peut paraître stupide, mais nous avons vraiment été surpris pas la façon dont le film s'est construit. Nous en sommes alors arrivés au point où il fallait couper des scènes : d'ailleurs, si vous regardez la première bande-annonce, elle contient beaucoup de séquences qui ne sont pas dans le film final. Nous n'avons pas fait de projections-tests sur ce film : nous étions simplement quelques-uns à voir le film dans son intégralité, et nous en sommes arrivés à cette version de trois heures qui correspond au film que nous avions envie de faire. C'était pour nous la meilleure façon de raconter cette histoire, et nous avons enlevé ce qui devait être enlevé. Nous avons soumis cette version au studio, qui n'avait vu que des scènes du film et jamais de montage définitif. Quand Stacey Sneider a vu le film, nous pensions qu'elle nous dirait de couper une demi-heure et nous ne savions pas comment faire. Mais elle est sortie de la projection en nous disant "Bien, pas de problèmes avec cette version. Nous aimons beaucoup et nous pensons que le film devrait rester ainsi". C'est ainsi que ça s'est fait.

    Film rêvé, film parfait ?

    Acun film n'est jamais parfait, surtout les films que j'ai pu faire. Il faudra me demander ça dans quelques mois car je suis encore trop impliqué dans le processus de fabrication du film pour avoir assez de recul et vous donner une véritable réponse, car celle que je vous donnerais viendrait surtout de mes tripes et de mon coeur. Nous avons fait en sorte de faire le meilleur film possible jusqu'à lundi dernier, quand nous avons dû livrer la copie. On en reparlera dans quelques mois, quand j'aurais pu revoir le film et me faire un véritable avis.

    L'après-Kong

    Je peux enfin me pencher sur mes autres projets. C'est al première fois depuis dix ans que je peux penser à autre chose que Le Seigneur des anneaux et King Kong. Ces deux projets ont pris dix ans de ma vie, ce qui resprésente une bonne partie de ma carrière. Donc maintenant, j'envisage de prendre un peu de repos, puis d'écrire et mettre en scène des films que nous avons envie de faire depuis pas mal de temps. Nous apprécions le fait de pouvoir travailler sur de nouvelles idées et d'avoir le temps d'écrire ces scénarios.

    Propos recuellis le 5 décembre 2005 par Emmanuel Itier

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