Jarmusch et Haneke repêchés
Les favoris ne sont pas oubliés pour autant : Jim Jarmusch obtient la récompense la plus convoitée après la Palme : le Grand Prix, pour une comédie aux accents mélancoliques qui avait enchanté la Croisette, Broken flowers, avec un Bill Murray mi-Don Juan mi Droopy. C'est une belle revanche pour ce chef du file du cinéma indépendant américain : enfant de Cannes, Jarmusch avait décroché la Caméra d'or pour son premier long métrage, Stranger than Paradise (1983), et la Palme d'Or du court-métrage pour un de ses Coffee and cigarettes (1993), mais était depuis toujours reparti bredouille de la compétition. Autre habitué du festival, Michael Haneke, dont le Caché était le chouchou de la critique : il repart avec le Prix de la Mise en scène, une récompense somme toute logique pour cette oeuvre dont l'un des personnages principaux, aux côtés de Juliette Binoche et Daniel Auteuil, est une mystérieuse caméra. La France doit donc son unique récompense à un réalisateur autrichien...
Tommy Lee Jones invité surprise, Cronenberg et Wenders absents de marque
Beaucoup plus inattendue est la présence au palmarès, et à un double titre, des Trois enterrements, le premier long métrage (après un téléfilm en 1995) réalisé par le comédien Tommy Lee Jones. Le film est distingué à la fois pour son scénario, que l'on doit au Mexicain Guillermo Arriaga (auteur des scripts déjà très remarqués de 21 grammes et Amours chiennes), et pour l'interprétation de Tommy Lee Jones lui-même. Le prix d'interprétation féminine est allé quant à lui à l'Israëlienne Hanna Laslo, une des trois comédiennes de Free zone d'Amos Gitaï. L'Asie est également récompensée, mais pas forcément pour le film qu'on attendait : c'est en effet à Shanghai dreams du Chinois Wang Xiaoshuai que revient le Prix du Jury. Notons que la plupart des grands noms de la sélection ont été ignorés par Emir Kusturica et son jury, de Gus Van Sant à Wim Wenders en passant par Lars von Trier, David Cronenberg ou Atom Egoyan.
Les Dardenne, enfants chéris de la Croisette
La (deuxième) Palme d'or des Dardenne, obtenue pour L'Enfant -et qu'ils ont dédiée à la journaliste Florence Aubenas et à son guide Hussein Hanoun, retenus en otages en Irak-, est le nouveau chapitre d'une success story belge. Entre ceux qu'on appelle "Les Frères" et le Festival de Cannes, c'est en effet une longue histoire. En 1996, la Quinzaine des Réalisateurs, section parallèle défricheuse, révèle le cinéma âpre et intense du tandem wallon en programmant son troisième long métrage, la bien nommée Promesse. Ce film, dans lequel on découvre le tout jeune Jérémie Renier (héros du film primé aujourd'hui), laisse les spectateurs sonnés en 1996. Conséquence logique, les frangins belges prennent du galon dès leur film suivant, Rosetta, présenté en sélection officielle en 1999. Mieux : à la suprise générale, le jury présidé par David Cronenberg décerne à cette oeuvre radicale la Palme d'or et le Prix d'interprétation féminine pour une débutante nommée Emilie Dequenne. Trois ans plus tard, c'est leur acteur-fétiche, Olivier Gourmet, qui est récompensé pour sa performance dans Le Fils. Un très bel itinéraire, donc, jusqu'à cet Enfant gâté.
Julien Dokhan
Palmarès du Festival de Cannes 2005 :
L' Enfant de Luc et Jean-Pierre Dardenne
Broken flowers de Jim Jarmusch
Tommy Lee Jones pour son film Les trois enterrements de Melquiades Estrada
Hanna Laslo pour Free zone d'Amos Gitaï
Shanghai dreams de Wang Xiaoshuai
Caché de Michael Haneke
Guillermo Arriaga pour Les trois enterrements de Melquiades Estrada de Tommy Lee Jones
Ex-aequo :
Moi, toi et tous les autres et La Terre abandonnée de Vimukthi Jayasundara
Podorozhni réalisé par Igor Strembitskyy
Clara de Van Sowerwine
Les deux prix Vulcain de l'image et du son ont été décernés à l'unanimité à :
Leslie Shatz pour le design sonore de Last days
Robert Rodriguez pour le traitement visuel de Sin City
Prix décernés en marge de la compétition officielle :
Remis au comédien Morgan Freeman et au réalisateur George Lucas. Une Palme d'honneur d'interprétation a égéalment été remise à l'actrice française Catherine Deneuve.
Compétition officielle : Caché de Michael Haneke
Un Certain Regard : Sangre de Amat Escalante
Semaine Internationale de la Critique : Crying fist de Seung-wan Ryoo
La Mort de Monsieur Lazarescu de Cristi Puiu
Prix de l'Intimité : Le Filmeur d'Alain Cavalier
Prix de l'Espoir : Lève-toi et marche de S. Pierre Yameogo
Prix Art et Essai - CICAE : Sisters in law de Kim Longinotto et Florence Ayisi
Label Europa cinémas : La Moustache d'Emmanuel Carrère
Prix Regards Jeunes : Alice de Marco Martins
Mention spéciale des Cinémas de Recherche : Odete de Joao Pedro Rodrigues
Prix du court-métrage de la SACD : Du soleil en hiver de Samuel Collardey
Prix Gras Savoye du court-métrage : A bras le corps de Katell Quillévéré
Grand Prix : Moi, toi et tous les autres de Miranda July
Prix SACD : A stranger of mine de Uchida Kenji et La Petite Jérusalem de Karin Albou
Prix ACID : Grain in Ear de Zhang Lu
Grand Prix Canal + du Meilleur court métrage : Jona/Tomberry de Rosto
Une fois que tu es né de Marco Tullio Giordana
Cinéma, aspirines et vautours de Savador Gomez
Bahia, ville basse de Sérgio Machado
Premier Prix : Buy it now de Antonio Campos
Deuxième Prix ex-aequo : Vdvoyom (à deux) de Nikolay Khomeriki et Bikur holim de Maya Dreifuss
Troisième Prix ex-aequo : La Plaine de Roland Edzard et Be Quiet de Sameh Zoabi
Caché de Michael Haneke
Mention spéciale : Lève-toi et marche de S. Pierre Yameogo
Remis au réalisateur sénégalais Ousmane Sembene
Catégorie des cinéastes français : Avanim de Raphaël Nadjari
Catégorie des cinéastes étrangers : Damnation de Bela Tarr