La sélection du 59e Festival de Cannes a été révélée ce jeudi 20 avril par le Directeur Artistique Thierry Frémaux. Un an après une édition qui avait vu triompher L'Enfant des frères Dardenne, quelles tendances se dégagent déjà, au vu du programme, de cette édition, dont le coup d'envoi sera donné le 17 mai prochain avec l'ouverture du Da Vinci code de Ron Howard ? Allociné fait le point.
Coup de jeune
Après un crû 2005 jugé de haut niveau, mais auquel on avait reproché de faire peu de place à la nouveauté (on se souvient notamment de la présence en compétition de 4 "Palmés", les Dardenne, Wenders, Lars von Trier et Gus Van Sant), les organisateurs du Festival de Cannes semblent avoir voulu donner un coup de jeune à la compétition : pas moins de quatre cinéastes en lice pour la Palme d'or sont nés dans les années 70 (Kelly, Coppola (photo), Xavier Giannoli et Sorrentino), la moyenne d'âge des prétendants étant de 46 ans.

La bande des quatre
On remarque bien sûr néanmoins la présence d'un quatuor d'habitués européens : Nanni Moretti (seul cinéaste de la compétition déjà lauréat d'une Palme d'or, en 2001 pour La Chambre du fils), avec Le Caïman, Pedro Almodovar avec Volver (photo), Ken Loach avec Le Vent se lève et Aki Kaurismäki avec Les Lumières du faubourg. Et puisqu'on parle de continent, on note que, plus encore que l'an dernier, l'Asie est peu représentée (un seul film, Palais d'été, venu de Chine, auquel on pourrait ajouter le film turc, Les Climats), et que l'Europe (avec des films issus non seulement d'Italie ou d'Espagne mais aussi du Portugal ou d'Ecosse) et les Etats-Unis ont une fois encore la part belle. La France compte, comme l'an dernier, trois représentants (Flandres, Selon Charlie, Quand j'étais chanteur), Indigènes étant considéré comme un film algérien et La Raison du plus faible concourant pour la Belgique. Signalons par ailleurs la présence de deux metteurs en scène mexicains, Guillermo Del Toro et -malgré un casting hollywoodien- Alejandro González Inárritu.
Les revenants
Au-delà de cet apparent renouvellement (on compte d'ailleurs un seul premier film dans la compétition, Red Road, d'une jeune Ecossaise), le Festival a beaucoup fait appel cette année à des cinéastes déjà remarqués (voire révélés) sur la Croisette. Citons le Turc Nuri Bilge Ceylan (dont Uzak marqua les esprits en 2003), les Français Bruno Dumont avec Flandres (photo) -qui a oublié la polémique autour de L'Humanité en 1999 ?- et Nicole Garcia (venue pour L'Adversaire en 2002), le Chinois Lou Ye (en compétition en 2003 avec Purple butterfly), l'Italien Paolo Sorrentino (en lice il y a deux ans avec Les Conséquences de l'amour) ou le Portugais Pedro Costa, qui présenta naguère Casa de lava à Un Certain regard.
Les promus
Comme souvent, on retrouve en compétition nombre de réalisateurs qui avaient jusqu'alors seulement eu les honneurs des sections parallèles. Parmi ceux-ci figurent en particulier 3 auteurs très attendus par la planète cinéphile. C'est en effet à la Quizaine des Réalisateurs qu'on a découvert Virgin suicides, premier opus de Sofia Coppola et c'est à la Semaine de Critique que fut présenté Amours chiennes, le coup d'essai du Mexicain Alejandro González Inárritu (Babel, photo), tout comme Cronos, le premier long de Guillermo Del Toro...
2006, année politique
A l'image de la dernière cérémonie des Oscars et du Festival de Berlin, l'édition 2006 du Festival de Cannes s'annonce par ailleurs, au vu de l'ensemble de la Sélection officielle, comme très politique, au sens large : il y sera en effet question de Silvio Berlusconi (Le Caïman), des soldats oubliés de la Première Armée française (Indigènes, photo), du combat pour l'indépendance de l'Irlande en 1919 (Le Vent se lève), de l'apprentissage de la liberté par des étudiants chinois (Palais d'été), des attentats du 11 septembre (Vol 93, mais aussi 20 minutes de World Trade Center, le nouveau film d'Oliver Stone, qui présentera par ailleurs une version restaurée de Platoon), de la ruine du continent africain (Bamako, hors compétition), des rescapés italiens d'Auschwitz (le docu Volevo solo vivere), de la lutte contre le réchauffement de la planète (An Inconvenient Truth, hors compétition) ou encore des ravages de l'industrie du fast-food avec Fast Food Nation de Richard Linklater. Au passage, celui-ci réussit le tour de force de présenter deux films cette année, puisque A scanner darkly avec Keanu Reeves sera projeté dans la section Un Certain Regard...
Sea, sex and fun
A côté de tous ces sujets sérieux, les organisateurs ont pris soin d'accorder une large place au divertissement (en ou hors compétition) : cinéma de genre (Southland tales voir photo, Le Labyrinthe de Pan, le film d'horreur asiatique Soie ou même La Raison du plus faible), film d'action (X-Men l'affrontement final, hors compétition), animation (Nos voisins, les hommes, hors compétition). Signalons également Avida des inclassables Benoît Delépine et Gustave Kervern et l'intrigant Zidane, un portrait du XXIème siècle, entre cinéma et art contemporain. Le film qui pourrait faire scandale cette année (indispensable à tout festival qui se respecte), c'est Shortbus de John Cameron Mitchell, annoncé comme très hot et programmé en séance de minuit. Au rayon des curiosités, les festivaliers se rueront sans nul doute à une luxueuse séance de courts métrages, qui mêlera des films inédits d'Ozon, Monte Hellman, Gaspar Noé, Jane Campion et Eugène Green.

Et les stars ?
D'autre part, afin de garantir quelques montées des marches glamour, on attend sur le tapis rouge, en vrac, Brad Pitt, Cate Blanchett, Audrey Tautou, Tom Hanks (photo), Jean Reno, The Rock, Sarah Michelle Gellar, Kirsten Dunst, Asia Argento (présente à la fois pour Marie-Antoinette et pour Transylvania de Tony Gatlif, le film de clôture), Penélope Cruz, Hugh Jackman, Halle Berry, Bruce Willis, Ethan Hawke, Natacha Régnier, Sergi Lopez, sans oublier l'impressionnant contingent de mâles français : Gérard Depardieu, le quarté Magimel-Lindon-Poelvoorde-Bacri et l'équipe Jamel-Naceri-Roschdy Zem-Bouajila. Enfin, sur un plan plus anecdotique, qui aurait pu imaginer que la chanteuse Avril Lavigne serait à l'affiche de deux films présentés cette année (Fast Food Nation et Nos voisins, les hommes) ?

Un jury très glamour
Il n'empêche que les stars, c'est surtout au sein du jury qu'elles se bousculent. L'identité des membres qui entoureront le président Wong Kar Waï a en effet été révélée ce matin, et les paillettes sont au rendez-vous puisqu'on y retrouve Monica Bellucci (photo), Zhang Ziyi (l'une des héroïnes de 2046 réalisé par un certain Wong Kar Waï...), Samuel L. Jackson, Helena Bonham Carter et Tim Roth. On attend à leurs côtés l'auteur des Bronzés 3 Patrice Leconte ainsi que deux cinéastes habitués de la Croisette, le Palestinien Elia Suleiman et l'Argentine Lucrecia Martel. Le jury de la Caméra d'Or, chargé de récompenser le Meilleur premier film, toutes sections confondues, sera présidé par les Belgo-cannois Jean-Pierre et Luc Dardenne.
Les absents
Citons en bref quelques-uns des nombreux films que la rumeur annonçait partants pour la Croisette, et qui n'ont finalement pas été retenus en Sélection officielle (pas prêts, ou pas à la hauteur ?) : Inland empire de Lynch, The Good German de Soderbergh, Le Dahlia noir de De Palma, Scoop de Woody Allen, The Golden door de Crialese, Blackbook de Paul Verhoeven, The Queen de Stephen Frears, The Fountain de Darren Aronofsky, Breaking and entering d'Anthony Minghella, Hana Yori Mo Naho de Kore-Eda Hirokazu, Azur et Azmar de Michel Ocelot, Maradona de Kusturica, Lady Chatterley de Pascale Ferran, Voyage en Arménie de Guédiguian ou encore Nacido y criado de Pablo Trapero.

Coup d'oeil sur Un Certain Regard
Un mot de la sélection Un Certain Regard, également révélée aujourd'hui. On pourra découvrir entre autres, dans cette section présidée cette année par Monte Hellman, outre le très attendu film à sketchs Paris je t'aime, le nouveau Marco Bellocchio Il Regista di matrimoni - ce qui témoigne de la forte présence italienne cette année à Cannes-, La Californie, premier film du scénariste Jacques Fieschi avec Nathalie Baye et Ludivine Sagnier, Ten Canoes de Rolf De Heer (premier film tourné dans la langue des Aborigènes d'Australie), ou Meurtrières (photo) de Patrick Grandperret (un projet abandonné de Maurice Pialat).

Et aussi...
Parmi les autres temps forts de la manifestation, deux monstres sacrés du cinéma américain dispenseront chacun une leçon de cinéma : le réalisateur Sydney Pollack et la comédienne Gena Rowlands. La leçon de musique sera assurée par Alexandre Desplat, qui dialoguera à cette occasion avec son complice Jacques Audiard. On connaîtra le 26 avril prochain la liste des films présentés à la Semaine de la Critique et le 2 mai le programme de la Quinzaine des Réalisateurs.
Julien Dokhan
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